Lors d'un déplacement lundi 20 janvier dans le Tarn, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a promis une "feuille de route" pour structurer la filière française de l'hydrogène et des piles à combustible.
Le ministre était en visite au syndicat mixte départemental de valorisation des déchets Trifyl, basé à Labessière-Candeil dans le Tarn. Trifyl est présidé par Jean-Marc Pastor, sénateur du Tarn et coauteur, avec le député de Moselle Laurent Kalinowski, d'un rapport parlementaire sur le potentiel des technologies à hydrogène comme "vecteur énergétique".
Ce rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a été remis officiellement lundi au ministre. Il formule des recommandations pour soutenir une filière industrielle nationale et permettre à la France de rattraper son retard sur les leaders allemand et japonais. Quels sont les enjeux ? Dans un contexte de transition énergétique du pays, l'hydrogène constitue un moyen de répondre à la problématique de stockage des énergies renouvelables intermittentes (éolien, solaire…), soulignent les parlementaires. Avec la maturation des technologies des piles à combustible miniaturisées, l'hydrogène peut être aussi utilisé comme prolongateur d'autonomie des batteries pour les véhicules électriques, pour alimenter les chariots élévateurs et téléphones portables ou doper le rendement des unités de cogénération. Son pouvoir calorifique lui permet également d'être utilisé directement comme combustible (véhicules, cogénération, injection dans le réseau gazier).
La France ne manque pas d'atouts dans ce domaine notamment au travers de nombreux brevets déposés sur des technologies telles que l'électrolyse ou la pile à combustible, rappelle l'Opecst. De grands acteurs industriels tels que Air Liquide et Total, les leaders mondiaux de l'hydrogène industriel, mais aussi GDF Suez, Helion (filiale d'Areva) ou encore Michelin se sont positionnés sur ce marché. La start-up McPhy Energy a également mis au point une solution de stockage d'hydrogène sous forme solide.
Des mesures pour développer l'hydrogène-énergie
Ce vecteur énergétique suscite l'intérêt croissant d'industriels pour sa capacité à transporter et stocker l'énergie à haute pression (350 ou 700 bars). Pourtant, les deux constructeurs automobiles nationaux (PSA et Renault) ne misent pas sur le marché du véhicule à pile à combustible contrairement aux constructeurs japonais Honda ou Toyota. "Tant que nous aurons une législation qui interdira d'avoir un réseau de bornes d'hydrogène, pourquoi voulez-vous que les constructeurs de voitures se lancent dans cette technologie ?", avait souligné en juin dernier M. Pastor, en présentant le rapport d'étape.
Pour booster la filière française, les parlementaires préconisent donc de modifier les règles qui encadrent les seuils de stockage de l'hydrogène. Ils appellent l'Etat à adapter la réglementation à celle liée à la gestion du gaz naturel comme en Allemagne et au Japon.
Autre préconisation : l'implication "très claire" de l'Etat. "Il faut une position politique du gouvernement, comme pour le nucléaire à l'époque, pour entraîner le déclic. Comme l'ont fait le Japon, la Corée et l'Allemagne en 2004. Nous avons les savoir-faire, il faut mettre en place un dispositif de coordination pour assurer le suivi, comme un comité national", a indiqué M. Pastor.
Pour développer de nouveaux marchés de l'hydrogène-énergie,les parlementaires recommandent également d'exonérer, durant une période transitoire, l'hydrogène de toute taxation, "à l'exception de celui produit à partir d'hydrocarbures".
Les rapporteurs proposent aussi d'élargir le système du "bonus écologique" aux véhicules utilitaires à pile à combustible consommant de l'hydrogène, dont "le seuil d'émission de CO2 est inférieur à 20 g/km, afin de ne pas alourdir la fiscalité des entreprises, ce bonus serait uniquement gagé par un aménagement du malus écologique sur les véhicules de tourisme".
Une nouvelle gouvernance décentralisée de l'énergie "est l'un des volets indispensables au développement de la filière locale", estiment-ils.
Vers la structuration d'une filière nationale
"La réglementation n'est pas la bonne, et nous devons vérifier le système des prix", a déclaré Arnaud Montebourg, en marge de sa visite dans le Tarn, selon Reuters. Le ministre a promis la création d'une société qui rassemblera les acteurs du secteur "pour qu'ils investissent ensemble".
Dans un communiqué publié mardi 21 janvier, M. Montebourg estime "que les marchés de l'hydrogène devraient générer en France un chiffre d'affaires de plusieurs milliards d'euros par an d'ici 10 à 15 ans, permettant la création de plus de 10.000 emplois".
Pour positionner la France "parmi les champions européens de l'hydrogène, il convient dès maintenant d'intégrer et de structurer complètement cette filière déjà forte de nombreux acteurs industriels d'envergure internationale", a affirmé le ministre.
M. Montebourg a rappelé que l'hydrogène figurait parmi les 34 plans industriels français présentés en septembre dernier. "Le travail mené par l'équipe projet du plan « autonomie et puissance des batteries », sous le pilotage de Florence Lambert du CEA, a d'ores et déjà permis de poser les premiers jalons d'une réelle « Equipe de France » de l'hydrogène", a souligné le ministre.
Cette "union" des acteurs de la filière "permettra d'offrir une solution complète et différentiante sur le marché international, adaptée aux usages de marché complexes (aéronautique, maritime, logistique…)". Le développement de la filière hydrogène devra également s'appuyer sur la création d'infrastructures de soutien (stations de fourniture d'hydrogène), que le Programme Investissements d'Avenir "pourra soutenir", a ajouté M. Montebourg. La Lorraine a notamment lancé un vaste projet de « route de l'hydrogène » reliant la France à l'Allemagne et au Luxembourg.