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Les nanomatériaux : quel devenir au sein des produits en fin de vie ?

A la demande de l'association Record, Ecogeos s'est penché sur le devenir des nanomatériaux arrivés en fin de vie. Leur comportement au sein des filières de traitement de déchets sont insuffisamment connus. Détails avec Victoria Vancauwenberghe.

Publié le 11/02/2020
Actu-Environnement le Mensuel N°400
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°400
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Les nanomatériaux présentent des capacités exceptionnelles et sont assez largement utilisés dans l'industrie et présents dans les objets de la vie quotidienne. Que sait-on du devenir de ces vêtements anti-transpirants, de ces composants électroniques si performants, de ces cosmétiques prometteurs, une fois jetés à la poubelle ? Une équipe d'ingénieurs du bureau d'études Ecogeos a dressé un état des lieux1 pour le compte de l'association Record.

Des nanodéchets présents mais une définition qui fait défaut

Les nanomatériaux manufacturés (NMM) sont abondamment utilisés dans bon nombre de secteurs d'activités (industrie cosmétique, agroalimentaire, pharmaceutique, automobile, aéronautique, pneumatique, textile, packaging…). Alors que de nombreux produits du quotidien en contiennent et se retrouvent dans les filières de traitement des déchets, la question de leur fin de vie n'est que peu soulevée. Les « nanodéchets » peuvent être des NMM purs provenant de laboratoires de recherche ou d'industrie, ceux contenus dans les déchets, ou encore des produits contaminés par des NMM. Toutefois, aucune définition des nanodéchets n'existe. En effet, alors qu'il y a peu de doutes sur le fait que des déchets issus directement de l'industrie productrice de NMM ou des laboratoires de recherche peuvent être considérés comme étant des nanodéchets, pour les produits en fin de vie contenant des nano-objets, la question se pose de savoir si, tout comme pour la définition réglementaire d'un NMM, il est nécessaire d'appliquer un seuil à partir duquel le terme devient applicable.

L'étude2 menée visait à dresser un bilan des connaissances relatives au devenir et à l'impact des nanomatériaux dans les filières de traitement des déchets et notamment à poser un cadre prospectif pour la poursuite des recherches encore nécessaires à une meilleure compréhension des phénomènes en jeu. En effet, aucune des filières de traitement de déchets n'est à la base conçue pour prendre en compte ces nanodéchets.

Une quantification difficile

La connaissance de la qualité et la quantité de nanodéchets en entrée des filières de gestion des déchets est cruciale : c'est la première étape pour entreprendre une évaluation globale de leurs impacts potentiels.

Actuellement, il existe des obligations réglementaires de déclaration de la présence des NMM dans certains produits de consommation, au niveau national et européen (Reach, règlement cosmétiques, règlement biocide, règlement INCO pour les denrées alimentaires, code de l'environnement…). Cependant, plusieurs difficultés sont rencontrées pour leurs mises en place (seuils réglementaires non adaptés, non-respect de l'obligation de déclaration, absence de définition claire, problématique liée à la vérification des informations…) et malgré cette obligation, il est difficile de connaître la quantité exacte de NMM dans ces filières.

Plusieurs projets de référencement ont été initiés en parallèle par des acteurs variés, avec des objectifs différents. Ces référencements, principalement qualitatifs et non exhaustifs, donnent toutefois une idée de la présence de NMM dans de nombreux produits du quotidien et les données qui en découlent sont notamment utilisées comme base pour modéliser la présence de NMM au sein des filières de traitement des déchets. Ainsi, les modélisations fournissent des éléments d'aide à la décision concernant l'évaluation des risques potentiels liés aux NMM et permettent d'anticiper leur devenir au cours du cycle de vie, et enfin d'estimer leur concentration finale dans les filières de traitement des déchets ainsi que dans l'environnement. Toutefois, plusieurs obstacles rendent difficile ce travail de modélisation : connaissances insuffisantes sur les différents flux entrants (tant quantitatifs que qualitatifs), limite des méthodes de détection et de mesure des NMM, difficulté du suivi et de la compréhension de leur devenir, absence de différenciation entre NM naturels et manufacturés... Par ailleurs la pluralité des modes de gestion entre les pays limite

l'extrapolation des résultats obtenus sur un territoire donné au modèle français. Par exemple, les boues sont majoritairement incinérées en Suisse ce qui n'est pas le cas de la France.

Une présence avérée dans les filières de traitement des déchets

Les NMM au sein des déchets peuvent faire l'objet de transformations variées, qui dépendent du type de NMM et de la matrice dans laquelle ils sont intégrés, de son état physique, de la manière dont ils sont incorporés (en vrac, en surface, en suspension…) et des traitements (thermiques, mécaniques, biologiques…) qu'ils subissent au sein des filières de gestion des déchets. En particulier, la forme nanométrique peut ne pas être conservée, du fait de l'instabilité de certaines particules et de leur potentiel d'agrégation. Si les études concernant la compréhension de ces transformations au sein des différentes filières sont nombreuses, il est finalement difficile de conclure quant à l'impact des NMM sur chaque filière de traitement de déchets, que ce soit en termes d'impact sur le procédé ou en termes de devenir des NMM. Compte tenu, d'une part, de la grande variété de NMM existants et, d'autre part, des conditions opératoires variables lors des expérimentations (concentrations et matrices considérées, durée des études pouvant avoir un impact sur les transformations existantes, etc.), les résultats obtenus peuvent être contradictoires.

Plusieurs études ont été publiées sur le devenir des NMM lors de l'incinération des déchets ou au sein des stations d'épuration (Step), alors qu'il existe peu de recherches sur la libération potentielle et le comportement des NMM dans le cadre du recyclage des déchets, de la méthanisation ou encore du compostage des boues de Step. Concernant la valorisation organique de ces boues, la plupart des études montrent que les NMM s'y retrouvent très majoritairement lors du passage en station d'épuration. Aussi, au sein d'une filière donnée, les études tendent souvent à se concentrer sur un même aspect (restrictif) du traitement. À titre d'exemple, s'agissant des risques de relargage de NMM aux abords des incinérateurs, de nombreuses études se sont penchées sur le traitement des effluents gazeux et la plupart d'entre elles s'accorde sur l'efficacité des meilleures techniques disponibles (filtre à manche). A contrario, les recherches sur les résidus solides de combustion sont encore balbutiantes.

In fine, l'étude réalisée à la demande de l'association Record a mis en évidence la nécessité de quantifier les NMM présents dans les déchets car, en fonction de leur concentration, l'impact sur le procédé de traitement peut être important. Le travail de modélisation semble incontournable pour mieux évaluer les flux entrants au sein des différentes filières de traitement des déchets. Toutefois, le développement d'une métrologie associée aux matrices spécifiques (lixiviats, boues, suies…) est également nécessaire afin de caler les modèles à partir de mesures en conditions réelles.

Avis d'expert proposé par l'association Record et Victoria Vancauwenberghe, ingénieur d'études chez Ecogeos

1 Télécharger l'étude chez Record
https://www.record-net.org/storage/etudes/17-1022-1A/synthese/Synth_record17-1022_1A.pdf

2 Accéder à la synthèse de l'étude de Record et Ecogeos
https://www.record-net.org/catalogue/211

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