Le chantier de Donzère-Mondragon fut titanesque. Il faut dire qu'à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France avait pour objectif stratégique de doper la production d'électricité pour gagner notamment en indépendance énergétique. Cet emplacement est choisi sur le Rhône pour le projet de barrage hydroélectrique car il semble être le site le plus productif. Toutefois, le fleuve doit toujours permettre la navigation, mais des rapides l'auraient rendue dangereuse. Aussi, un immense canal de déviation d'une profondeur de 10 mètres est donc creusé sur 26 kilomètres de long, atteignant à certains endroits 145 mètres de large. Les travaux se déroulent entre 1948 et 1952, et il aura fallu jusqu'à 7 000 hommes, des ballets incessants d'engins en tous genres, un rythme de travail très soutenu pour réaliser dans un temps record cet ouvrage hors norme.
En 1954, soit deux ans après la fin du chantier, est créé une réserve de chasse et de faune sauvage le long des 26 km du canal et sur 300 à 850 mètres de large, soit 1 450 hectares où il est interdit de chasser (sauf pour des besoins ponctuels de régulation des populations, de sangliers notamment) et où la faune sauvage pourra vivre à son aise. Un corridor écologique, une trame turquoise avec un cours d'eau, des zones humides, des pelouses méditerranéennes, des zones boisées…voient ainsi le jour, formant tout un ensemble d'habitats qui favorisent le déplacement et le développement de nombreuses espèces.
Durant soixante-dix ans, la nature a repris peu à peu ses droits dans cette réserve conçue sur les déblais du chantier. Une végétation spontanée a su reconquérir l'espace avec des interventions raisonnées du gestionnaire du lieu, l'Office français pour la biodiversité (OFB). Voir le reportage vidéo.
L'établissement travaille en étroite collaboration avec la Compagnie nationale du Rhône (CNR), concessionnaire du domaine qui inclut le barrage, le Rhône, les berges et la réserve. Une convention a été signée entre les deux organismes en 2005, puis renouvelée en 2021, pour coordonner les efforts d'intervention sur le milieu et mener à bien différentes études et recherches sur la faune et ses habitats.
Ce travail collaboratif a été récompensé par l'obtention du label « liste verte » remis par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Sur 59 labélisations dans le monde, c'est à ce jour le seul site anthropique à l'avoir obtenu.
Pour donner quelques chiffres sur les observations de l'OFB dans la réserve : il a été recensé 170 espèces d'oiseaux, 45 espèces de mammifères, dont le castor d'Europe et la loutre d'Europe, 15 espèces d'amphibiens, 40 espèces de reptiles, 47 espèces d'odonates…