Au lendemain de la manifestation organisée par la FNSEA, à Paris, pour protester contre les contraintes réglementaires, le ministre de l'Agriculture a réuni l'ensemble de la filière de la betterave. Le mécontentement des agriculteurs a en effet été provoqué par l'arrêt de la Cour de justice européenne (CJUE) jugeant illégales les dérogations aux interdictions des néonicotinoïdes et la décision du Gouvernement français de s'y conformer, en annulant le projet de dérogation pour la betterave pour l'année 2023.
Assurer la campagne de 2023…
À l'issue de la réunion, Marc Fesneau a voulu délivrer un message aux betteraviers : « Plantez ! ». Le ministère s'engage en effet à mettre en place, pour la campagne 2023, un dispositif visant à indemniser les pertes liées à la jaunisse. Les détails techniques de ce dispositif doivent être arrêtés dans les prochaines semaines et notifiés à la Commission européenne.
D'après les premières estimations, la pression virale devrait être supérieure en 2023 à celles de 2021 et 2022, mais « largement inférieure à 2020 », année durant laquelle la profession a connu d'importantes pertes, a indiqué Marc Fesneau. Des modélisations plus précises devraient affiner ces estimations dans les prochaines semaines.
Par ailleurs, un travail est mené par les services du ministère et l'Institut technique de la betterave (ITB) pour « éviter d'avoir une jaunisse cette année ». Il devrait permettre de définir des itinéraires techniques et les produits phytosanitaires qui peuvent être mobilisés. En cas de faible ou moyenne pression, deux produits phytosanitaires peuvent être utilisés par les betteraviers : le Teppeki (flonicamide) et le Movento (spirotétramate).
… en attendant des solutions validées pour 2024
« La décision de la Cour de justice européenne vient lourdement impacter une stratégie que nous avions validée en 2020, une stratégie sur trois ans : des dérogations qui nous permettaient d'envisager, au travers d'un programme de recherche [le PNRI], de trouver la voie de sortie sur ces produits », a rappelé le ministre. Un point de vue partagé par le président des planteurs de betteraves. « À plus long terme, il s'agit pour la filière de sortir de cette impasse. Il faut absolument continuer à rechercher et renforcer le PNRI. Les agriculteurs sont ouverts à la transition du moment que l'on apporte des solutions, pas seulement des interdictions », a déclaré Franck Sander.
Le PNRI mène depuis 2020 des travaux sur les solutions alternatives aux néonicotinoïdes, qui sont testées en conditions réelles dans des fermes pilotes d'expérimentation (FPE). Elles visent à limiter les populations de pucerons, vecteurs de la jaunisse, au travers de plantes compagnes (avoine, orge de printemps et féverole de printemps), bandes fleuries, graminées endophytes, lâchers d'auxiliaires, produits de biocontrôle… Mais si les premiers essais sont encourageants, les itinéraires techniques doivent encore être travaillés pour limiter les pertes de rendement liés à la concurrence entre culture et plantes compagnes par exemple.
D'autres produits sont testés, comme le Mycotalsquad ou l'huile de paraffine. « Pour le moment, les conditions de mise en œuvre de chaque levier restent à consolider. De nouveaux essais sont mis en place cette année, tels que les combinaisons de leviers, l'introduction des premières variétés tolérantes dans le réseau FPE ou encore les essais avec phéromones et kairomones. Finalement, une évaluation économique des différents leviers est également menée », indique l'ITB. Ces solutions pourraient être déployées dès 2024 si elles s'avèrent efficaces.
En parallèle, il existe « un certain nombre de produits, hors de nos frontières ; il s'agit d'accélérer leur homologation » à l'échelle européenne, a indiqué le ministre.