La Cour de justice de l'Union européenne avait donné le « la » par sa décision du 19 janvier dernier. Par un arrêt rendu ce mercredi 3 mai, le Conseil d'État annule les arrêtés interministériels pris en 2021 et 2022 pour autoriser provisoirement et de manière dérogatoire l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes en vue de combattre des attaques de pucerons. Ces insecticides, qui déciment les abeilles, sont interdits depuis 2018 par la loi de reconquête de la biodiversité, mais une loi adoptée en décembre 2020 avait autorisé des dérogations. Pour cette saison, le Gouvernement avait renoncé à délivrer une nouvelle dérogation compte tenu de la décision de la juridiction européenne.
Les arrêtés d'autorisation avaient été attaqués par des syndicats agricoles (Confédération paysanne), des associations d'agriculteurs et d'apiculteurs (Nature et progrès, Syndicat national d'apiculture, etc.) et de défense de l'environnement (Agir pour l'environnement, France Nature Environnement, Générations futures, etc.). « Le droit européen permet à un État membre d'accorder une dérogation temporaire permettant d'utiliser un pesticide non homologué en Europe, s'il existe un risque grave pour l'agriculture et en l'absence d'autre solution », rappelle le Conseil d'État. Mais, selon la décision de la CJUE, lorsque la Commission européenne a expressément interdit l'utilisation de semences traitées avec un produit phytosanitaire donné, un État membre ne peut accorder de dérogation temporaire. Or, c'était le cas des deux néoncotinoïdes en cause, l'imidaclopride et le thiaméthoxame, expressément interdits par des règlements d'exécution pris par la Commission européenne en 2018.
L'association Agir pour l'environnement se félicite de cette décision dans un communiqué mais regrette qu'elle intervienne après la bataille. « Il s'agit bien d'une victoire posthume puisque le Conseil d'État sanctionne deux ans après les faits le recours aux néonicotinoïdes, et ce, après avoir rejeté, à deux reprises, les référés suspensions déposés », réagit l'association de protection de l'environnement, estimant que près de 100 milliards de graines sont venues polluer la nature à l'occasion de ces dérogations.