Le 18 novembre, l'Autorité européenne de sûreté des aliments (Efsa) a rendu les conclusions de son évaluation des dérogations d'urgence accordées par onze États-membres – dont la France – pour l'utilisation de produits phytosanitaires à base de néonicotinoïdes. Pour rappel, en novembre 2020, le Parlement français a adopté l'instauration de telles autorisations, jusqu'au 1er juillet 2023, uniquement pour l'emploi de semences de betteraves sucrières. L'objectif est de combattre le BYV, le virus de la jaunisse de la betterave. De nombreuses espèces de pucerons (de la famille des aphidoïdés), ciblés par les substances citées, en sont vecteurs.
Validation européenne des réautorisations d'urgence
« Dans les 17 cas (évalués), l'Efsa a conclu que les autorisations d'urgence étaient justifiées, soit parce qu'aucune méthode ou produit alternatif – chimique ou non chimique – n'était disponible, soit parce qu'il existait un risque que l'organisme nuisible développe une résistance aux produits alternatifs disponibles », indique l'Autorité européenne dans un communiqué. Cette dernière explique avoir abouti à cette conclusion à la lecture des évaluations scientifiques et des dossiers de dérogation délivrés par les autorités et ministères concernés, ainsi que la liste de « tous les produits pesticides disponibles autorisés sur leur territoire pour lutter contre cet organisme nuisible dans la betterave sucrière, (et) toutes les méthodes de lutte non insecticides disponibles » – y compris les recherches en cours concernant la lutte contre ces mêmes nuisibles.
Les défauts d'une « analyse parcellaire »
L'association Pollinis, quant à elle, s'insurge de cette conclusion, qui valide « une politique déplorable », exploitant une « brèche dans la loi européenne » contournant l'interdiction des néonicotinoïdes de 2018. « En prenant en compte uniquement l'absence de solutions immédiates "aux organismes nuisibles évalués", l'Efsa fournit une analyse parcellaire qui omet les effets dévastateurs de ces pesticides sur les pollinisateurs et l'ensemble du vivant, signe l'ONG dans un communiqué. Risque qu'elle a pourtant elle-même pointé dans le cadre de l'interdiction de ces substances en Europe en 2018. »
Le boom de l'exportation des néonicotinoïdes
Le 18 novembre, les associations Public Eye et Unearthed (l'organe investigateur de Greenpeace) ont publié une enquête dévoilant les quantités de produits phytosanitaires à base de néonicotinoïdes exportées par des États membres de l'Union européenne, dont la France, à travers le monde. Selon leurs chiffres, des 3 859 tonnes exportées entre le 1er septembre et le 31 décembre 2020, principalement vers le Brésil, la Russie et l'Ukraine, 702 concerneraient le thiaméthoxame, l'imidaclopride et la clothianidine, tous interdits en Europe. La France serait le deuxième pays exportateur de ces substances, derrière la Belgique.
Ces informations sont vouées à alimenter les recours déposés devant le Conseil d'État, notamment par Agir pour l'environnement, contre ces dérogations d'urgence. Par ailleurs, Pollinis et l'association Notre Affaire à tous ont lancé, en septembre, une action en justice contre l'État français pour manquement à ses obligations de protection de la biodiversité, par réautorisation de tels pesticides.