
Alors que la Hongrie s'apprête à prendre la tête de l'Union européenne le 1er janvier prochain, le nettoyage des 5.000 ha sur lesquels se sont déversées quelque 700.000 tonnes de déchets toxiques (boues rouges) en octobre dernier se poursuit. L'état d'urgence a été prolongé jusqu'au 31 mars 2011 vu l'ampleur des dégâts.
Selon le ministre de l'Intérieur Sandor Pintér, cette prolongation de trois mois est nécessaire surtout à cause des conditions météorologiques. "L'hiver très humide a ralenti les travaux de nettoyage, de reconstruction, ainsi que les travaux de protection en cours pour protéger les lieux d'autres catastrophes éventuelles", a-t-il déclaré selon l'AFP.
Selon l'association Robin des Bois, qui s'est rendue sur place en novembre et vient de publier un rapport complet sur la gestion de la crise, le nettoyage est en effet loin d'être terminé. Si les routes ont été nettoyées, les fossés curés et les ponts reconstruits, de nombreux déchets gisent encore dans les villages et la campagne environnante. "Des accumulations de boues mêlées à des déchets divers se sont formées et n'ont pas toutes été collectées un mois et demi après la catastrophe", relate l'association dans son rapport. Les opérations de dépollution à l'extérieur sont en effet conditionnées par la météo. Poste de télévision, bouteilles plastiques, produits chimiques, véhicules hors d'usage, les déchets sont variés et présents loin en aval de la catastrophe.
Résidus de l'extraction d'alumine à partir du traitement de la bauxite, ces boues rouges contiennent de la soude caustique, du fer, de l'alumine, du silicium, du sodium, du calcium, du titane, du manganèse, du vanadium, du chrome hexavalent, du plomb et du cadmium. Le cumul de tous ces métaux et minéraux fait des boues rouges un déchet toxique pour la faune aquatique, les animaux domestiques et d'élevage.
Robin des Bois constate par ailleurs que la rivière Torna dont la vallée à servit de lit à la coulée de boues rouges continue d'accueillir les eaux pluviales et de nettoyages des villages qu'elle traverse. En aval, les équipes de nettoyage continuent d'épandre du gypse pour faire baisser le pH de l'eau et il faut aller jusqu'à 70 km en aval de l'accident pour voir disparaître les traces de gypse ou de boue rouge. L'association a également constaté la mort de la faune et la flore contaminée.
Forte de ses observations, l'association a transmis son rapport et ses recommandations aux autorités hongroises et aux instances européennes. Robin des Bois s'inquiète tout particulièrement des conditions de stockage des déchets et du manque d'infrastructures adaptées. Elle recommande également le maintien de la surveillance de la qualité de l'eau, de l'air, des denrées alimentaires sur une longue période même si elle estime que le gouvernement hongrois ne fait pas preuve de transparence en la matière : "seules les organisations préalablement accréditées par le gouvernement hongrois sont autorisées à effectuer des mesures de suivi et des prélèvements, ceci pour 'éliminer les résultats de mesure non authentifiés et informer la population sur la base d'informations fiables et précises' ", explique l'association. "Cette tentative de mainmise sur l'information n'est pas admissible dans un pays de l'Union Européenne. Elle est d'autant plus regrettable que les informations diffusées par le gouvernement hongrois sont partielles, arbitraires et manquent d'actualisations", ajoute-t-elle.
À l'échelle européenne, l'association prône l'élaboration de plans d'information préventive pour les populations et les acteurs économiques potentiellement soumis à des risques de coulées de boues et de submersion dues à des ruptures de digues et demande, notamment, la rédaction d'une directive européenne sur la gestion des déchets après des catastrophes industrielles et/ou naturelles.