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Actu-Environnement

Nigéria : 30 ans de dépollution pour 50 ans d'exploitation pétrolière

Après deux ans d'une "évaluation sans précédent", le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a remis, jeudi, un rapport sur les impacts de l'exploitation pétrolière dans le delta du Niger. Etat des lieux plus qu'alarmant.

Risques  |    |  L. Rialhe
   
Nigéria : 30 ans de dépollution pour 50 ans d'exploitation pétrolière
Ogoniland, Nigeria
© PNUE
   

Cinquante ans d'exploitation par la compagnie Shell en pays Ogoni, deux marées noires en 2008 et 2009, et nombreux déversements de brut depuis 2006, les Nations Unies prévoient pas moins de trente ans de nettoyage afin de restaurer le milieu naturel du delta du Niger.

Le rapport (1) a été présenté jeudi par le PNUE au président du Nigéria, Goodluck Jonathan, dans la capitale nigériane d'Abuja. Selon Achim Steiner, Sous-Secrétaire Général des Nations Unies et Directeur Exécutif du PNUE, le rapport (2) fournit la base scientifique permettant d'amorcer de façon concertée une restauration environnementale trop longuement attendue en pays Ogoni : "Le PNUE espère que ces conclusions permettront de mettre fin à des décennies d'impasse dans la région et fourniront une fondation sur laquelle la confiance pourra être construite et des mesures pourront être prises afin de remédier aux multiples problèmes de santé et de développement durable affectant le peuple Ogoni". Il ajoute aussi que "l'étude propose à l'industrie pétrolière et aux agences de régulation un modèle d'opération plus responsable en Afrique et ailleurs, à une époque où la production et l'exploration augmentent dans plusieurs régions du continent".

Extrême gravité de la pollution de l'eau potable

"La restauration environnementale du pays Ogoni pourrait s'avérer être l'exercice de nettoyage le plus étendu et le plus long jamais entrepris pour ramener l'eau potable, la terre, les criques et d'importants écosystèmes contaminés tels que les mangroves à un état de santé optimal et productif", peut-on lire dans le rapport du PNUE. Sur une période de quatorze mois, l'équipe du PNUE a examiné plus de 200 sites, étudié 122 kilomètres de droits de passage d'oléoducs, passé en revue plus de 5.000 dossiers médicaux, et dialogué avec plus de 23.000 personnes lors de réunions publiques locales. Dans 69 sites d'une étendue de 1.300 m2, des enquêtes approfondies sur la pollution des sols et des nappes phréatiques ont été menées, et au total, plus de 4.000 échantillons ont été analysés. Premières conclusions : des zones qui apparaissaient comme non affectées en surface sont en fait gravement contaminées sous terre. Après étude des échantillons d'eau provenant de 142 puits de surveillance des nappes phréatiques et des échantillons de sols extraits de 780 puits de forage, le PNUE constate que la santé publique est sérieusement menacée dans au moins dix communautés Ogoni dans lesquelles l'eau potable a été contaminée par un important niveau d'hydrocarbures. Il ajoute que "dans l'une de ces communautés, à Nisisioken Ogale, dans l'Ouest du pays Ogoni, des familles boivent de l'eau provenant de puits contaminés par du benzène, un cancérigène reconnu, à un niveau 900 fois supérieur à ce que préconise l'Organisation Mondiale de la Santé". L'équipe scientifique a trouvé une couche de huit centimètres de pétrole raffiné flottant dans la nappe phréatique alimentant ces puits, le résultat d'une fuite de pétrole survenue il y a plus de six ans.

Les différents accidents survenus sur le site d'exploitation de la Shell Petroleum Development Company (SPDC) ont aussi directement affecté les secteurs de la pêche et de l'agriculture, et privé de ressources une grande partie de la population Ogoni. De nombreuses fermes piscicoles établies par des entrepreneurs ont été ruinées par la couche permanente d'huile flottante. En revanche, malgré l'inquiétude des communautés, les résultats de l'étude du PNUE montrent que "la consommation de poissons en pays Ogoni, qu'il s'agisse de ceux pêchés localement ou ceux achetés sur les marchés, ne présente pas de risques pour la santé".

Concernant la végétation, l'augmentation du raffinage artisanal entre 2007 et 2011 s'est accompagnée d'une baisse de 10% de la couverture de mangrove saine, soit un total de 307.380 m2. Et sans restauration de l'environnement, le raffinage artisanal pourrait conduire à une perte irréversible dans la mangrove dans cette zone.

Les premières recommandations du PNUE

Quadrillé d'un labyrinthe d'oléoducs et jonché de puits et autres installations pétrolières, l'Ogoniland ne peut espérer la restauration des mangroves et des marécages lourdement pollués que sur une période de trente ans, mais les zones individuelles de terre contaminée peuvent être nettoyées en cinq ans.

Selon le rapport, toutes les sources actuelles de contamination doivent dès maintenant être éradiquées, avant que le nettoyage des criques, des sédiments et des mangroves ne commence. Et pour commencer l'exercice de restauration environnementale, le PNUE recommande que trois nouvelles institutions soient établies au Nigéria : une Autorité de Restauration Environnementale du Pays Ogoni, financé par un Fonds spécial dans lequel les compagnies pétrolières et le gouvernement nigérian injecterait un milliard de dollars (701 millions d'euros) ; un Centre de Gestion Intégrée des Sols contaminés, soutenu par des centaines de "mini-centres" de traitement ; ainsi qu'un Centre d'Excellence en Restauration Environnementale, "afin de promouvoir l'apprentissage et faire bénéficier du savoir acquis à d'autres communautés impactées par la pollution pétrolière dans le Delta du Niger et ailleurs dans le monde".

Le président Goodluck Jonathan a assuré que son gouvernement allait "discuter avec Shell et d'autres compagnies (...) ainsi que les agences gouvernementales compétentes pour voir comment nous pouvons gérer ce rapport".

Shell reconnaît sa responsabilité

La compagnie anglo-néerlandaise a reconnu, devant une juridiction britannique, sa responsabilité dans deux marées noires intervenues en 2008-2009 dans le delta du Niger. Les deux fuites de pétrole auraient duré entre deux et trois mois chacune et sont intervenues sur l'oléoduc Trans-Niger, qui transporte 150.000 barils de brut par jour. La compagnie évalue le volume des deux fuites dans le delta du Niger à environ 4.000 barils. D'après les activistes qui, depuis des années, dénoncent les négligences de la part des groupes pétroliers, l'ensemble des accidents survenus en 2008 et 2009 aurait en fait causé le déversement de 200.000 barils. En 2010 déjà, Shell Petroleum Development Company (SPDC), la filiale de Shell au Nigeria, avait versé 1,7 million de dollars de compensation à la suite de fuite de pétrole. Depuis 2006, Shell a recensé en moyenne 169 déversements de brut par an dans le pays.

À cette occasion, le groupe pourrait se voir imposer dans les prochains mois une amende de plusieurs centaines de millions de dollars, pour le dédommagement des 70.000 habitants de la région de Bodo, à l'est de Port Harcourt.

Mais Shell assure encore que la plupart des fuites survenues sur le site d'exploitation sont le résultat, dans les trois quarts des cas, de sabotage, vol et raffinage clandestin. Le groupe souligne aussi qu'il lui est parfois difficile d'accéder aux zones polluées pour les nettoyer, du fait des bandes armées, et rappelle qu'il n'est pas le seul actionnaire de sa filiale SPDC : la société publique nigériane NNPC en détient 55%, Total 10% et Eni 5%.

1. Lire le rapport en anglais
http://postconflict.unep.ch/publications/OEA/01_fwd_es_ch01_UNEP_OEA.pdf
2. Lire le communiqué de presse en français
http://www.unep.org/dnc/Portals/155/countries/nigeria/press_release_ogoniland_fr.pdf

Réactions2 réactions à cet article

le profit, le rendement....voila ce qui importe pour ce groupe pétrolier, le reste, l'écosystème, la population trinque de cette pollution...on dit que l'argent n'a pas d'odeur...celui ci empeste... la mort qui rode autour de ces puits .....

henri | 11 août 2011 à 19h32 Signaler un contenu inapproprié

qui va payer ?
- la remise à l'état naturel des différents milieux pollués
- le préjudice subi par les populations
- la perte de biodiversité

C'est toujours la même chose, polluer mais pas chez soi, si possible en un lieu où la population ne saura pas se défendre. Jusqu'à quand cet état de fait va-t-il durer ?
Il faut boycotter les industries qui nous polluent la vie, je sais, elles sont TOUTES dans ce cas. Faisons un effort pour moins consommer, la planète et notre porte monnaie nous diront merci.

remifasol57 | 12 août 2011 à 17h52 Signaler un contenu inapproprié

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