Dans son évaluation du nouveau Programme d'actions national contre les nitrates d'origine agricole, l'Autorité environnementale conclut à un manque cruel d'informations et d'ambition de la part du gouvernement.
Le 18 novembre, l'Autorité environnementale (Ae) a rendu son évaluation des mesures prévues dans le nouveau Programme d'actions national (PAN) contre les nitrates d'origine agricole. Ce dernier entrera en vigueur le 1er septembre 2022.
Pour rappel, révisé tous les quatre ans et décliné en plusieurs programmes d'actions régionaux (PAR), le PAN déploie des mesures de réduction dans les zones jugées « vulnérables », conformément à la directive européenne du 12 décembre 1991. De ce qu'elle a pu en juger, l'Ae conclut que « la plupart des évolutions conservées vont dans le sens des ambitions initiales mais restent très restreintes ».
Un progrès très limité
« Selon la littérature scientifique, l'eutrophisation des eaux superficielles ne pourra être maîtrisée en Europe occidentale qu'avec des concentrations moyennes en nitrates inférieures à 10 milligrammes par litre », souligne l'Ae. Or, dans son rapport, elle indique, par exemple, que 36 % des stations de mesure relatives à des eaux souterraines françaises en zone vulnérable relèvent une concentration moyenne supérieure à 40 mg/l (contre un seuil de vulnérabilité fixé à 50 mg/l). À titre de comparaison, en moyenne entre 2016 et 2019, seules 14,1 % des eaux souterraines européennes dépassaient la limite de concentration de nitrates fixée pour l'eau potable.
Tendances à long terme de la concentration en nitrates dans les eaux de surface (carte gauche) et les eaux souterraines (carte droite), le bleu signifiant une amélioration et le rouge, une détérioration.
© Ae
« Depuis 1990, les concentrations dans les eaux souterraines ne baissent pas, dans ou hors des zones vulnérables, atteste l'Ae. La stagnation de la qualité des eaux souterraines montre que, malgré les efforts réalisés, les programmes d'action n'ont pas encore atteint l'efficacité requise. » L'autorité certifie néanmoins qu'un « léger progrès » est à noter au niveau national pour les eaux superficielles. En France, les zones jugées vulnérables couvrent encore 19 millions d'hectares, soit 53 % du territoire métropolitain.
Des mesures mineures et floues
Quant à savoir à quel point l'activité agricole contribue à cette stagnation sur le front des nitrates, l'Ae avoue manquer cruellement d'informations. « Les remontées d'informations ne sont pas encore satisfaisantes, affirme l'autorité dans son rapport. Certains États membres, dont la France, n'ont pas fourni d'informations concernant la contribution de l'agriculture aux rejets d'azote dans le milieu aquatique. » L'Ae explique ne pouvoir baser son évaluation que sur les « seules modifications apportées au PAN précédent », sans avoir de recul sur l'efficacité des précédents programmes d'action. « Les progrès sont limités, sans pouvoir les attribuer à ces programmes, étaye, par conséquent, l'Ae. Le projet en reste à des évolutions mineures, peu susceptibles de permettre l'atteinte du bon état des eaux, sans reprendre certaines propositions intéressantes de l'évaluation environnementale. »
Ces évolutions sont limitées à l'introduction de plafonds d'apport d'azote à l'automne, sur les prairies et les couverts d'interculture, ou encore la création d'une catégorie de produits, dont « les propriétés dispensent des principales interdictions ». Ces nouvelles mesures rendent le PAN à la fois « plus acceptable par les agriculteurs » mais, a contrario, « plus complexe à mettre en œuvre, à contrôler, à suivre, et son efficience encore plus difficile à apprécier ». Pour inverser cette tendance de « recul environnemental », l'Ae insiste sur la nécessité de « relever significativement » les ambitions de ce septième PAN.
La nécessité d'intégrer les nitrates à la politique agro-environnementale
« Ces programmes d'actions ne pourront apporter des avancées plus conséquentes que s'ils s'inscrivent dans une véritable stratégie d'ensemble d'amélioration des performances environnementales de l'agriculture, qui s'appuie sur une approche intégrée prenant en compte le paramètre "nitrates", préconise l'Ae. Cette stratégie pourrait être portée par le programme stratégique national de la politique agricole commune (PAC). » Alors que le Parlement européen vient d'adopter définitivement la nouvelle PAC fixée pour la période 2023-2017, les États membres, dont la France, ont encore jusqu'à courant 2022 pour déposer la version finale de leur Plan stratégique national (PSN), visant à mettre en œuvre les mesures de la PAC.
Cette stratégie pourrait être portée par le programme stratégique national de la PAC
Autorité environnementale
Selon l'Autorité environnementale, le PAN y aurait toute sa place,
« en pleine complémentarité et cohérence avec le reste de la politique agro-environnementale » :
« Une stratégie de long terme "nitrates" ne peut se concevoir isolément, dans l'ignorance des autres impacts environnementaux de l'agriculture et des autres plans et programmes agro-environnementaux. »
Nouvelle PAC : l'Autorité environnementale donne un avis négatif sur le Plan stratégique national (article paru le 02/11/2021) Dans le cadre de la PAC 2023-2027, la France devra déposer son Plan stratégique national avant la fin de l'année. Soumis à l'Autorité environnementale, il présente des écueils notamment en matière de critérisation des nouveaux écorégimes. Lire la news
Nitrates : le 7e programme d'actions régional est en consultation en Bretagne (article paru le 09/11/2021) Le projet du 7e programme d'actions régional (PAR7) Nitrates pour la Bretagne est en consultation jusqu'au 10 décembre. La Bretagne connaît une situation particulière par rapport aux autres régions. Elle est tout d'abord classée en totalité en « z... Lire la news
Nitrates : le Gouvernement lance la concertation sur le nouveau plan national (article paru le 08/09/2020) Le septième programme d'actions national « nitrates » entrera en application en septembre 2021. Si la situation s'est améliorée, 68 % de la surface agricole est toujours classée en zone vulnérable. Lire la news
Nitrates agricoles : la Commission européenne appelle à des efforts supplémentaires (article paru le 12/10/2021) Un changement radical des mesures en place pour réduire les rejets en nitrates sera nécessaire pour atteindre les objectifs de bon état écologique et chimique de la directive-cadre sur l'eau en 2027 : c'est le constat de la Commission européenne d... Lire la news
Nitrates d'ammonium : pourquoi le gouvernement doit agir rapidement (article paru le 30/09/2021) En mai dernier, une mission de hauts fonctionnaires, mise en place après la catastrophe de Beyrouth, au Liban, pointait les risques liés aux nitrates d'ammonium. Le ministère de la Transition écologique se dit aujourd'hui prêt à agir. Lire la news
Nitrates : 25 années de programmes d'actions pour des résultats très éloignés des objectifs (article paru le 05/02/2021) Une mission de hauts-fonctionnaires pointe des résultats très en-deçà des objectifs et une perte de sens chez les acteurs concernés. Elle demande de replacer la qualité de l'eau au centre des débats. Lire la news
Politique agricole commune : le Parlement européen adopte définitivement la réforme (article paru le 23/11/2021) Ce 23 novembre, les députés européens, réunis en plénière à Strasbourg, ont définitivement adopté la nouvelle Politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027. En juin dernier, le Parlement européen, la Commission européenne et les minis... Lire la news
Note Télécharger l'avis de l'Autorité environnementale sur le 7e PAN Plus d'infosArticle publié le 24 novembre 2021