Le 14 mars, le préfet de la Région Bretagne a signé l'arrêté instituant le cinquième programme d'actions de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole, rapporte Eau et rivières de Bretagne (ERB). Le document de 12 pages remplace les arrêtés départementaux qui prévalaient jusqu'à présent, explique l'association.
"Ce cinquième programme est encadré par des dispositions nationales qui constituent une vraie régression de la politique de l'eau", déplore ERB. L'association souligne en particulier deux points du dispositif national : la suppression des interdictions d'extension des gros élevages dans les zones excédentaires de lisier et le relèvement du plafonnement des épandages par le passage de la référence de la surface agricole utile (SAU) à la surface épandable. Sur le second point, ERB rappelle les doutes de l'Autorité environnementale (Ae) exprimés dans son avis de juillet 2013.
Enfin, l'association pointe également le récent relèvement du seuil de l'autorisation des élevages de porcs de 450 à 2.000 places validé par l'arrêté du 29 décembre 2013.
Déclaration des flux d'azote
Tout d'abord, "la Bretagne demeure dans une situation structurelle d'excédent d'azote", indique l'association, citant un excédent moyen de 36 kg par hectare.
Ensuite, "a contrario d'une tendance générale à la réduction lente des concentrations en nitrates dans les eaux superficielles, la pollution continue de s'aggraver sur un quart des stations de Bretagne". Par ailleurs, près de la moitié des masses d'eau est répertorié en état médiocre, selon l'évaluation environnementale réalisée dans le cadre de la conformité à la directive cadre sur l'eau.
Enfin, "s'agissant des marées vertes, 135 sites d'échouage sont répertoriés en Bretagne", déplore ERB, précisant que cette situation est liée au mauvais état écologique de 18 masses d'eau.
Tout d'abord, le nouveau texte instaure une obligation de déclaration des flux d'azote produits et échangés. Applicable à toutes les exploitations de la région, la mesure vise l'épandage de fertilisants azotés sur une parcelle située en Bretagne ainsi que les activités générant un fertilisant azoté destiné à l'épandage, qu'il soit épandu en Bretagne ou hors Bretagne, indique l'article 4 de l'arrêté. Les déclarations se feront sur une base annuelle, du 1er septembre au 31 août de l'année suivante.
Par ailleurs, le nouveau programme régional allonge la période d'interdiction d'épandage de lisier sur maïs. Cette interdiction court "jusqu'au 15 mars sur la partie orientale de la Bretagne, et jusqu'au 31 mars sur la zone ouest", explique ERB, précisant que "cette mesure avait été imposée aux préfets par le tribunal administratif de Rennes le 29 mars 2013 à la suite de quatre recours d'Eau & Rivières et de Bretagne Vivante". La mesure est néanmoins assortie de dérogations lorsque l'indice de saturation des sols est inférieur 95% et que les prévisions ne prévoient pas de dégradations météorologiques à court ou moyen termes.
Le 14 mars, la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) du Finistère a rapporté avoir demandé, avec d'autres syndicats agricoles, de telles dérogations. La préfecture les a rejeté, critique la FDSEA qui juge "intolérable que [cette mesure introduise] encore un casse-tête de plus et des coûts supplémentaires pour les agriculteurs".
Pas de mesures spécifiques pour les "bassins algues vertes"
En revanche, ERB déplore que le cinquième programme relève, de 15.000 à 20.000 unités d'azote, le plafond des quantités d'azote organique pouvant être épandu sur le total des surfaces dont il dispose. Cela signifie qu'un exploitant possédant un élevage pourra épandre jusqu'à 20.000 kg d'azote issue de son élevage "sur ses terres exploitées en propre ou sur des terres mises à disposition". Or, le texte "[ne définit pas de] date limite pour la notion de « terres en propre », ce qui va conduire à aggraver la course au foncier et pénaliser les petites exploitations", critique ERB.
Enfin, l'arrêté menace d'adopter des mesures contraignantes dans les zones impactées par les algues vertes si la situation ne s'améliore pas. Rappelant que "des programmes contractuels volontaires sont actuellement développés", l'arrêté menace de prendre des dispositions particulières "en cas d'échec des actions volontaires, au regard des objectifs fixés dans les chartes".