Ce mercredi 13 décembre, les trois médiateurs - Anne Boquet, Michel Badré et Gérard Feldzer - désignés, en juin dernier, par le gouvernement pour étudier le projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes, ont remis leur rapport au Premier ministre Edouard Philippe. Depuis six mois, les médiateurs ont pesé le pour et le contre d'un maintien du projet de construction d'un aéroport à Notre-Dame-des-Landes (NDDL) comprenant deux pistes (au nord de Nantes) ou le réaménagement de l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique (au sud de Nantes). Edouard Philippe a confirmé, ce mercredi, que le gouvernement prendra sa décision "claire et assumée" avant la fin du mois de janvier 2018 dans ce dossier controversé. La déclaration d'utilité publique (DUP) du projet de NDDL arrivant à son terme le 8 février. Le gouvernement précédent avait lancé une procédure de saisine du Conseil d'Etat pour qu'il prenne un arrêté prolongeant la DUP.
"La méthode a été d'écouter toutes les parties prenantes, d'identifier et d'expertiser (..) en toute objectivité, dans une situation particulièrement conflictuelle", a souligné Anne Boquet, lors d'une conférence de presse. La zone qui accueillerait le nouvel aéroport reste occupée par 200 à 300 opposants (zadistes) au projet, déterminés à rester sur les lieux. La décision de l'Etat "doit permettre de répondre aux besoins et de garantir un retour à la normale, s'agissant notamment des questions d'ordre public", a ajouté le Premier ministre. Pour les médiateurs, le "retour à l'état de droit sur le territoire s'impose quelle que soit l'option retenue, dès la décision gouvernementale".
Dans leur rapport, les médiateurs jugent les deux options "raisonnablement envisageables". Celles-ci présentent des avantages et des inconvénients, "chaque option apparaissant marquée par au moins un handicap significatif sur un critère particulier" : des nuisances sonores "significatives" pour l'aménagement de Nantes-Atlantique et l'étalement urbain pour le projet de NDDL. Le rapport formule des recommandations pour chacune des options.
Réaménagement de Nantes-Atlantique : un coût moindre mais des nuisances sonores
Les médiateurs montrent que l'allongement de la piste existante de Nantes-Atlantique est possible : "Des variations sont envisageables, notamment différentes options d'aménagement des aires de stationnement pour avions et l'opportunité d'un allongement de la piste actuelle à environ 3.400 m".
"Les besoins de réfection de la piste pour accueillir les trafics prévus seraient significatifs, mais beaucoup moins importants et moins coûteux que ce qui était annoncé jusqu'ici", ajoutent-ils. Le réaménagement de l'actuel aéroport coûterait au total entre 365 et 460 millions d'euros. Ce coût inclut la fermeture de l'aéroport pour environ neuf semaines de travaux. Le coût du transfert à Notre-Dame-des-Landes est quant à lui estimé à 730 millions d'euros. La comparaison des coûts, pour l'Etat et les collectivités, fait apparaître un écart de l'ordre de 250 à 350 millions d'euros "en faveur de l'option de Nantes-Atlantique", desserte en transports en commun comprise (prolongation du tramway pour l'aéroport existant et tram-train prévu pour le projet de NDDL), mettent en avant les médiateurs.
Mais cet écart de coût entre les deux options ne prend pas en compte une éventuelle indemnisation versée au concessionnaire, une filiale de Vinci, pouvant atteindre jusqu'à 350 millions d'euros, en cas d'abandon du transfert à NDDL, selon les médiateurs. Il ne tient pas non plus compte d'un coût différentiel des opérations de rétablissement de l'ordre public (évacuation des zadistes) entre les deux options.
Les expertises complémentaires concluent également que la rénovation de l'aéroport n'entrainerait pas de "restrictions supplémentaires" dans les projets d'urbanisme de l'agglomération nantaise. Elle serait aussi sans "effet significatif dommageable" sur la réserve ornithologique du lac de Grand-Lieu.
Le réaménagement de Nantes-Atlantique laisse toutefois "subsister des nuisances sonores significatives, sans pour autant les accroître ni restreindre les zones constructibles. Seul un programme exemplaire d'actions dédiées à la réduction de ces nuisances permettrait d'améliorer la situation", recommandent les médiateurs. Ils appellent à réviser rapidement le plan d'exposition au bruit (PEB) de l'aéroport datant de 2004. Ils préconisent notamment de limiter les vols de nuit à 6% du trafic. "Le trafic actuel de l'aéroport ayant dépassé 50.000 mouvements par an et rendant donc cette révision obligatoire, qu'il y ait transfert effectif dans quelques années ou non". Quelle que soit l'option retenue, le plan de gêne sonore (PGS) de l'aéroport actuel, servant à déterminer le droit à bénéficier d'aides pour l'insonorisation des bâtiments, doit aussi être révisé car il "est actuellement obsolète du fait de modification des trajectoires des avions".
Projet de NDDL : l'étalement urbain à maitriser
S'il "écarte des zones urbanisées les nuisances aéroportuaires", le transfert à Notre-Dame-des-Landes, envisagé entre 2023 et 2025, pourrait quant à lui accentuer la pression foncière près du lac de Grand-Lieu. Les médiateurs préviennent d'une consommation de foncier d'environ 1.000 ha liée à ce transfert, contre 30 ha consommés pour l'extension de Nantes-Atlantique. "La maîtrise de l'étalement urbain, autour du site du nouvel aéroport comme à proximité de Nantes-Atlantique, est dans cette hypothèse de transfert un critère important de succès et de qualité de l'opération, à moyen et long terme. L'avenir de la profession agricole comme le maintien de la qualité environnementale et paysagère du site plaident pour que l'urbanisation aux abords du site soit maîtrisée", indiquent les médiateurs.
D'autres variations du projet de NDDL sont aussi "envisageables", notamment "des évolutions dans la compensation des impacts visés par la loi sur l'eau" du projet, poursuivent-ils."L'atteinte des objectifs de compensation des impacts sur les milieux aquatiques [du projet] rest[ant] incertaine". Les médiateurs considèrent que les inventaires d'espèces protégées "doivent être complétés, dès que les terrains à inventorier seront accessibles dans des conditions normales". Les demandes de dérogation au régime de protection des espèces "devront alors être présentées par les deux maîtres d'ouvrage, le cas échéant".
S'agissant des émissions de gaz à effet de serre générées, les médiateurs jugent en revanche "peu significatif" l'écart entre les deux options. Cet écart tient "principalement aux déplacements depuis et vers l'aéroport". Il représente 200 kilotonnes équivalent CO2 entre les deux options au regard des émissions du trafic aérien lié à l'aéroport (7 Mt CO2eq sur la période 2026-2045). La desserte ferroviaire de l'aéroport est un élément "déterminant" pour réduire ces émissions, a souligné Michel Badré.
Quant à l'impact microéconomique, le site de Notre-Dame-des-Landes "semble" également "plus favorable aux entreprises du nord de la Loire et de la Bretagne, plus nombreuses". Mais celui de Nantes-Atlantique "apparaît plus intéressant pour le sud de la Loire et la Vendée, et présente des avantages significatifs pour Airbus et les entreprises associées à son activité."