Quel sera le sort des 1.650 hectares de bocage dont l'Etat est propriétaire sur le site de Notre-Dame-des-Landes ? Cette emprise, figée depuis une quarantaine d'années, est composée de parcelles agricoles réservées en vue de la construction de l'aéroport du Grand Ouest qui ne verra finalement pas le jour. Concédé au groupe Vinci, ce territoire de bocages et de prairies d'élevage va revenir dans le giron de l'Etat qui, dans les prochaines semaines, devra notifier aux expropriés la possibilité de récupérer leur terrain.
L'Etat appelé à conserver le bocage
Sur les quatre syndicats, trois ont répondu présent à cette réunion, mais pas la Confédération paysanne des Pays de Loire. Son président, Dominique Deniaud, explique à Actu-Environnement avoir été convoqué moins de 48 heures à l'avance. ''Et les quatre agriculteurs les plus concernés n'étaient pas présents non plus. La FNSEA (syndicat agricole majoritaire, ndlr) est persuadée que ce n'est qu'une question agricole. On diffère sur la vision de l'avenir. Celui-ci n'est pas l'histoire d'une corporation. Après dix ans de lutte très forte portée par des paysans, des occupants et des citoyens, on ne peut pas se contenter de dire à chacun de rentrer chez soi. Curieusement, ce sont ceux qui ne se sont jamais mobilisés pour lutter contre cet aéroport qui maintenant se mobilisent pour le foncier''.
Dès l'annonce de l'abandon du projet, la Chambre d'agriculture a fait part de ses propositions à la Préfète de Région et a répondu aux sollicitations des services de l'Etat. Son président réclame que le projet repose sur ''un usage strictement agricole du territoire et un retour à l'exploitation agricole des terres en conformité avec les règles départementales et nationales qui régissent l'ensemble de l'agriculture de Loire-Atlantique''.
De son côté, la Confédération paysanne souhaite que l'Etat conserve la propriété des terres afin de ''garder le foncier groupé et d'éviter la fragmentation'', estime Dominique Deniaud. L'ensemble pourrait former un tout qui serait confié à une société de gestion selon un bail emphytéotique, comme c'est le cas du plateau du Larzac depuis la création d'une société civile foncière en 1981.
Droit à l'expérimentation
Parmi les propositions qui circulent : un observatoire de la biodiversité, un centre international de l'agro-écologie, un centre de recherche sur l'éco-construction, un centre international de l'alimentation, un festival international du goût, une bibliothèque de l'écologie, de l'agriculture et de la nourriture.
Les Naturalistes en lutte, qui ont découvert le triton crêté hébergé dans les multiples mares du bocage, aspirent à un scénario qui implique d'abord les personnes vivant sur place. Ils entendent sortir des schémas protocolaires, explique l'un des leurs, Jean-Marie Dréan : ''On a besoin de temps pour mettre les choses en place. A toutes les solutions, celle que nous préférons est le droit à l'expérimentation. Ce qui nous semble important, c'est de ne pas rester dans le schéma agricole classique. Plus il y aura une diversité de dimensions, plus on aura une chance de préserver ce qu'on a ici : échanges, entraide, partage de connaissances''.
Vers un agrandissement des exploitations ?
Avocat de l'Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport (Acipa), Thomas Dubreuil résume la situation : ''Ces terres sont la propriété de l'Etat. Elles pourront faire l'objet de cession à l'amiable, soit à des tiers, soit à une structure. Des échanges sont en cours entre les différents ministères sur les différentes possibilités. Soit les terres sont attribuées aux agriculteurs en direct, soit une structure tierce, type SCI, se charge de les administrer. Si les terres reviennent à une vocation seulement agricole, ce sont les Chambres d'agriculture, via la Safer, qui pourrait les gérer''.
Pour Françoise Verchère, porte-parole du Collectif d'élus doutant de la pertinence de l'aéroport (CeDpa), ''tout le problème va être celui de la propriété. Il y a ceux qui veulent la restitution de leurs terres, il y a ceux qui ne veulent pas car ils ne peuvent pas rembourser. On redoute qu'après les efforts pour sauver cette zone, la Chambre d'agriculture et la FDSEA cherchent à se la partager pour favoriser les agrandissements d'exploitation.''
Qu'en sera-t-il aussi de la position du Conseil départemental de Loire-Atlantique, propriétaire de près de la moitié de la surface concédée sur le site, dont le président, Philippe Grosvalet, était un pro-aéroport notoire ? ''Il se trouve que des terrains ont été cédés par le département à l'Etat dans la perspective de l'aéroport. On ne sait pas s'il y avait une clause en cas d'abandon du projet. Dans l'immédiat, M. Grosvalet ferait bien de s'occuper des maisons de retraite'', s'agace Mme Verchère.
Trouver un juste milieu
A Notre-Dame-des-Landes, une quarantaine de paysans ayant participé à la lutte, dont les terres représentent au total environ 200 hectares, entendent conserver les pratiques en cours. ''Ce qui nous intéresse, c'est l'usage plutôt que la propriété : l'usage des maisons, des bois, des forêts. Nous sommes en train de constituer une équipe de négociation collective pour discuter de plusieurs aspects du foncier'', explique Julien Durand, porte-parole de l'Acipa. Pour ce paysan qui a mené la lutte contre l'aéroport, ''ces terres humides et marécageuses ont vraiment vocation à rester vouées à l'élevage. Ici bocage rime avec élevage. Et tous ceux qui ont voulu abandonner l'élevage se sont cassé la figure.''
Sur le sort réservé à ce territoire, ''on ne peut rien savoir pour le moment. En tout état de cause, l'Etat est obligé de notifier aux expropriés la possibilité de récupérer leur terrain. Là on saura ce qui restera, en fonction du nombre de propriétaires qui se manifesteront, le plus souvent d'anciens exploitants agricoles ou ayant reçu ces terres par héritage. Peut-être un millier d'hectares reviendront dans le giron de l'Etat'', estime Julien Durand.
Verdict fin février, voire courant mars. L'Acipa et les occupants du site plaident pour conserver des critères environnementaux et sociaux afin que des projets alternatifs puissent se mettre en place dans le cadre de la cession. ''Il faut trouver un juste milieu entre l'Etat qui contrôle tout et les installations illégales. Même si au final, pour le moment, c'est l'Etat qui a la main. Mais il peut faire table rase de tout ce qui s'est passé ici en cédant les terres'', estime M. Dubreuil.