Sur les 34 plans pour une "nouvelle France industrielle", lancés en septembre dernier par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, neuf ont validé leurs feuilles de route début mai et sont entrés en phase opérationnelle.
Parmi eux, figure le plan sur les réseaux électriques intelligents (smart grids), piloté par Dominique Maillard, président du Directoire de RTE (réseau de transport d'électricité), et publié mardi 20 mai.
Au croisement des transitions "numérique et énergétique", le lancement du plan a vocation à consolider les filières électriques et informatiques sur de nouveaux marchés "à forte croissance et créateurs d'emplois", explique M. Maillard dans la feuille de route. Un marché prometteur couvrant de nombreux segments industriels : infrastructures réseaux, compteurs, automatisation… Les réseaux vont devoir évoluer à moyen terme du fait de la multiplication des points de production décentralisés, notamment pour la production d'énergie renouvelable intermittente ou le développement de véhicules électriques. Les smart grids permettent aux consommateurs "de devenir acteurs de leurs usages et de leur consommation d'électricité".
Le plan vise à accompagner cette évolution du système électrique afin de maintenir une fourniture "fiable" d'électricité à faible émission de CO2 et à prix "modéré". Il doit également permettre d'accompagner le déploiement déjà engagé du compteur électrique communicant Linky, "première brique" pour développer les smart grids, ou "les expérimentations de maisons instrumentées et intelligentes" et la diffusion de "box énergie".
Structurer la filière française
Alstom Grid, Schneider Electric, Legrand, Smart Grid France, Alcatel-Lucent, Capgemini, Itron, Ijenko... La France "peut déjà compter sur des leaders mondiaux dans toutes les technologies concernées : opérateurs de réseaux électriques et télécoms, équipementiers, producteurs de composants, ingénierie logicielle, data centers", rappelle Dominique Maillard. Le plan doit aboutir à la constitution d'offres industrielles françaises "intégrées et compétitives" et structurer la filière.
"L'industrie française dispose d'atouts qu'il s'agit de valoriser dans la compétition internationale. À court terme, le plan veut réunir les acteurs de la filière autour d'un label et d'une structure opérationnelle pour créer une équipe de France des réseaux électriques intelligents", souligne-t-il. Le plan prévoit de créer un groupement d'intérêt économique (GIE) dédié au secteur, un label et un annuaire des acteurs d'ici fin 2014.
L'objectif de la filière française, concernant les réseaux de distribution et de transport de l'électricité, est de représenter d'ici 2020 plus de 25.000 emplois directs, contre 15.000 aujourd'hui, pour un chiffre d'affaires d'au moins 6 milliards d'euros contre 3 milliards actuellement. Cela représente 10.000 créations d'emplois en France, principalement dans les secteurs de l'ingénierie, de la conception et des services, "en préservant par ailleurs des emplois de production sur le territoire", table la feuille de route.
Les enjeux de la filière à l'exportation "sont énormes. Avec un marché mondial des réseaux électriques intelligents estimé à 30 milliards d'euros en 2015 et une croissance annuelle prévue de l'ordre de 10%, il est essentiel de se positionner rapidement sur ce marché et atteindre nos objectifs", estime Dominique Maillard.
Dépasser le stade des démonstrateurs
À moyen terme, le plan doit permettre de passer du stade des démonstrateurs technologiques à un déploiement industriel "ciblé" sur une zone géographique en France, concentrant industries, recherche et formation. Une centaine de démonstrateurs serait dénombrée aujourd'hui. Il faudrait les "déployer à grande échelle" en 2017. Une région, qui sera choisie en 2015, "portera avec volontarisme ce déploiement", ajoute M. Maillard.
Un appel à manifestation d'intérêt sera lancé pour sélectionner d'ici 2016 deux campus universitaires permettant l'expérimentation de réseaux innovants. Le plan veut installer une "académie" des smart grids au sein de laquelle seront mis en réseau les centres de formation des industriels et les instituts d'enseignement, pour élaborer "une offre adaptée aux besoins des acteurs".
À long terme, le plan vise également à "préparer la compétitivité" de la filière à l'horizon 2020, "en peaufinant la stratégie R&D et en favorisant l'émergence de solutions innovantes imaginées par les PME et les start-ups, notamment grâce à un concours d'idées" répondant aux besoins des gestionnaires de réseau ou des grands équipementiers. "Une priorité a d'ores et déjà été identifiée : les innovations ne portent pas suffisamment sur le champ «amont compteur», c'est-à-dire côté réseau".
Evolution nécessaire du cadre réglementaire
Reste à faire évoluer le cadre réglementaire pour développer la filière, souligne M. Maillard. Une évolution de la réglementation, "dans le cadre de la préparation de la prochaine réglementation thermique ou sur proposition de la filière serait un facteur d'accélération de certaines solutions de réseaux électriques intelligents", explique-t-il. De même, la mise en place d'un cadre "cohérent et simple" de la gestion et l'accès des données, indépendant des circuits de captation et préservant les libertés individuelles,"devient un enjeu pour le développement d'un écosystème innovant ouvert à de nouveaux acteurs de la filière susceptible de générer des modèles exportables", selon lui.
Côté financement : le soutien public au plan serait compris dans une fourchette de 75 à 135 M€ sur la période 2015-2017. "Il viendrait en soutien des investissements déjà prévus dans les trajectoires financières des opérateurs de réseau, et de la contribution des autres parties prenantes de la filière", indique la feuille de route.