La sécheresse précoce affectera-t-elle la production nucléaire d'EDF ? « Le parc est prêt pour cet été », indique Cécile Laugier. La directrice environnement à la direction de la production nucléaire d'EDF ajoute que l'entreprise a « un bon niveau de confiance ». EDF insiste, en particulier, sur la préparation de ses installations et sur leur bon niveau de résilience. D'autant que depuis 2014, les règles concernant les prélèvements et les rejets d'eau ont été assouplies pour préserver la production électrique.
0,3 % de la production perdue en deux décennies
En France, les prélèvements d'eau sont de l'ordre de 34 milliards de mètres cubes par an, dont 57 % pour l'énergie. Quant à la consommation d'eau, c'est-à-dire la part des prélèvements qui n'est pas rendue aux milieux aquatiques, elle s'élève à 6 milliards de mètres cubes. La production énergétique pèse pour 22 % de cette consommation annuelle et pour 9 % en été. Ces chiffres montrent à quel point la disponibilité en eau est un enjeu pour le parc nucléaire.
C'est lors de la canicule de 2003 que le sujet a réellement fait irruption. Cette année-là, EDF a été contraint de réduire sa production de plus de 6 térawattheures (TWh), soit 1,5 % de la production annuelle cible. Depuis, les arrêts n'ont entraîné que des pertes inférieures à 1 % de la production cible, soit 4 TWh. Et, depuis vingt ans, canicules et sécheresse font perdre, en moyenne, 0,3 % de la production cible. Néanmoins, quatre années se distinguent en dehors de 2003 : 2005 (près de 3 TWh perdus), 2006 (un peu plus de 2 TWh), 2018 (près de 3 TWh) et 2020 (un peu plus de 3 TWh).
Et 2022 ? Les baisses de production ont débuté, dès début juin, à Saint-Alban (Isère), avec de fortes chaleurs en avance de quinze jours par rapport à d'habitude. « L'été pourrait être marqué par des épisodes anticycloniques assez longs », admet Cécile Laugier, ajoutant, en outre, que « l'étiage des fleuves pourrait encore être marqué en septembre ». Golfech (Tarn-et-Garonne), le Blayais (Gironde), Saint-Alban (Isère), Tricastin (Drôme), Bugey (Ain) – toutes trois sur le Rhône – et Chooz (Ardennes) sont les centrales les plus sensibles.
Un régime dérogatoire pérenne
La relative confiance d'EDF au sujet de 2022 s'explique, en partie, par les nouvelles règles en vigueur depuis 2014. Dorénavant, il est possible de déroger au cadre général en cas de forte demande d'électricité. Dans les grandes lignes, la limite de température des eaux en aval du site en régime de fonctionnement normal peut être relevée de 1 °C sur demande de RTE pour éviter un problème d'alimentation du réseau. Ce premier niveau dérogatoire est inscrit dans les conditions de fonctionnement des centrales. Il a été activé une fois : à Golfech, pendant trente-six heures, en 2018. Un second niveau de dérogation peut être activé par arrêté ministériel, si le seuil relevé de 1 °C est dépassé.
Deux familles de réacteurs
Toutes ces mesures s'appuient sur les règles fixées pour les deux grandes familles de réacteurs, en termes de refroidissement et de besoins en eau.
La première est celle des réacteurs dont le circuit de refroidissement est « ouvert », c'est-à-dire que l'eau utilisée pour refroidir le circuit secondaire est rejetée directement dans le milieu après utilisation. Les 26 réacteurs de ce type sont situés en bord de mer, à l'exception de Saint-Alban et de Tricastin. Ce fonctionnement implique une consommation d'eau relativement importante de 50 m3 par seconde (m3/s) et le rejet d'une eau plus chaude que celle prélevée.
Sur le plan réglementaire, les rejets d'eau de ces réacteurs doivent respecter deux critères : une limite d'échauffement et une limite de température aval après mélange (cette dernière est calculée, et non mesurée, sur la base de la température amont, du débit et de l'échauffement dû à la centrale). Tricastin, par exemple, ne peut dépasser un échauffement moyen de 5,5 °C en valeur journalière, avec une valeur limite de 6 °C (à tout instant, et non plus en moyenne). Quant à la température du Rhône calculé à l'aval du site, elle ne doit pas dépasser 27,8 °C en valeur journalière, avec une limite à 28 °C.
La seconde famille de réacteurs regroupe ceux équipés d'une tour aéroréfrigérante. Ces 30 réacteurs sont implantés au bord d'un cours d'eau. Leurs prélèvements s'élèvent à environ 2 m3/s et la température des rejets est beaucoup plus proche de celle du fleuve. Dans ce cas, environ 40 % de l'eau prélevée sont évaporés et ne sont pas rendus au milieu. Ces réacteurs consomment environ 2,5 m3 par mégawattheure produit, soit 2 250 m3 par heure pour un réacteur de 900 mégawatts fonctionnant à plein régime.
Quant au régime règlementaire, il repose sur des valeurs moyennes calculées de réchauffement (comprise entre 0,09 et 0,15 °C pour Belleville, Dampierre et Chinon, les trois centrales sur la Loire) et une valeur limite (fixée à 1 °C pour les trois sites précédents).