Le coût de production de l'électricité nucléaire a progressé de 21% entre 2010 et 2013, passant de 49,6 €/MWh à 59,8 €/MWh (en euros courants), estime la Cour des comptes, qui a publié, le 27 mai, une actualisation de son rapport sur le coût du nucléaire. Ce travail lui a été demandé par la commission d'enquête parlementaire qui planche sur la filière nucléaire, lancée en décembre 2013 et qui doit rendre ses conclusions courant juin.
Alors qu'EDF souhaite pouvoir exploiter ses réacteurs au-delà de quarante ans, les Sages demandent au gouvernement de "prendre position, dans le cadre de la fixation des orientations de la politique énergétique à moyen terme, (…) sous réserve bien sûr d'un accord de l'ASN, afin de permettre aux acteurs, notamment à EDF, de planifier les actions et les investissements qui en résulteront". La Cour des comptes avait déjà fait cette recommandation en janvier 2012, lors de la présentation de son rapport sur le coût du nucléaire. En 2020, 22 réacteurs approcheront les quarante années de fonctionnement. Prolonger leur durée d'exploitation au-delà, ou non, aura un impact sur les investissements d'EDF, et donc sur les coûts de production. "Ne pas prendre de décision de prolongation revient à prendre une décision de prolongation", a averti Gilles-Pierre Lévy, président de chambre de la Cour des comptes, lors de son audition par la commission d'enquête parlementaire le 27 mai.
Hausse des coûts : investissements de maintenance et de sûreté
Les coûts évalués par la Cour des comptes prennent en compte le projet industriel d'EDF, qui vise un allongement de la durée de vie des centrales. Or, "réaliser les investissements sur le parc existant pour permettre le prolongement de sa durée de fonctionnement nécessite une augmentation des dépenses d'achats et de logistique (consommations externes) ainsi qu'une forte évolution des effectifs, pour renouveler les compétences et permettre l'accélération du programme de maintenance". La prise en compte de ces investissements dans le projet industriel d'EDF explique la forte hausse des coûts d'exploitation (+11% entre 2008 et 2013), mais aussi de maintenance (+118%). "Après une phase de ralentissement net de 2003 à 2006, qui a eu des répercussions négatives sur l'exploitation et la production, le montant des investissements annuelsd'EDF (3.804 M€ en 2013) a été multiplié par trois depuis 2008(1.221 M€) et par plus de deux depuis 2010 (1.748 M€)".
Les investissements nécessaires au prolongement de la durée de vie des réacteurs sont estimés à 62,5 Mds€2010 entre 2011 et 2025, avec une progression importante pendant les premières années. Dans le projet industriel d'EDF, la moitié de ces investissements correspond à une amélioration de la sûreté, exigée par l'ASN après la catastrophe de Fukushima, mais aussi au maintien d'un niveau de sûreté équivalent à celui des réacteurs les plus récents (1,6 Md€2011 par an). L'autre moitié correspond à la maintenance (1 Md€2011 par an), nécessaire au fonctionnement régulier du parc (maintien du niveau de production…).
Certains de ces investissements sont nécessaires pour permettre le maintien du niveau de production, même sans prolongation de vie des réacteurs. Ceux-ci correspondent "à la maintenance « normale » (environ 1 Md€2011 par an) et à la rénovation ou au remplacement de gros composants dont la durée de vie est inférieure à quarante ans (environ 1,3 Md€2011 par an)".
En revanche, EDF considère "ne pas pouvoir dissocier d'une décision d'allongement de la durée de vie des réacteurs une partie de ces investissements (environ 6 Mds€) ; elle souhaite donc pouvoir les réaliser d'ici 2033, au fur et à mesure des quatrièmes visites décennales, mais ce calendrier très long n'a pas été validé à ce jour par l'ASN", précisent les Sages.
Des coûts différents selon la durée de vie des centrales
Avec une durée de vie à cinquante ans, le coût de production du mégawatt heure nucléaire passerait à 62 € selon les estimations de la Cour des comptes, et 57 € selon EDF.
Le coût du mégawatt heure en cas de non-prolongation de la durée d'exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans est plus difficile à estimer, souligne la Cour des comptes. Selon elle, en cas de non-prolongation, EDF renoncerait à certains investissements, ce qui engendrerait une baisse de la production. Dans quelle mesure ? Impossible d'y répondre, a indiqué Gilles-Pierre Lévy. En revanche, il a rappelé que les réacteurs arrêtés devraient être remplacés par des réacteurs nucléaires nouvelle génération ou d'autres sources d'énergie. Or, selon lui, "quand on prolonge la durée de vie d'une voiture, cela coûte moins cher que d'en acheter une neuve…".