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Plate forme BP en Louisiane : Barack Obama face à l'irresponsabilité environnementale

Dans son discours du 15 juin sur la marée noire, le président des Etats-Unis a annoncé qu'il ferait payer BP pour réparer la catastrophe. L'économiste américain Robert Costanza estime qu'il est temps de rendre leur vraie valeur aux écosystèmes.

Risques  |    |  A. Sinaï
   
Plate forme BP en Louisiane : Barack Obama face à l'irresponsabilité environnementale
White House Photo, 16/06/2010
© Pete Souza
   
'' Si nous refusons de prendre en considération le coût complet de notre addiction au pétrole – si nous n'évaluons pas la facture des coûts pour l'environnement, pour l'économie réelle, pour la sécurité nationale – nous aurons raté notre meilleure chance de saisir un avenir fondé sur l'énergie propre '', déclarait Barack Obama à l'Université de Carnegie Mellon le 2 juin dernier. Puis, dans son discours depuis le bureau ovale, mardi 15 juin, il annonce qu'il va demander au PDG de BP de rassembler la somme nécessaire à compenser les travailleurs accidentés ou tués, leur famille et les entreprises lésées par la marée noire. A l'issue d'une réunion de trois heures dans le Bureau ovale, le président a fait plier le pétrolier le 16 juin : BP a convenu de mettre en place un fonds de 20 milliards de dollars pour indemniser les victimes, qui sera contrôlé par l'administration d'Etat. Pour éviter la faillite de la compagnie, le gouvernement a accordé à BP plusieurs années pour créer ce fonds. En sus, BP devra verser 100 millions de dollars pour les employés des forages ayant perdu leur emploi à cause du moratoire de 6 mois sur les plate forme offshore décrété par l'administration Obama.

Un discours de mobilisation nationale

'' Les conséquences de notre inaction sont patentes. Des pays comme la Chine investissent dans les métiers et les énergies propres. Nous, chaque jour, nous expédions près d'un milliard de dollars à l'étranger pour acheter du pétrole. Et voilà qu'aujourd'hui, dans le Golfe (du Mexique), c'est tout un mode de vie qui est menacé par une nappe de brut '', déclare Barack Obama dans son discours du 15 juin, sur un ton comparable à l'Appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle. Mobilisation générale : les Etats-Unis ont su réquisitionner leur industrie pour fabriquer des avions et des tanks pendant la deuxième guerre mondiale, envoyer des hommes sur la lune, repousser les limites pour façonner leur destin. Le président exhorte à un sursaut national au nom des générations futures : au nom de l'avenir de leurs enfants, les Etats-Unis d'Amérique doivent prendre le chemin d'une transition vers la sortie des énergies fossiles, transition qui, selon lui, a déjà commencé, mais dont les ressorts restent à préciser. Le président passe sous silence le blocage au Sénat de la loi sur le climat et l'énergie, se dit prêt à entendre les propositions de tous les partis, mais annonce que la seule chose qu'il n'acceptera pas, c'est l'inaction.

'' Restent les coûts associés à cette transition. Il y en a qui pensent que nous n'en avons pas les moyens en ce moment. Je dis que nous n'avons pas les moyens de ne pas changer la manière dont nous produisons et consommons de l'énergie – parce que les coûts à long terme pour notre économie, notre sécurité nationale, et notre environnement seront bien plus élevés ''. La marée noire de la plate forme Deepwater Horizon est la plus grave de l'histoire des Etats-Unis. Entre 35 000 et 60 000 barils s'échappent du puits chaque jour, dont seuls 15 000 sont pompés. Quelque 2 520 000 barils se sont répandus au large de la Louisiane et sur les côtes depuis le 22 avril, soit dix fois plus que la marée noire de l'Exxon Valdez en Alaska en 1989 (261 900 barils), dans laquelle la firme BP était déjà impliquée. Plus de 30 000 personnes sont mobilisées sur place. Un mois après l'accident, la surface de la nappe couvrait une zone d'environ 41 424 kilomètres carrés, soit une surface équivalente à deux fois le New Jersey1. Les caméras embarquées dans des robots à grande profondeur permettent de visualiser en temps réel l'ampleur du désastre. Ces vidéos à haute résolution, visibles sur le site de la Chambre des représentants, suscitent des millions de visites de curieux et alimentent en live la polémique sur la quantité de pétrole écoulé. Il s'agit de la première marée noire en temps réel de l'histoire humaine.

Provisionner des garanties à la hauteur du risque

Pour Robert Costanza, professeur d'économie de l'environnement à l'Université du Vermont et auteur de contributions de réputation internationale, ce désastre est lourd d'enseignements. Cet économiste et son équipe se sont rendus célèbres parce qu'ils ont été parmi les premiers à évaluer les services environnementaux : ils ont calculé que la totalité des services rendus à l'humanité par les écosystèmes de la planète rapportait quelque 33 000 milliards de dollars par an (estimation minimale)2. Cette estimation démontre que la valeur du capital naturel est supérieure au PIB mondial annuel, de l'ordre de 18 000 milliards de dollars par an. Divisés par six milliards d'individus, ces 33 000 milliards représentent environ 5 500 dollars par personne et par an de services offerts par la nature. Cela n'est pas cher pour ces services vitaux « rendus » par les écosystèmes, comme la régulation de la composition de l'atmosphère, du climat, de l'eau, la capacité de résilience, l'offre de ressources en eau, le contrôle de l'érosion, la formation des sols, le recyclage des nutriments, le traitement des déchets, la pollinisation, le contrôle biologique, l'habitat des espèces, la production de nourriture, de matériaux bruts, de ressources génétiques, de divertissement et de support de culture.

Les calculs de l'équipe de Robert Costanza (2008) montrent que la marée noire a déjà directement et indirectement affecté au moins 20 catégories des services écosystémiques de grande valeur dans le Golfe du Mexique. La pêche locale, d'une valeur marchande estimée à 2,5 milliards de dollars par an, est en faillite complète. Tandis que la nappe se répand en direction des plages populaires du Golfe, la perte de revenus dans le secteur du tourisme s'annonce énorme. En outre, la marée noire de la plate forme BP a détérioré une série de biens en capital naturel dont la valeur est à la fois énorme et non marchande : ces services environnementaux non marchands régulent le climat par la séquestration du carbone dans les marais côtiers et les étendues aquatiques. Les zones humides et les mangroves protègent les côtes des ouragans, les paysages fournissent des valeurs de contemplation, de loisir et de culture par leur beauté naturelle.

Selon une étude récente à laquelle Robert Costanza a participé (2010), la valeur totale des services écosystémiques dans le delta du Mississipi se chiffre entre 12 et 47 milliards de dollars par an. La prolongation de ces services dans l'avenir rapporterait entre 330 milliards et 1,3 trilliard de dollars, bien plus que la valeur marchande totale du groupe BP avant la marée noire (189 milliards de dollars). Mais à la différence de BP, la valeur des services écosystémiques n'est pas incluse dans le marché. L'exploitation du brut rapporte une manne aux compagnies pétrolières, mais leur responsabilité n'est pas engagée à hauteur de la valeur des services environnementaux que leur activité pourrait dégrader ou détruire. Or si l'on considère que la marée noire de Louisiane va dégrader de 10 à 50% des écosystèmes du Delta, ceci revient à une perte de valeur écosystémique comprise entre 1,2 et 23,5 milliards de dollars par an pour une durée indéterminée, jusqu'à ce que les écosystèmes se rétablissent. Actualisées, ces sommes sont énormes : entre 34 et 670 milliards de dollars.

En regard de ces sommes, le fonds sous séquestre de 20 milliards de dollars provisionné a posteriori par BP -- après en avoir été sommé par Barack Obama -- pour la réparation des dommages, paraît dérisoire. On peut s'étonner que les entreprises à haut risque comme les compagnies pétrolières ne soient pas contraintes de provisionner en amont et a priori des montants correspondant à l'ampleur des dommages. Aux Etats-Unis, la loi sur les pollutions pétrolières de 1990 limite à 75 millions de dollars la responsabilité des compagnies en cas de marée noire. Dans le domaine nucléaire, le Price Anderson Act limite la provision en cas d'accident à 10 milliards de dollars. La marée noire causée par l'Exxon Valdez a débouché sur un montant de compensation de 3,4 milliards de dollars, et 2,5 milliards d'amende, réduite à 2 milliards en 2008. Le reste incombe à la société. Manifestement, ces provisions financières n'encouragent pas à réduire le risque. Les mesures de précaution, pourtant connues, ne sont pas mises en œuvre, puisque le risque n'est pas internalisé et parce que tout le système incite à faire des profits à court terme. Pour Robert Costanza, il est temps de promouvoir un régime de responsabilité des entreprises pétrolières qui internalise à la source les coûts des risques environnementaux. Il serait par exemple envisageable qu'une compagnie pétrolière soit obligée de se doter d'une garantie en responsabilité d'un minimum de 50 milliards de dollars pour ses activités d'extraction offshore (soit un quart de la valeur de BP), ce qui l'encouragerait à investir dans des systèmes techniques de réduction du risque, ou à faire basculer ses investissements dans des secteurs moins risqués, comme les énergies renouvelables. Ce mécanisme de garantie sous séquestre pourrait inciter à la transition énergétique que Barack Obama a appelée de ses vœux.

Notes

1 - www.eoearth.org/article/Deepwater_Horizon_oil_spill 2 - Robert Costanza et al., « The value of the World’s Ecosystem Services and natural capital », Nature, n° 387, 1997.

Réactions1 réaction à cet article

La catastophe pétrolière

Je crois que tant que l'on s'acharnera à vouloir recueillir du pétrole par ce puits, vous ne colmaterez jamais la fuite. Par respect pour la nature, la sagesse serait selon moi, de condamner définitivement ce puits en y introduisant une "chambre à air géante" à l'intérieur, puis envoyer de l'air pour la gonfler. Ce qui rendrait la cheminée de puisage hermétique.
Est-ce "Utopique" ?

Guffroy Bernard | 20 juin 2010 à 10h08 Signaler un contenu inapproprié

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