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Objectif ZAN, une application locale semée d'embûches

Réduire l'artificialisation des sols, tel est l'objectif que la loi Climat et résilience a fixé. Sa traduction dans les documents d'urbanisme débute et soulève de nombreuses questions. Les collectivités locales interrogent la méthode.

Aménagement  |    |  F. Roussel
Objectif ZAN, une application locale semée d'embûches
Actu-Environnement le Mensuel N°428
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°428
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Publiée le 22 août 2021, la loi Climat et résilience a fixé l'objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, avec une cible intermédiaire de réduction de moitié du rythme de consommation d'espaces d'ici à 2031. En une décennie, l'utilisation d'espaces naturels, agricoles et forestiers doit donc être divisée par deux par rapport à ce qui a été observé au cours des dix années précédentes. « Une petite révolution pour les politiques d'urbanisme », estime Sophie Primas, sénatrice des Yvelines et présidente de la Commission des affaires économiques de la Chambre haute, et qui inquiète les communes. « La consultation lancée par le Sénat, en mai 2022, a recueilli 1 250 réponses, qui confirment les interrogations sur l'application concrète de cette loi », détaille la sénatrice, qui a organisé, fin juillet dernier, une table ronde sur la question. « C'est une quadrature du cercle particulièrement délicate », estime, pour sa part, Jean-François Husson, son collègue de la Meurthe-et-Moselle, rapporteur général de la Commission des finances du Sénat. Ce que les associations de collectivités locales invitées n'ont pas manqué de démontrer.

Une remise en cause du développement communal

Réduire la consommation d'espaces pour la construction de logements, de routes, d'équipements sportifs ou de tout autre bâtiment, voilà l'enjeu auquel se confrontent les communes avec l'objectif de zéro artificialisation nette. Le recours à des terrains déjà artificialisés pour reconstruire la ville sur elle-même est une évidence partagée par tous. Mais la question devient plus sensible lorsque les friches sont inexistantes, notamment en zone rurale : comment continuer à construire ce qui est nécessaire, voire imposé par l'État, et qui, surtout, témoigne aujourd'hui du dynamisme d'une commune ? « C'est d'abord un sujet politique, qui questionne le projet de territoires à chacun des échelons, car il remet en question nos volontés de développement. C'est une remise en question profonde de nos modèles », estime Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France.

« Aujourd'hui, la croissance de la recette d'une commune est corrélée à la croissance du patrimoine. Le ZAN interroge ce modèle », pointe-t-il. La question de la fiscalité n'est donc pas très loin. Et à l'heure où la fiscalité locale évolue, avec la suppression de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le ZAN en rajoute une couche et invite à repenser l'ensemble de la fiscalité. Ce à quoi le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, semble prêt.

Le besoin de prendre le temps

Autre point d'achoppement, sur lequel le gouvernement a déjà lâché du lest : les délais. La loi 3DS, votée le 15 décembre 2021, a accordé six mois supplémentaires aux collectivités pour organiser la conférence des schémas de cohérence territoriale (Scot), concertation locale qui doit conduire les Régions à intégrer l'objectif ZAN dans leurs schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) d'ici à février 2024. Ces documents étant par la suite traduits dans tous les documents d'urbanisme locaux (Scot, PLU, cartes communales d'ici à 2026), la manière dont l'objectif ZAN y sera intégré constitue un enjeu fort pour toutes les communes.

“ Il faut réinstaurer un dialogue coconstructif ascendant, qui parte des territoires ” Sébastien Gouttebel, Association des maires ruraux du Puy-de-Dôme
Mais si l'allongement des délais a été apprécié, la conférence des Scot patine. Même si ces concertations doivent aboutir non pas à des éléments chiffrés, mais à des grands principes, elles semblent très hétérogènes d'une région à l'autre, avec un risque d'arbitrage différent. Autre point regrettable, selon Intercommunalités de France « nous constatons surtout que le portage politique est absent. Ceux qui participent à cette conférence des Scot ne sont pas ceux qui vont devoir appliquer ces grands principes. On va tomber dans des discussions techniques, mais on n'aura pas forcément les élus décideurs », regrette Carole Ropars, responsable pôle environnement et aménagement de l'association.

« Il faut réinstaurer un dialogue coconstructif ascendant, qui parte des territoires », estime Sébastien Gouttebel, président de l'Association des maires ruraux du Puy-de-Dôme, arguant que les maires ne sont pas tous familiers des documents d'urbanisme et sont peu invités à participer aux conférences des Scot. En outre, « 30 % des collectivités ne sont pas dotées de documents d'urbanisme, précise Alain Chrétien, vice-président de l'Association des maires de France (AMF). Ce débat leur est donc étranger. Il faut déjà faire comprendre à nos collègues qu'ils doivent y réfléchir. C'est un travail qui n'est pas encore abouti. » Difficile dans ces conditions de mobiliser les élus sur ces questions. Or, ce qui se négocie en ce moment n'est rien d'autre qu'un partage des droits à construire entre territoires. Ce qui est loin d'être anodin.

Une méthode qui interroge

En effet, pour que l'objectif de réduire de moitié l'artificialisation des sols soit respecté à l'échelle nationale, il faudra bien que les droits à construire soient restreints et que cette contrainte soit partagée. Un casse-tête dans certaines métropoles. « L'objectif ZAN divise, les communes en métropole ne comprennent pas », constate déjà sur son territoire Annette Laigneau, vice-présidente de Toulouse Métropole, chargée de l'urbanisme et des projets urbains. Contrainte de réécrire son PLUi à la suite d'une décision de justice, la métropole de Toulouse cherche une façon d'y intégrer l'objectif ZAN. Outre le difficile partage des droits à construire au sein du territoire, s'ajoute l'incertitude juridique liée au retrait de certains droits préalablement octroyés. Une crainte d'autant plus prégnante que c'est la raison pour laquelle le PLUi toulousain a été annulé.

« Personne ne remet en cause la démarche de sobriété foncière, explique Mme Laigneau. C'est la méthode qui génère incertitudes et réticences. » À une conférence des Scot, les représentants des collectivités auraient préféré une forme de contractualisation avec l'État sur des objectifs de sobriété foncière. Des contrats qui auraient pu prendre en compte les efforts déjà réalisés par certains durant la décennie précédente, sécuriser juridiquement la démarche et pouvoir y intégrer la question des besoins de foncier rendus nécessaires, soit par un projet d'envergure nationale, soit par une politique de réindustrialisation ou une démographie en croissance. « Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) sont d'une qualité très inégale, mais pourrait être une piste », propose Sébastien Miossec. Une idée déjà abordée par Jean Castex, alors Premier ministre, dans une circulaire adressée aux préfets, en février dernier, mais plutôt comme cadre d'échange local en amont de la conférence des Scot.

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