L'engagement - conditionnel pour l'instant - a beau être évoqué, l'Union européenne demeure très divisée sur le sujet, comme l'a montré le Conseil informel des 27 ministres européens de l'environnement réunis en janvier dernier à Séville (Espagne).
Ce passage d'un objectif de -20% à -30% de réduction des émissions européennes est prévu par le paquet Climat européen, adopté en décembre 2008. Mais comment le concrétiser ? L'Union européenne a réparti son objectif de réduction d'émission de 20% d'ici 2020 dans deux textes : la directive européenne 2009/29 du 23 avril 2009, qui concerne 40% des émissions européennes, principalement l'industrie et l'aviation ; la décision du même jour sur le partage entre Etats membres de l'effort de réduction des 60% d'émissions restantes. ''Pour le moment, aucune décision n'a été prise sur la manière dont toute révision à la hausse de l'objectif européen au-delà de 20% en 2020 par rapport à 1990 serait partagée entre industrie et Etats membres'', explique Peter Zapfel, membre de la Commission européenne, économiste spécialiste des marchés du carbone.
Un rapport sur la manière dont ce nouvel objectif sera atteint aurait dû être présenté trois mois après l'adoption d'un accord sur le climat, c'est-à-dire ce mois-ci, rappelle Sophie Galharret, chargée d'études Climat et énergie à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Comme l'accord de Copenhague n'en a pour l'instant que le nom, le fameux rapport sera publié en juin par la Commission européenne. Bruxelles en profitera aussi pour donner quelques pistes sur la voie à suivre pour que l'UE opère sa transition vers une économie à faibles émissions de CO2 d'ici 2050 – à titre indicatif, la France sera censée réduire de 75% ses émissions à cette date.
Avis partagés sur le coût de l'effort
Les avis sont partagés sur la faisabilité d'un -30% en 2020. Pour Elise Buckle, responsable Energie-climat au WWF, ''la moitié de cet objectif est déjà atteinte de manière structurelle du fait des investissements déjà réalisés, de la croissance démographique en déclin dans de nombreux pays européens, ainsi que de la hausse du couvert forestier sur le continent''. Rien n'interdit donc à l'UE d'aller plus loin. Le Stockholm environment institute (SEI) plaide carrément pour un objectif de -40% d'émissions en 2020, objectif qu'il chiffre entre 1 à 3% du PIB européen entre 2010 et 2020.
Le Medef et le ministère de l'économie sont d'ailleurs vent debout contre un objectif additionnel de 10%. ''Cela représenterait l'équivalent d'un choc pétrolier'', assure un fonctionnaire de Bercy.
Réduire les émissions avec trois tours de passe-passe comptable
Pourquoi ne pas réaliser l'objectif à l'extérieur de l'UE ? C'est ce qu'a en tête la Commission européenne. ''Nous avons toujours eu l'intention de réaliser au maximum la moitié de cet objectif supplémentaire de 10% par des compensations hors UE'', rappelle Peter Zapfel. Sur la période 2008-2020, le recours à des compensations carbone dans des pays tiers pourrait atteindre entre 40 et 60% de l'objectif de -20%, évalue Sophie Galharret.
Ensuite, la Commission européenne prévoit d'inclure dans les -30% les émissions liées à l'utilisations des terres, leurs changements d'affectation et la foresterie (Lulucf), qui ne sont pas inclus dans l'objectif actuel de -20%. Un enjeu d'importance 2, car la prise en compte des émissions de ce secteur peut faire varier l'effort européen de 3% à la baisse… ou à la hausse. Tout dépend de la manière dont elles sont comptées...
Dernier tour de passe-passe comptable sur lequel l'Union européenne pourrait s'appuyer : ''l'air chaud'', ce surplus de quotas alloués aux anciens pays de l'Union soviétique. A lui seul, le surplus de quotas de CO2 des 10 ''nouveaux'' Etats membres de l'Union européenne représente près de 440 millions de tonnes par an entre 2008 et 2012, soit 1/5e du montant total de quotas de CO2 de l'industrie européenne… Une vraie bombe à retardement pour le marché des droits à polluer européens, mais qui permettrait de donner un gros coup de pouce supplémentaire à la réduction - virtuelle - de 30% des émissions européennes de gaz à effet de serre en 2020.