En marge du sommet de coopération économique de l'Asie-Pacifique (Apec), le 12 novembre, les présidents américains et chinois ont annoncé qu'ils se fixaient des objectifs respectifs dans le but de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. A plus d'un an de la conférence de Paris sur le climat (COP 21), les Etats-Unis s'engagent à réduire leurs émissions de 26 à 28% en 2025 par rapport au niveau de 2005. La Chine entend atteindre le pic de ses émissions "autour de 2030" et augmenter la part des combustibles non fossiles à 20% de la consommation d'énergie primaire d'ici 2030.
Barack Obama et Xi Jinping ont réaffirmé "l'importance de renforcer la coopération bilatérale sur le changement climatique et leur volonté de travailler ensemble, et avec d'autres pays, pour adopter un protocole, un autre instrument juridique ou une solution concertée ayant force de loi" lors du sommet de Paris. Les deux puissances représentent près de 45% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Un accord historique à quatorze mois de la COP 21
Historique, ce mot est dans toutes les bouches, à commencer par celle du président américain Barack Obama. "La portée de cet accord est très importante, analyse Alix Mazounie, en charge des politiques internationales pour la Réseau action climat France (RAC). A la différence du sommet de Copenhague où les engagements étaient intervenus en dernière minute, nous sommes à quatorze mois du sommet de Paris, et déjà trois acteurs majeurs des négociations jouent cartes sur table". L'Union européenne s'est engagée fin octobre sur des objectifs climatiques à horizon 2030.
Ces prises de position "rendent les postures de certains pays, comme la Russie, l'Australie et le Canada, intenables, estime Alix Mazounie. A partir du moment où les Chinois s'expriment publiquement, cela change totalement la donne. Nous espérons également que cette annonce aura un effet d'entrainement sur d'autres pays émergents". En effet, c'est la première fois que la Chine accepte de plafonner ses émissions de gaz à effet de serre.
D'ailleurs, dans leur annonce conjointe, les deux pays font part de leur intention de prendre le leadership des discussions : "Les États-Unis et la Chine espèrent qu'en annonçant ces objectifs maintenant, ils donneront un élan dans les négociations mondiales sur le climat et inspireront d'autres pays (…). Les deux présidents ont décidé de travailler en étroite collaboration au cours de la prochaine année pour lever les obstacles majeurs à un accord mondial ambitieux sur le climat".
Concrètement, le nouvel objectif "va doubler le rythme de réduction de la pollution de carbone, de 1,2% par an en moyenne durant la période 2005-2020 à 2,3-2,8% par an en moyenne entre 2020 et 2025". Les Etats-Unis devraient soumettre officiellement cet engagement à la Convention cadre des Nations unies au plus tard au premier trimestre 2015.
Concernant les engagements chinois, la Maison blanche juge "remarquable" l'objectif de 20% d'énergie zéro carbone d'ici 2030. Cela nécessitera le déploiement de 800 à 1.000 gigawatts supplémentaires de nucléaire, d'éolien, de solaire etc., "plus que toutes les centrales au charbon qui existent aujourd'hui en Chine".
Barack Obama et Xi Jinping font référence, dans leur annonce, aux impacts du changement climatique qui "nuisent déjà aux économies du monde entier". Au contraire, selon eux, la lutte contre le changement climatique "peut stimuler l'innovation, renforcer la croissance économique et apporter de grands avantages - du développement durable à une sécurité énergétique accrue, en passant par l'amélioration de la santé publique et une meilleure qualité de vie".
Les lignes peuvent encore bouger
Pour l'heure, les Etats-Unis, la Chine et l'Union européenne ont annoncé des objectifs a minima, "largement insuffisants pour limiter le réchauffement à 2°C", estime Alix Mazounie. Mais d'ici fin 2015, ces objectifs peuvent être augmentés et renforcés par d'autres engagements (renforcement des normes environnementales, suppression des subventions néfastes à l'environnement…).
L'annonce conjointe en dessine les lignes puisqu'elle revient sur les actions bilatérales déjà initiées en matière de véhicules propres, de réseaux intelligents, de captage et de stockage du carbone, d'efficacité énergétique…
Les deux présidents annoncent également le lancement d'une initiative pour des villes intelligentes et bas carbone, le soutien aux échanges bilatéraux de technologies et produits propres et l'augmentation des programmes pilotes et de projets communs dans de nombreux domaines.