Une note du Commissariat général au développement durable (CGDD) du ministère de l'Environnement estime que l'allongement de la garantie légale n'est pas la voie à privilégier, surtout si la mesure n'est pas appliquée au niveau européen. Certes, les pressions environnementales seraient bien moindres, mais les entreprises supporteraient trop de surcoûts pour un impact environnemental incertain. L'affichage environnemental est privilégié, mais sa mise en œuvre est délicate.
Le CGDD part d'un constat simple. Les produits à courte durée de vie doivent être remplacés rapidement, ce qui accroît les prélèvements de ressources et augmente le volume de déchets à traiter. Prolonger la durée de vie des produits réduit la fréquence de remplacement et donc les pressions sur les ressources. Pour y parvenir, deux options : l'allongement de la garantie légale ou l'affichage de la durée de vie des produits.
En mars 2013, des sénateurs écologistes avaient déposé une proposition de loi contre l'obsolescence programmée qui visait, entre autres, à étendre la durée légale de garantie à trois ans en 2014, quatre ans en 2015 et cinq ans en 2016, contre deux actuellement. Consultées préalablement, les associations plaidaient pour une extension à dix ans. La proposition est aujourd'hui caduque.
Surcoûts des producteurs
L'augmentation de la durée de garantie légale inciterait les entreprises à produire des biens à plus longue durée de vie pour éviter d'avoir à supporter le coût des réparations ou des remplacements. En matière de préservation des ressources, la mesure serait donc positive : "Le taux de renouvellement serait alors bien plus faible (…) et les pressions environnementales seraient bien moindres", rappelle la note. Mais, la mesure présente "l'inconvénient potentiel" d'exclure les ménages les plus modestes de l'accès à certains biens, du fait du "renchérissement probable" des prix. De plus, "tant du côté du producteur que du consommateur, plusieurs effets économiques de sens contraires sont à l'œuvre et l'effet total sur l'économie est dès lors ambigu", estiment les services du ministère de l'Environnement.
Du côté du producteur, cette stratégie pose trois problèmes. Tout d'abord, il est plus onéreux de fabriquer des produits dont la durée de vie est allongée, car ils nécessitent des pièces de meilleure qualité ou mieux conçues. Ensuite, le renouvellement des produits est moindre, ce qui entraîne une baisse du nombre d'unités vendues et des profits de l'entreprise. Cela d'autant plus que des produits durables permettraient de développer un marché de produits d'occasion en bon état. Enfin, "l'augmentation de la durée de garantie légale des produits pourrait avoir pour impact que la réparation auparavant prise en charge par le consommateur se trouve dès lors à la charge du producteur". Seul aspect positif, le producteur peut espérer voir sa marge progresser, ce qui accroîtrait son bénéfice.
Ralentissement du progrès technique
Pour le consommateur, l'allongement de la garantie conduirait à une hausse des prix. Mais, en contrepartie, il utiliserait plus longtemps son produit, puisque l'amélioration de sa résistance réduira la probabilité d'avoir à le remplacer ou le réparer. Toutefois, sur les marchés mondiaux, il n'est pas certain que les fabricants améliorent la qualité des produits pour le seul marché français.
Un dernier facteur joue en défaveur de l'allongement de la durée légale de garantie : la diffusion des innovations associée au renouvellement des produits. "Réduire trop fortement le taux de renouvellement des produits, même si cela permet de réduire fortement les pressions environnementales, pourrait donc à long terme ralentir le progrès technique et la création de nouveaux produits", expliquent les fonctionnaires du ministère de l'Environnement. En conséquence, cela "[serait] néfaste pour les acteurs économiques si cela excède le bienfait de la réduction des pressions environnementales".
Finalement, l'analyse du CGDD est donc défavorable à l'allongement de la garantie, sauf à ce qu'elle se fasse dans le cadre d'"une coordination entre un grand nombre d'acteurs, par exemple au niveau européen", pour qu'elle ait un impact environnemental significatif. En revanche, l'affichage de la durée de vie des produits est qualifié de "solution prometteuse".
Afficher la durée de vie
Avec l'affichage de la durée de vie des produits, l'objectif est de réduire l'asymétrie de l'information, c'est-à-dire l'écart entre l'information détenue par les producteurs et celle connue des consommateurs. Sur le plan théorique, les consommateurs privilégient les biens les moins chers, car ils ne peuvent pas différencier les produits chers de haute qualité et de durée de vie élevée par rapport aux produits chers de basse qualité sur lequel le producteur ferait un profit élevé. "Par conséquent, il n'achète que des produits de prix bas, qui correspondent à de faibles durées de vie", conclut la note, ajoutant qu'in fine "seuls les produits de basse qualité (de durée de vie faible) restent sur le marché". Bien sûr, dans la réalité, le consommateur connaît en partie la qualité des produits, mais son information n'est pas aussi complète que celle du producteur.
Selon le CGDD, l'affichage de la durée de vie des produits permet au consommateur de mieux arbitrer entre le prix des produits et leur durée de vie. Concrètement, le CGDD envisage deux pistes. La première est l'affichage du nombre de cycles d'utilisation ou d'une unité temporelle, comme par exemple le temps moyen entre les pannes (en anglais, le mean time between failures (MTBF)). L'autre option est un affichage catégoriel qui attribuerait une note aux produits (A, B, C, D…) comme pour l'efficacité énergétique par exemple. Mais l'enthousiasme du CGDD pour l'affichage de la durée de vie est mesuré : "Ceci renvoie à des considérations de faisabilité opérationnelle et de coût qu'il est nécessaire d'investiguer", pondère-t-il.