L'Office français de la biodiversité (OFB) verra bien le jour le 1er janvier 2020. Le projet de loi qui crée ce nouvel établissement public par une fusion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) est finalisé. La commission mixte paritaire, réunie ce mardi 25 juin après le vote du texte par l'Assemblée le 24 janvier et par le Sénat le 11 avril, est parvenue à un accord. Ses conclusions seront lues le 9 juillet prochain dans l'hémicycle, puis le 16 juillet au Sénat, marquant ainsi l'adoption définitive du texte.
L'OFB est censé reprendre les missions des deux établissements publics, leur périmètre d'intervention et leurs quelque 2.700 agents. Cette fusion doit répondre à un double objectif avait indiqué le gouvernement lors de la présentation du projet de loi en conseil des ministres en novembre : replacer les enjeux des politiques environnementales à un niveau territorial, faire converger l'action des politiques de l'eau et de la biodiversité. Dans les faits, c'est surtout la place faite aux intérêts cynégétiques qui ont échauffé les esprits, en particulier lors de deux épisodes clés du parcours du texte.
Arbitrage d'Emmanuel Macron
Le premier de ces épisodes a été l'arbitrage rendu par Emmanuel Macron fin août 2018. Un arbitrage qui a permis d'obtenir le feu vert de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) à la fusion qu'elle avait refusée dans le passé, moyennant un certain nombre de concessions : baisse du montant du permis de chasser, mise en place de la gestion adaptative des espèces chassables, abondement de l'Etat pour les actions des fédérations de chasse en faveur de la biodiversité, etc.. Mais un arbitrage qui a eu un effet collatéral de poids : le départ de Nicolas Hulot du gouvernement.
Le deuxième épisode, le plus récent en date, est celui du vote du projet de loi par le Sénat avec l'adoption de nombreux amendements favorables aux chasseurs : intégration du mot "chasse" dans le nom du nouvel établissement, augmentation de la représentation des chasseurs au conseil d'administration, gestion de réserves naturelles par les fédérations de chasseurs, création d'un délit d'obstruction à la chasse, reconnaissance des modes de chasse traditionnelle (chasse à la glu, etc.), réduction de la superficie des réserves de chasse. Des votes que n'ont pas du tout apprécié les associations de protection de la nature même si elles ont reconnu quelques avancées comme la création d'un dispositif de suspension du permis de chasser en cas de manquement grave aux obligations de sécurité ou la création d'une réserve civile environnementale.
"Nous espérons fortement que la commission mixte paritaire ne sera pas conclusive. Ça voudrait dire qu'un accord a été trouvé sur le dos de la nature, avait réagi Yves Vérilhac, directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), après cet épisode. "Le nombre de cadeaux abandonnés au monde de la chasse, notamment fiscaux, marquerait un recul historique de la protection de la nature en France et hypothéquerait les chances de succès du futur établissement public", avait réagi Humanité et Biodiversité, également très remontée après le vote sénatorial.
"Nouvelle avancée pour la réforme de la chasse"
Au final, des concessions ont eu lieu de part et d'autres afin de parvenir à un accord à la quasi-unanimité, les deux députés LR de la commission ayant voté contre. La CMP a supprimé les ajouts les plus polémiques du Sénat comme la mention de la "chasse" dans le nom du futur établissement, la reconnaissance des chassses traditionnelles, le délit d'entrave à la chasse ou la gestion de certaines réserves par les fédérations de chasseurs.
Ils ont en revanche maintenu les concessions qui avaient été arbitrées par le président de la République comme les dérogations à la directive Oiseaux ou le financement par l'Etat des actions menées par les fédérations de chasseurs en faveur de la biodiversité.
Avec cet accord, la Fédération nationale des chasseurs salue "une nouvelle avancée pour la réfome globale de la chasse française". Elle se félicite de la suppression des dispositions qui organisaient la "mainmise sur les plans de chasse des grands animaux par les sylviculteurs". Et salue l'engagement des ministres d'inscrire la proposition de loi sénatoriale sur les entraves rurales à l'agenda du Parlement, ce qui a permis de retirer du texte le délit d'entrave à la chasse et de poursuivre l'examen des autres articles en discussion.
"Pour le reste, l'équilibre général du texte a été maintenu en particulier pour l'éco-contribution et la préservation des Acca, ce que souhaitait la Fédération nationale des chasseurs. Le Sénat a introduit un amendement important modifiant la gouvernance de l'Office français de la biodiversité, l'Etat devenant minoritaire avec droit de veto", réagit Jean-Noël Cardoux, président du groupe d'études Chasse et pêche au Sénat.
"L'essentiel est la fusion"
Côté associations, le compte n'y est pas. "La version sortie de l'Assemblée nationale était tout juste acceptable, le texte issu de la CMP est forcément moins bon", réagit Yves Vérilhac après cet accord. L'affectation d'argent public, pour un montant d'environ 15 millions d'euros, à un fonds géré par la FNC reste en travers de la gorge du directeur de la LPO qui souhaite voir déférer cette disposition au Conseil constitutionnel.
"L'essentiel, explique Barbara Pompili à Actu-Environnement, c'est d'être parvenu à créer un établissement unique doté de moyens pour agir au service de la reconquête de la biodiversité et avec une très bonne implantation dans les territoires". Une manière d'achever le travail de fusion des opérateurs de la biodiversité qui n'avait pu être mené à bout au moment du vote de la loi biodiversité de 2016.
"On a beaucoup travaillé sur les pouvoirs de police environnementale, un sujet un peu technique et pas très lisible", explique l'ancienne secrétaire d'Etat à la biodiversité. Un travail qui devrait faciliter la vie des agents sur le terrain, même si ceux-ci sont moins nombreux : le Syndicat national de l'environnement FSU Biodiversité dénonce en effet la suppression de 127 postes sur trois ans.