En juillet 2018, la justice européenne tranchait sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) obtenus par mutagenèse : « ce sont bien des OGM, ils doivent être réglementés comme tels », décidait-elle. Un an et demi après, le Conseil d'État français reprend cette conclusion à son compte et demande à la France de s'y conformer. Ainsi, il confirme que les organismes obtenus par certaines techniques de mutagenèse doivent être soumis à la réglementation relative aux OGM. Ils doivent donc être assujettis aux évaluations sanitaires et environnementales prévues pour les OGM classiques obtenus par transgénèse avant toute mise sur le marché. Ils doivent aussi répondre aux obligations d'information du public, d'étiquetage et de suivi.
En conséquence, il donne six mois au Gouvernement pour modifier la réglementation française en ce sens. Il va donc falloir modifier l'article D. 531-2 du code de l'environnement qui transpose la directive européenne de 2001 pour que les OGM obtenus par mutagenèse ne soient plus exclus du champ de la réglementation. Le Gouvernement devra également identifier, dans un délai de neuf mois, les variétés de plantes agricoles obtenues par mutagenèse qui ont été inscrites au catalogue officiel des plantes cultivées sans avoir fait l'objet de la procédure d'évaluation des risques applicable aux OGM. « Cela pourra amener en pratique à retirer les variétés concernées du catalogue et à en suspendre la culture », prévient le Conseil d'État.
Les variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides en ligne de mire
Certains de ces « nouveaux OGM », qualifiés de nouveaux car ils sont apparus après la mise en œuvre de la directive de 2001, sont des variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VRTH). Le Conseil d'État consacre une partie de sa décision à ces VRTH. En s'appuyant sur le rapport de l'Anses de novembre 2019, il estime qu'en vertu du principe de précaution, « le Premier ministre ne pouvait refuser de prendre des mesures de prévention pour l'utilisation de variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides. »
Il demande aussi au Gouvernement de solliciter la Commission européenne pour avoir l'autorisation de prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH, afin que les exploitants mettent en œuvre des pratiques destinées à limiter l'apparition de résistance aux herbicides.
Dans son avis, l'Anses recommandait la mise en place d'un dispositif de suivi des semences VRTH « afin d'instaurer leur traçabilité jusqu'à l'utilisation réelle en culture ». Elle recommandait également le lancement d'une étude pour évaluer les effets sanitaires potentiels des VRTH, en particulier « pour vérifier la formation éventuelle de métabolites spécifiques non pris en compte lors de l'évaluation européenne des substances actives phytopharmaceutiques ». Elle préconise, en parallèle, une sensibilisation des agriculteurs sur les risques de développement des résistances des adventices aux herbicides.
Une décision très attendue qui fait réagir
On distingue :
- la mutagenèse aléatoire, qui vise à accroître la fréquence des mutations génétiques spontanées des organismes vivants ;
- la mutagenèse dirigée (ou technique d'édition du génome), qui correspond à l'introduction dans les cellules de la plante d'un matériel génétique étranger pour y provoquer la mutation recherchée sans que ce matériel ne demeure, in fine, dans l'organisme.
Du côté des associations à l'origine du recours juridique, l'heure est à la satisfaction mais aussi à la méfiance : « Les organisations requérantes resteront mobilisées pour que les paysans et les consommateurs ne soient pas à nouveau trompés par des décrets rédigés de manière à permettre à l'industrie de contourner les lois et de commercialiser impunément des OGM non déclarés et des variétés destinées à faire exploser les ventes et l'épandage d'herbicides toxiques. »