Alors qu'un débat européen est en cours sur les possibilités pour les Etats membres d'interdire les OGM en invoquant des impacts agro-environnementaux ou socio-économiques, la Commission européenne a publié le 15 avril un rapport sur les incidences socio-économiques de la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'Union européenne (1) à partir de contributions des Etats membres. Conclusions : ''les informations disponibles ont souvent des fondements statistiques ténus et reposent fréquemment sur des idées préconçues concernant la culture des OGM.(…) Le débat doit s'écarter des perceptions polarisées dont le rapport fait état pour s'appuyer sur une base plus concrète et objective'', note la Commission qui recommande de définir un ensemble de facteurs et d'indicateurs fiables. Elle préconise d'engager une réflexion, ''en s'appuyant sur un socle scientifique solide'', afin de cerner correctement les conséquences socio-économiques ex ante et ex post réelles de la culture d'OGM, de la production de semences à l'assiette du consommateur dans toute l'Union européenne. ''Ce processus de réflexion devrait être mis en place et réalisé conjointement par les États membres et la Commission. Il convient également d'y associer activement les parties prenantes, afin d'en garantir le succès''.
Union européenne : peu de retours d'expérience
En préambule, la Commission rappelle l'expérience limitée de l'Union européenne en matière de culture OGM, au regard d'autres pays. Seuls sept États membres cultivent ou ont déjà cultivé des OGM. Les données ex post sont donc peu nombreuses.
Plantes génétiquement modifiées Bt et RH
Les plantes Bt ont été modifiées par ajout d'un ou plusieurs des gènes codant la toxine insecticide de Bacillus thuringiensis, bactérie présente naturellement dans les sols, l'eau, l'air et le feuillage des végétaux et sécrétant des protéines mortellement toxiques pour certains insectes.
Les plantes RH sont résistantes aux herbicides. Leur objectif est d'augmenter le rendement des cultures en éliminant plus efficacement les mauvaises herbes.
Seuls les États membres cultivant des OGM ont pu s'appuyer sur des études ex post réalisées sur leur propre territoire. Mais celles-ci ne relaient des informations socio-économiques qu'au niveau de l'exploitation. Ainsi, ''l'Espagne cite une étude menée par le Centre commun de recherche (CCR) démontrant que, dans certaines provinces espagnoles infestées de parasites, les exploitants cultivant du maïs Bt ont enregistré, sur trois ans, un rendement moyen supérieur à celui d'exploitants conventionnels (jusqu'à 11,8 % de plus dans la province de Saragosse) ainsi qu'un accroissement de leur marge brut. Le Portugal, la Roumanie et la République tchèque ont également fait état de hausses du rendement moyen comprises entre 7 et 12,5 % du fait de la culture de maïs Bt''. La Roumanie, qui a cultivé du soja RH jusqu'en 2007 sur son territoire, fait état de gains de rendement de 31 % en moyenne.
Quant aux répercussions socio-économiques sur le reste de la chaîne d'approvisionnement et la société dans son ensemble (transports, assurances, industrie alimentaire, laboratoires d'essais, emploi/modèles de travail, activités administratives, choix des consommateurs…), elles ont été ''largement commentées'' sans toutefois être ''étayées d'un point de vue scientifique et statistique''.
À l'échelle internationale, peu d'analyses socio-économiques larges
Du fait du peu de retours d'expérience à l'échelle européenne, la Commission a élargit son enquête aux ouvrages scientifiques internationaux portant sur les dimensions économiques et sociales de la culture d'OGM. Ceux-ci dressent le même constat : les plantes Bt apportent un avantage économique aux exploitants surtout lorsque la pression des insectes ravageurs est forte (réduction des besoins en pesticide et/ou accroissement des rendements), que l'exploitation soit de petite ou de grande taille.
Quant aux plantes RH, ''de nombreuses études indiquent une différence de rendement faible, voire nulle, entre le soja RH et le soja conventionnel (à quelques exceptions près, par exemple lorsque les méthodes classiques de contrôle des adventices ont été particulièrement inefficaces, comme dans le cas du soja conventionnel en Roumanie). Globalement, la technologie RH réduit le coût de production, mais le surcoût des semences RH atténue, voire annule l'effet sur la marge brute des exploitants (études réalisées aux États-Unis et au Canada)''.
Les études sur les effets micro-économiques plus larges dans les pays en développement (incidences sur les agriculteurs n'adoptant pas la technologie RH, l'emploi rural, la pauvreté et le revenu des ménages), ou consacrées au niveau macro-économique à l'ampleur des incidences économiques de la culture de plantes transgéniques et à leur répartition entre les agents économiques de la chaîne d'approvisionnement (semenciers, agriculteurs cultivant des OGM et agriculteurs n'en cultivant pas, fabricants de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux, consommateurs) sont beaucoup plus rares.