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Actu-Environnement

Quand la transition écologique profite aux fraudeurs

Du trafic de déchets à la création de forêts fantômes, l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) pointe dans son dernier rapport les irrégularités dans le secteur de l'environnement. Ainsi, 76 millions d'euros pourraient revenir dans le budget de l'UE.

Gouvernance  |    |  D. Laperche
Quand la transition écologique profite aux fraudeurs

Le Pacte vert européen et ses 720 milliards d'euros pour réaliser les transitions écologiques et numériques de l'Europe pourraient inspirer les fraudeurs : c'est, en tout cas, l'impression qui se dégage à la lecture du rapport pour l'année 2021 (1) de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf). À noter toutefois, aucun des exemples de fraudes environnementales présentés ne concerne la France.

Le premier domaine prisé des fraudeurs est celui du traitement des déchets. « L'évolution vers une économie circulaire en Europe a entraîné une augmentation des taux de recyclage des déchets. Mais les trafiquants essaient de profiter de l'écart entre les capacités de production et de valorisation des déchets, pointe l'Olaf. On estime que jusqu'à 30 % de tous les transferts de déchets pourraient être illicites, ce qui représenterait 9,5 milliards d'euros par an pour les criminels. »

“ On estime que jusqu'à 30 % de tous les transferts de déchets pourraient être illicites ” Olaf
L'Olaf, en collaboration avec les autorités douanières, a donc plus particulièrement surveillé les expéditions, mais aussi les retours des conteneurs de déchets refusés, pour s'assurer qu'ils n'étaient pas détournés lors de la réexpédition vers le pays européen d'origine. « En janvier 2021, grâce à une alerte de l'Olaf, les autorités slovènes ont empêché un lot de 18 tonnes de déchets plastique à destination de la Malaisie de quitter le port. La cargaison provenait de Hongrie, illustre l'Olaf. L'importateur malaisien n'était pas autorisé à l'importer et les documents de transport nécessaires à un envoi transnational avaient été mal remplis. Le conteneur a été renvoyé à la société d'exportation hongroise. »

Pesticides illégaux et tromperie pour obtenir plus d'aides

Les fraudeurs s'intéressent également au marché de la production de phytosanitaires. Dans une opération conjointe entre l'Agence européenne de police criminelle, Europol, et l'Olaf, plus de 1 200 tonnes de pesticides illégaux ont été saisies, pour une valeur de 80 millions d'euros.

L'office a également enquêté sur les irrégularités de plusieurs projets cofinancés dans le cadre du programme Life+ en Italie, dont des solutions alternatives aux pesticides traditionnels. « L'Olaf a établi que certains bénéficiaires de ces financements avaient gonflé leurs coûts de sous-traitance afin de présenter des reçus frauduleux, faisant état de coûts bien supérieurs à ceux qu'ils avaient réellement engagés, décrit-il. Ils ont réussi à réclamer des services de conseil même si les règles de financement leur interdisaient de le faire. Les bénéficiaires ont réussi cette tromperie en qualifiant les honoraires de conseil de "frais de diffusion" et en gardant leurs accords de conseil confidentiels. »

Autre piste pour les trafiquants : le gaz réfrigérant. « Les gaz fluorés sont souvent de puissants gaz à effet de serre et, à ce titre, leur utilisation a été progressivement supprimée dans l'UE depuis 2014, avec un quota limitant la quantité pouvant être importée par une entreprise, par exemple, indique l'Olaf. En conséquence, il y a eu une augmentation de l'activité du marché noir liée à ces substances. » Durant l'année 2021, l'office a mené plusieurs actions conjointes avec des partenaires pour empêcher que ces gaz inondent l'UE.

« Dans le cadre de l'opération Verbena, l'Olaf a aidé l'administration fiscale espagnole et la police espagnole à saisir 27 tonnes de gaz fluorés et à arrêter cinq personnes, décrit-il. L'opération a également permis de découvrir 180 tonnes d'hydrofluorocarbures illicites qui avaient été introduits en contrebande en Espagne. »

76 millions d'euros à récupérer

Le montant des fraudes aux fonds de l'UE destinés à financer des projets ayant un impact positif sur l'environnement s'élève à 76 millions. A noter, l'impact des trafiquants ou contrebandiers sur le marché de l'environnement, par exemple le trafic de déchets, n'est pas traduit en terme financier. A titre comparatif, toutes affaires confondues, 527,4 millions d'euros pourraient être récupérés pour le budget européen sur l'année 2021 (contre 294 millions en 2020, 485 millions en 2019 et 371 millions en 2018). Ce montant correspond à 212 enquêtes closes pour 234 ouvertes.

Une surestimation des reboisements pour disposer de plus de fonds

L'Olaf met également en avant une affaire de fraudes réalisées pour bénéficier d'un programme financé par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), normalement utilisé pour le reboisement. « Les éléments recueillis ont révélé que les terres boisées en Bulgarie étaient inférieures à la superficie déclarée par le bénéficiaire. Certaines parties du terrain étaient des propriétés privées et des ravines, et les arbres ne pouvaient donc pas y être plantés, souligne l'Olaf. L'argent a été réclamé pour des zones qui n'ont jamais vu l'ombre d'un arbre. L'enquête a également mis au jour des fraudes liées à la déclaration des activités de maintenance. Il n'y a eu aucun signe visible d'entretien dans la majeure partie de la zone du projet pendant une période de cinq ans, malgré des déclarations contraires. »

Le secteur de l'aviation constitue un autre secteur où l'Olaf a pu débusquer des fraudes, comme la création d'une société fantôme pour le développement et la livraison d'avions plus respectueux de l'environnement. « La société était enregistrée plusieurs fois sous le même numéro de chambre de commerce à plusieurs adresses différentes et avait fait faillite à plusieurs reprises, note l'Olaf. Le registre officiel italien mentionnait la société comme "inactive" ». L'Olaf a découvert que 700 000 euros de financement de l'UE avaient été retirés en espèces par l'ancien P-DG et transférés sur son compte privé.

Un projet d'infrastructure frauduleux pour de l'alimentation en eau potable

« Les projets d'infrastructure (à l'intérieur et à l'extérieur de l'UE) attirent généralement les fraudeurs et le crime organisé en raison des sommes généralement importantes en jeu, qui peuvent être obtenues frauduleusement au moyen d'irrégularités administratives », remarque l'Olaf. Par exemple, plusieurs anomalies ont été découvertes dans un projet de construction d'une canalisation d'approvisionnement en eau potable reliant des puits à un réservoir, en République du Tchad (Afrique centrale). Le Fonds européen de développement avait financé deux contrats en 2014. « L'Olaf a constaté que la canalisation mesurait 250 mm de diamètre, au lieu des 400 mm requis, ce qui entraînait des coûts d'exploitation plus élevés et signifiait que la capacité du réseau ne permettrait pas de satisfaire les besoins, compte tenu de la croissance attendue de la population autour des zones desservies par le pipeline, indique l'office. Des documents avaient été falsifiés pour dissimuler cela. » Pour finir, les habitants n'ont même pas pu bénéficier de la canalisation : le réservoir d'eau s'est effondré en avril 2020. L'enquête a révélé que du béton de mauvaise qualité avait été utilisé dans sa construction.

L'Olaf met également l'accent sur des fraudes douanières sur des produits qui contribuent à réduire l'empreinte environnementale. « Sur les seuls vélos électriques, en 2021, l'Olaf a découvert des fraudes équivalentes à 5 millions d'euros, et sur des modèles à pédales plus anciens, la fraude identifiée s'élevait à plus de 12 millions d'euros », indique le service de presse de l'Olaf, sollicité par Actu-Environnement.

L'impact de la crise sanitaire

Dans son rapport, l'Olaf pointe également que les fraudeurs ont adapté leurs stratagèmes à la suite de la crise de la Covid, exploitant notamment davantage les outils numériques. « Les fraudeurs ont répondu aux difficultés accrues pour déplacer de grandes quantités de marchandises en fractionnant les expéditions en envois plus petits, plus difficiles à détecter et à intercepter, relate l'Olaf. Des modèles complexes de sociétés écrans établies dans de nombreuses juridictions, y compris en dehors de l'UE, permettent aux fraudeurs d'opérer librement dans le monde entier, ce qui rend la fraude plus difficile à combattre. » Ces nouvelles approches concernent des produits liés au Covid-19, ainsi que des importations de produits liés à la transition verte et à la gestion des déchets. « De la découverte de forêts invisibles à la lutte contre le trafic de déchets, l'Olaf s'engage pleinement à œuvrer pour la réussite de la transition verte en Europe », assure néanmoins l'office.

1. Télécharger le rapport 2021 de l'Olaf
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39868-olaf-rapport-2021.pdf

Réactions1 réaction à cet article

Il serait sain que le ministère français de l'agriculture, entre autre pour son entêtement à maintenir le pseudo label HVE vide de tout contenu environnemental mais conçu et destiné à détourner le consommateur de l'AB, soit lui aussi dans le collimateur de l'OLAF.

Pégase | 22 juin 2022 à 17h02 Signaler un contenu inapproprié

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