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Le Gouvernement prévoit de réformer l'Office national des forêts par ordonnance

Pour mettre l'ONF en phase avec l'environnement économique, l'exécutif veut faire plus de place aux agents de droit privé et modifier sa gouvernance. Au risque de faire sauter les garanties d'une gestion durable de la forêt.

Gouvernance  |    |  L. Radisson
Le Gouvernement prévoit de réformer l'Office national des forêts par ordonnance

Si le Gouvernement avait annoncé en juillet dernier sa volonté de conserver l'unité de gestion des forêts publiques par un opérateur unique, il n'avait pas renoncé pour autant à réformer l'Office national des forêts (ONF), fragilisé par des crises successives.

À l'occasion de la publication d'un rapport d'inspection portant sur l'avenir de l'établissement, il avait annoncé l'été dernier un plan de transformation sur cinq ans comprenant une meilleure adéquation des emplois aux missions, une réforme de la gouvernance, la filialisation des activités concurrentielles, de même qu'une redéfinition des relations entre l'établissement public, les communes et l'État.

Pour mener à bien cette réforme, que les syndicats dénoncent comme une forme de privatisation de l'établissement, l'exécutif a fait le choix de passer par des ordonnances, avec toutes les réserves que peuvent susciter ces textes en termes de démocratie. L'habilitation du Gouvernement à prendre ces textes est prévue à l'article 33 du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (1) (Asap) que les secrétaires d'État, Agnès Pannier-Runacher et Olivier Dussopt, ont présenté mercredi 5 février en Conseil des ministres.

« Y compris la constatation de certains infractions »

Cette habilitation, d'une durée de 18 mois qui sera valable à compter de la publication de la loi, porte en premier lieu sur l'élargissement des possibilités de recrutement d'agents contractuels de droit privé. Elle prévoit aussi de leur donner la compétence pour exercer l'ensemble des missions confiées à l'office, « y compris la constatation de certaines infractions ».

À la création de l'ONF en 1964, la disposition permettant d'accueillir des agents de la fonction publique se justifiait par la nécessité d'intégrer les agents de l'administration des Eaux et forêts, explique le Gouvernement dans l'étude d'impact (2) du projet de loi. « Cependant, il apparaît que ce statut n'est plus adapté aux évolutions de l'environnement économique et de l'activité de l'Office », explique-t-il, ajoutant que les salariés de droit privé représentaient, en 2018, la quasi-totalité des embauches et 43 % des agents.

Pour l'exécutif, la généralisation du recrutement d'agents sous statut de droit privé devrait donner à l'ONF « des marges de manœuvre et une plus grande capacité d'assurer de manière autonome » son équilibre économique et social. L'étude d'impact cite également « une politique de ressources humaines plus adaptable et plus réactive, en conformité avec l'environnement économique et social ». Cette réforme doit par ailleurs permettre de « répondre aux mutations des métiers et au déficit d'attractivité de certaines régions ».

Un statut salarié plus exposé aux pressions

Pour les syndicats des personnels (Snupfen Solidaires, CGT Forêt, Génération Forêt Unsa, SNTF-Unsa), cette montée en puissance du privé va empêcher de « protéger au quotidien et au niveau attendu le patrimoine forestier public car, pour faire appliquer la loi en toute impartialité, le statut de fonctionnaire est bien mieux adopté que celui de salarié (…) forcément plus exposé aux pressions qui peuvent s'exercer ». Aussi, les organisations syndicales pointent-elles « un recul sans précédent » qui risque, en outre, de créer « toutes les conditions requises pour privatiser à terme la gestion des forêts publiques ».

« S'agissant de la question spécifique des missions de police, nécessaires à la préservation des forêts publiques et à l'accomplissement des missions d'intérêt général, les mesures législatives permettront de clarifier la question du commissionnement et de l'assermentation des collègues salariés », assure le nouveau directeur général de l'ONF, Bertrand Munch, dans un courrier du 22 janvier adressé aux personnels et révélé par Reporterre.« Jusqu'à présent, notre République a limité l'attribution des pouvoirs de police à des fonctionnaires assermentés. Ce n'est pas pour rien ! », explique Philippe Canal du Snupfen Solidaires au quotidien de l'écologie. Des évolutions qui interrogent aussi au moment où le Gouvernement annonce vouloir élargir les possibilités de transaction pénale à travers l'outil de la « convention judiciaire d'intérêt public » inscrit dans le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée.

“ À la création de l'ONF en 1964, la disposition permettant d'accueillir des agents de la fonction publique se justifiait par la nécessité d'intégrer les agents de l'administration des Eaux et forêts. ”
« Oubliés tous les beaux discours présidentiels sur la forêt bien commun et l'urgence climatique ! », s'indignent les syndicats. « Nos forêts sont confrontées aux conséquences du changement climatique (…). L'ONF a un rôle central à jouer dans cette adaptation de la forêt », avait en effet déclaré la ministre de la Transition écologique à l'issue du troisième Conseil de défense écologique, en novembre dernier.

« Compétence particulière en finances, marketing et commercial »

La deuxième habilitation porte sur la modification du conseil d'administration afin de « faciliter la prise de décision au sein de l'Office et de la mettre en cohérence avec les missions et le modèle économique de celui-ci, ainsi que prévoir les conditions dans lesquelles le conseil d'administration peut créer un comité d'audit ». Une telle instance a « fait ses preuves pour professionnaliser la gouvernance financière d'un établissement », explique le Gouvernement dans l'étude d'impact. L'exécutif met également en avant les besoins d'association des parties prenantes aux activités de l'ONF qui pourra être mise en œuvre par le biais de commissions consultatives.

Ces dispositions font écho à certaines des conclusions de la mission d'inspection de juillet 2019. Parmi celles-ci, le Gouvernement a retenu les suivantes : resserrer le conseil d'administration autour d'un nombre plus réduit d'administrateurs, nommer parmi les personnes qualifiées des administrateurs indépendants ayant « une compétence particulière en finances, marketing et commercial et gestion forestière », veiller à ce que les comptes actuels donnent une image fidèle des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine de l'établissement. On notera que le Conseil d'État (3) a donné, le 30 janvier, un avis négatif sur ce point, estimant que l'exécutif n'était pas en mesure d'indiquer dans quel sens et sur quel point il envisageait de modifier la composition du conseil d'administration. Celui-ci est actuellement composé de quatre collèges : État, collectivités territoriales, personnels et personnalités qualifiées.

En tout état de cause, la motivation première qui ressort de l'étude d'impact du projet de loi est de restaurer les fondamentaux de la gestion de l'établissement. Un objectif louable mais qui ne doit pas conduire à une exploitation inadaptée de la forêt publique dans un contexte de dérèglement climatique et d'érosion massive de la biodiversité.

1. Télécharger le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-34940-pjl.pdf
2. Télécharger l'étude d'impact du projet de loi
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-34940-pjl-ei.pdf
3. Télécharger l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-34940-conseil-etat.pdf

Réactions3 réactions à cet article

Comme dit l'auteur "avec toutes les réserves que peuvent susciter ces textes en termes de démocratie"....
Le recours désormais régulier aux ordonnances (le projet de loi fourre tout dont il est ici question en prévoit ainsi de nombreuses) est un détournement manifeste du pouvoir législatif au profit du pouvoir réglementaire (il s'agit je le rappelle d'élaborer des textes ayant vocation à devenir des lois sans aucun débat parlementaire).
Si la procédure est fondée en cas d'urgence (sécurité, santé publique...) elle ne vise dans les autres cas qu'à court circuiter les élus du peuple!

adjtUAF | 07 février 2020 à 09h54 Signaler un contenu inapproprié

"pas conduire à une exploitation inadaptée de la forêt publique dans un contexte de dérèglement climatique et d'érosion massive de la biodiversité" : ce gouvernement (pas plus que les précédents du reste, le coup d'envoi du démembrement de l'ONF ayant été donné par le président Sarkozy) n'en a cure. Seule compte la sacro-sainte rentabilité financière immédiate. Et peu importe si un chêne ou un hêtre n'est mature qu'à 180-200 ans, les forestiers doivent coûte que coûte sortir chaque année davantage de cubage des forêts domaniales et ainsi renier les fondamentaux de leur métier.
Démarche gouvernementale comptable aussi stupide que cupide.

Pégase | 10 février 2020 à 09h53 Signaler un contenu inapproprié

Plus de marketing pour gérer les forêts ... on a compris, merci.
Quelle duplicité de l'exécutif, entre ses discours (dont celui d'hier) et ses initiatives en matière d'écologie.
Aberrant, aterrant.

Jack | 13 février 2020 à 16h42 Signaler un contenu inapproprié

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