Lorsque les villes s'étendent, l'eau constitue un ''véritable enjeu'', rappelle, ce 22 mars, l'ONU en cette Journée 2011 qui met en garde sur les ''pressions'' d'une urbanisation ''grandissante" sur les infrastructures et services d'eau et d'assainissement.
En l'espace de 20 ans, 60 % de la population mondiale ''vivra en ville'', souligne Ban Ki-Moon, secrétaire général de l'ONU. Ce pourcentage pourrait passer à 70 % en 2050 tandis que ''l'expansion urbaine aura lieu pour 95 % dans les pays en développement'', selon l'ONU.
Si l'urbanisation permet ''d'assurer une gestion plus rationnelle des ressources'' et de ''faciliter l'accès à l'eau potable'', elle amplifie aussi ''souvent les problèmes qui, à l'heure actuelle, dépassent de loin les moyens dont nous disposons pour trouver des solutions''.
1 citadin sur 4 sans service d'assainissement
D'autant qu'un citadin sur quatre n'a toujours pas accès à des infrastructures d'assainissement améliorées. Au cours de la décennie écoulée, le nombre de citadins n'ayant pas accès à l'eau du robinet chez eux, ou à proximité immédiate, a augmenté et est aujourd'hui estimé à 114 millions, tandis que le nombre de ceux qui n'ont pas accès à des services sanitaires de base est passé à 134 millions, selon les chiffres de l'ONU. Soit une hausse de 20% qui est ''préjudiciable sur la santé humaine'', prévient Ban, alors que 5 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à l'eau insalubre (choléra, diarrhée, hépatite, typhoïde..). Cette augmentation a aussi un impact sur ''la productivité économique'' dans les secteurs tels que l'agriculture et la sécurité alimentaire, l'environnement et l'énergie.
Or, "dans bon nombre de pays, l'Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) relatif à l'eau et à l'assainissement compte parmi ceux dont la réalisation est encore lointaine (d'ici 2015, ndlr)'', déplore Ban Ki-Moon. Au total, près de 884 millions de personnes n'ont toujours pas accès à une eau potable dans le monde tandis que 2,6 milliards d'individus vivent encore sans installations sanitaires. Si cette tendance se poursuit, ce chiffre passera à 2,7 milliards d'ici 2015…
Importantes disparités de prix de l'eau
Le secrétaire général de l'ONU a également dénoncé d'importantes disparités de prix de l'eau. Les plus vulnérables payant ''20% à 100%'' plus chers l'eau ''à des prestataires du secteur non structuré'' par rapport aux plus riches ''dont les logements ont l'eau courante''. ''C'est là une situation qui non seulement n'est pas viable, mais est également inacceptable'', a dénoncé Ban Ki-Moon. D'après l'ONG Action contre la Faim, à Karachi (Pakistan) l'eau serait plus chère qu'à Paris tandis que dans les bidonvilles de Nairobi (Kenya), l'eau coûterait 5 à 7 fois plus que dans les villes d'Amérique du nord.
Des disparités tarifaires tout comme les problèmes de gestion de l'eau urbaine sont également décriés dans les pays développés même si ces inégalités sont très loin d'être de la même ampleur que dans ceux en développement !
En France, ce mardi 22 mars, 60 millions de consommateurs et la fondation France Libertés lancent, pendant un an, une enquête collaborative visant justement à établir une ''cartographie complète'' du prix du service de l'eau. L'objectif de l'enquête est de ''faire progresser la transparence sur le prix et la qualité du service public de l'eau''. D'autant que les associations évoquent des disparités de prix allant de 1 à 7 selon les communes. Le tarif moyen du mètre cube d'eau est de 3 euros soit ''une hausse de 50% entre 1994 et 2009 (3,3% par an)'', indiquent-elles en citant les chiffres de l'Insee de janvier 2009. Le service de l'eau en France génère 4 milliards de m3 d'eau potable délivrés chaque année et une facture globale de 12 milliards d'euros, selon elles. La Cour des comptes a également recommandé le 17 février d'améliorer la transparence financière et le pilotage des services de l'eau et d'assainissement.
En Outre mer, la situation actuelle de l'assainissement en Polynésie française, qui regroupe 260.000 habitants, est également ''préoccupante, tant en termes de niveau d'équipement que de performance de ces équipements'', selon un rapport publié le 16 mars par l'Agence française de développement (AFD).
Un problème de gouvernance
Pour Ban Ki-Moon, la crise de l'eau qui touche les zones urbaines relève ''davantage des problèmes de gouvernance, de l'insuffisance des politiques et de la mauvaise gestion que des problèmes de pénurie''. L'ONU demande "instamment aux gouvernements de prendre conscience des véritables causes de la crise", à la veille de la conférence des Nations Unies de Rio sur le développement durable en 2012. Ban Ki-Moon a aussi souligné l'impact de ''l'industrialisation et les incertitudes'' causées par le changement climatique, les conflits et les catastrophes naturelles sur la gestion de l'eau en milieu urbain.