"Nous sommes face à un chantier d'intérêt national qui appelle une réponse rapide et efficace". C'est en ces termes que Frédérique Massat justifie la proposition de loi facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public. La députée SRC de l'Ariège, chargée du rapport parlementaire (1) relatif à la proposition de loi, juge que "la nécessité d'accélérer le déploiement des bornes [est] incompatible avec le calendrier du projet de loi sur la transition énergétique", annonçant "une adoption définitive [du projet] en 2015". Pour l'élue, membre de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, "l'examen d'un texte court et ciblé [s'impose], de façon à envisager une adoption au cours de l'année 2014".
La proposition de loi est reçue favorablement par le gouvernement, Arnaud Montebourg, ministre de l'Economie, ayant indiqué à la commission parlementaire "[soutenir] cette proposition de loi et en [assumer] l'impact sur les finances publiques".
Une filière qui peine à démarrer
Même si les ventes restent anecdotiques, les constructeurs français de véhicules électriques tirent bien leur épingle du jeu : en France, ils captent 80% des parts de marché des voitures électriques pour les particuliers, contre 53% pour le total des véhicules particuliers.
D'autre part, le secteur des transports représente 32% de la consommation finale d'énergie et 70% de la consommation de pétrole, ce qui en fait un secteur clé puisque le Président de la République a fait de la réduction de la dépendance française aux énergies fossiles un objectif prioritaire en matière de transition énergétique.
Si ces éléments plaident en faveur des véhicules électriques, les ventes restent faibles et seulement 25.000 voitures circulaient en 2013. "ERDF a ainsi été amené à réviser son scénario de pénétration fortement à la baisse", explique la députée, précisant que le gestionnaire du réseau électrique de distribution n'anticipe plus que 450.000 à 800.000 véhicules électriques en circulation en 2020, contre 1,9 million précédemment.
Rassurer l'automobiliste
"La peur de la panne". Telle est la raison, avec le prix des véhicules, qui explique ce que la parlementaire appelle le "retard à l'allumage" de la filière électrique. Pourtant, "les besoins [en bornes de recharge publique] sont faibles", juge la députée, puisqu'en Europe, 87% des trajets sont inférieurs à 60 km quand l'autonomie des véhicules électriques est de 120 km. "Il est donc probable que les infrastructures de recharge installées sur le domaine public seront peu utilisées car les propriétaires de véhicules utiliseront en priorité la prise équipant leur domicile", analyse-t-elle.
En revanche, "le facteur psychologique est décisif", ce qui plaide en faveur de l'installation de bornes de recharges accélérées ou rapides pour "[rassurer] le conducteur". Le déploiement d'un réseau national couvrant le territoire doit donc précéder les ventes de véhicules électriques pour convaincre des acquéreurs potentiels hésitants de faire le premier pas.
Fin 2013, la France comptait 5.600 bornes installées sur la voirie et 25.000 bornes de recharge installées par des acteurs privés, dont 12.000 destinées aux flottes d'entreprise, 8.000 par des particuliers, 4.000 dans les parkings et 1.000 dans les centres commerciaux. En 2015, le nombre de bornes installées par les collectivités devrait atteindre 14.000.
Quel rôle pour le futur opérateur national ?
La proposition de loi octroie à l'Etat une compétence pour déployer un réseau de recharge national.
Pour exercer cette nouvelle compétence, l'Etat souhaite voir apparaître un ou plusieurs opérateurs nationaux, dont il détiendra une part du capital, directement ou par le biais d'une entité publique (CDC ou Ademe, par exemple). Il ne s'agit pas de déterminer le titulaire d'un marché public, mais de favoriser le lancement d'initiatives privées, insiste la rapporteure.
Les collectivités territoriales, qui ont exprimé quelques inquiétudes face à ce texte, devraient conserver la compétence en matière d'installation des bornes dont elle dispose aujourd'hui, assurent les promoteurs de la proposition de loi. L'Etat ne pourra intervenir que "lorsque cette implantation s'inscrit dans un projet de dimension nationale", cette dimension s'appréciant au regard du nombre de bornes et de leur répartition sur le territoire. De plus, l'implantation des bornes devrait se faire en concertation entre les collectivités et l'opérateur représentant l'Etat.
La proposition de loi vise principalement à permettre un développement du réseau de recharge dans trois directions. Il s'agit tout d'abord de corriger le déséquilibre entre les régions. En effet, quand l'Ile-de-France, le Nord-Pas-de-Calais et la région Poitou-Charentes devraient compter respectivement 6.460, 3.130 et 2.710 bornes installées à l'initiative des collectivités locales, la Franche-Comté, la Bourgogne et la région Champagne-Ardenne ne devraient en compter que 80, 50 et 30.
Autre objectif, favoriser le déploiement des bornes de recharge rapides (30 minutes pour la charge complète). "En raison des modalités de subventionnement mises en place par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les collectivités territoriales mettent en avant les bornes de recharge normale [8 heures pour une charge complète] ou accélérée [5 minutes pour 10 km ou 1 heure pour la charge complète]", déplore l'élue.
Enfin, l'objectif est d'équiper certaines autoroutes ou routes nationales en infrastructures de recharge afin de relier les réseaux locaux entre eux.
En conséquence, la députée juge nécessaire le déploiement d'"un réseau « essentiel » couvrant l'ensemble du territoire, destiné à compléter les initiatives des collectivités et des acteurs privés, [qui] pourrait représenter environ 4.500 bornes rapides ou accélérées, pour un coût de 200 millions d'euros".