Ce sont deux textes censés améliorer la lutte contre la pollution par les navires. Le Gouvernement a publié ce 10 mars deux ordonnances, prises dans le cadre d'une habilitation contenue dans la loi d'orientation des mobilités (LOM), en vue d'améliorer la répression des rejets polluants des navires et d'améliorer le traitement des épaves.
Mais tant leur champ d'application que le montant des sanctions, qui s'alignent sur les barèmes déjà existants dans le code de l'environnement, relativisent cette avancée.
Mieux réprimer les rejets polluants
La première ordonnance introduit de nouvelles sanctions dans le code de l'environnement afin de réprimer les manquements au recueil international sur la navigation polaire. Les capitaines pourront être sanctionnés à raison des rejets d'hydrocarbures ou de substances liquides nocives. Les peines d'amende encourues ne dépassent toutefois pas 50 000 euros. « Ces sanctions sont majorées pour les rejets commis par des navires citernes en raison du caractère potentiellement plus polluant de leur cargaison », a toutefois expliqué la ministre de la Mer, Annick Girardin, en Conseil des ministres. Le quorum des peines n'est effectivement pas du même ordre dans ce cas : elles peuvent alors atteindre dix ans d'emprisonnement et 15 millions d'euros d'amende. Dans le cas de rejet d'eaux usées ou d'ordures, la peine maximale reste en revanche de 200 000 euros et d'un an d'emprisonnement.
D'après l'étude d'impact du projet de loi d'orientation des mobilités, le recueil sur la navigation polaire a toutefois une portée limitée. Il concerne « possiblement cinq paquebots et une dizaine de navires de pêche industrielles, en Atlantique nord et dans les eaux australes ». Géographiquement, il n'a vocation à s'appliquer que dans la zone de l'Antarctique et dans les eaux arctiques.
L'ordonnance prévoit également un régime de sanctions en cas de manquements aux obligations de surveillance et de déclaration des émissions de dioxyde de carbone des navires en application du règlement européen du 29 avril 2015. « Les compagnies ne surveillant pas ou ne déclarant par les émissions de CO2 de leur navire pendant les périodes définies par le règlement pourront faire l'objet d'une peine d'amende de 15 000 euros », explique la ministre. Les navires étrangers ne se conformant pas à leurs obligations de surveillance et de déclaration pendant au moins deux périodes de déclaration consécutives pourront, quant à eux, faire l'objet d'une mesure d'expulsion.
Le règlement concerne « 118 navires de plus de 5 000 UMS (unités de mesure universelle) », expliquait l'exposé des motifs du projet de loi. « Le nombre d'infractions envisageables reste cependant limité », ajoutait-il. Et de citer des statistiques plutôt rassurantes pour les contrevenants : entre 2006 et 2016, 96 navires seulement ont été verbalisés dans les eaux françaises pour rejets dans le milieu marin. Le dernier bilan de surveillance des pollutions en mer ne fait état que de six affaires jugées sur l'année 2019 : quatre en première instance, une en appel et une en cassation. Les peines en première instance s'échelonnaient entre 500 et 80 000 euros.
Appliquer la convention de Nairobi sur les épaves
La deuxième ordonnance vise à appliquer la convention de Nairobi sur l'enlèvement des épaves. Cette convention est entrée en vigueur le 4 mai 2016 pour la France. « Elle est en grande partie d'application directe mais certaines adaptations devaient néanmoins être introduites en droit français », a expliqué Annick Girardin.
« Cette ordonnance complète les outils juridiques à disposition de l'État et lui permet d'être mieux armé pour mettre fin aux dangers représentés par une cargaison tombée en mer, un navire en difficulté, y compris lorsqu'il est réduit à l'état d'épave, et même au-delà de la mer territoriale », décrypte la ministre.
Enfin, l'ordonnance restreint aux eaux territoriales le champ d'application du régime national des épaves afin d'éviter que ce régime ne se superpose, en zone économique exclusive (ZEE), à celui issu de la convention.
Il reste à voir si ce dispositif permettra d'améliorer le traitement des épaves. « Le nombre d'épaves inventoriées dans les eaux françaises est très important, plusieurs centaines, mais leur caractère est plutôt historique et, sauf exception, les épaves anciennes n'ont pas vocation à faire l'objet d'une intervention », expliquait l'étude d'impact du projet de loi d'habilitation.
« Les naufrages ou échouements présentant un danger pour la navigation ou pour l'environnement résultent essentiellement d'évènements contemporains, dont la fréquence est aléatoire sans être négligeable », expliquaient les services du ministère de la Transition écologique. « Les coûts d'enlèvement d'une épave peuvent être élevés », ajoutaient-ils de façon laconique.
Effectivement, le traitement de l'épave du Costa Concordia en Italie a coûté plus d'un milliard d'euros. Un chiffre sans commune mesure avec le montant des amendes.