Lors de l'ouverture de l'examen du projet de loi en commission spéciale, mi septembre, un rapport dédié à la situation spécifique des territoires ultramarins a été présenté. Il plaidait pour l'adaptation du droit de l'énergie aux zones non interconnectées. L'objectif : lever les freins à la transition énergétique en Outre-mer. Car malgré les ambitions longtemps affichées pour faire de ces territoires des laboratoires énergétiques, ceux-ci sont restés confrontés à de réels obstacles. Sur la base des préconisations de ce rapport, les débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi sur la transition énergétique ont permis d'enrichir les dispositions relatives aux Outre-mer.
"Pour une fois les objectifs fixés sont clairs, on tient compte des contraintes et des enjeux, on fixe des perspectives", s'est félicité lors de la dernière nuit de débat Victorin Lurel, député de Guadeloupe et ministre des Outre-mer du gouvernement Ayrault.
Dans ces territoires, "il y a tout pour réussir la transition énergétique. Je veux qu'ils rattrapent leur retard, ça peut aller très vite. Je vais personnellement m'en occuper", a déclaré Ségolène Royal, lors de l'adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale. Elle a rappelé que, dans ces territoires "où un jeune sur deux est au chômage", le développement de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables constituaient un "véritable potentiel d'emplois".
Des programmations énergétiques spécifiques
Le projet de loi prévoit tout d'abord que la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon aient chacun une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) distincte.
Hormis en Corse, ces PPE constitueront le volet énergie des schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE), afin d'éviter une multiplication des documents de planification. Dans le même esprit, les Prerure, ancêtres des SRCAE dans les Outre-mer, sont abrogés. Les PPE sont co-construites par les collectivités et l'Etat, puis fixées par décret, après consultation du public.
Elles doivent contenir des informations relatives à la sécurité d'approvisionnement en carburants et à la baisse de la consommation d'énergie primaire fossile dans le secteur des transports, à la sécurité d'approvisionnement en électricité, à l'amélioration de l'efficacité énergétique et à la baisse de la consommation d'électricité, au soutien aux énergies renouvelables (avec un plan de développement de la biomasse), aux enjeux de développement des filières industrielles…
Les PPE doivent également fixer des échéances et des objectifs pour le développement du parc public et privé de véhicules propres et des dispositifs de recharge nécessaires, afin de s'assurer que ce nouvel usage soit développé lorsque la production d'électricité sera décarbonée. Pour rappel, dans ces territoires, l'électricité est produite majoritairement à partir d'énergies fossiles.
Plus de transparence pour une meilleure gouvernance
Parmi les adaptations du droit de l'énergie très attendues, a été adoptée la suppression du seuil de déconnexion des énergies renouvelables. En France, on considère que le réseau d'électricité ne peut recevoir plus de 30% d'énergies renouvelables sans compromettre la sécurité électrique. Au-delà de ces seuils, les EnR sont déconnectées du réseau. Or, ces seuils sont arbitraires pour les territoires ultramarins, soulignait le rapport d'information. Ses auteurs ont obtenu gain de cause puisque désormais, chaque territoire ultramarin pourra fixer, dans sa PPE, un seuil de déconnexion prenant en compte les caractéristiques de son réseau électrique. Pour cela, le gestionnaire du réseau aura obligation, à partir du 1er janvier 2016, de fournir des informations sur le mix électrique instantané et les coûts de production, comme le fait déjà RTE en métropole.
- Le gouvernement devra, d'ici fin 2015, présenter un rapport "indiquant quelles mesures spécifiques d'accompagnement il entend développer en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, afin de permettre à ces trois collectivités territoriales d'appliquer les principaux dispositifs de la présente loi". Il devra notamment étudier l'élargissement de la CSPE à ces territoires.
Ces collectivités seront également davantage associées à la définition des modalités des appels d'offres. De même, lorsque le développement d'une filière de production sera inférieur aux objectifs fixés dans les PPE, elles pourront demander l'organisation d'un appel d'offres pour cette filière.
Enfin, afin de permettre à la Guadeloupe et la Martinique d'exercer dans les meilleures conditions leur habilitation législative en matière d'énergie (énergies renouvelables, maîtrise de l'énergie, réglementation thermique), le projet de loi prévoit désormais que "l'Etat et le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité apportent leur concours en mettant à disposition les informations dont ils disposent". En contrepartie, ces régions ultramarines devront transmettre une étude sur l'impact des mesures législatives qu'elles souhaitent prendre sur les charges pour le service public de l'électricité (CSPE). Pour rappel, cette habilitation constitutionnelle permet à ces collectivités de corriger les inadaptations de la réglementation nationale et de créer un cadre plus adapté au contexte local.