Améliorer l'incitation économique des exploitants agricoles à adopter des mesures agro-environnementales (MAE) efficaces tout en respectant les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et celles de la politique agricole commune (PAC). Telle est la volonté du Centre d'échanges et de prospective du ministère de l'Agriculture qui a commandé à la société de conseil en environnement et développement Oréade-Brèche une étude sur cette question. Etude que le ministère a rendu publique le 6 octobre dernier.
Ses auteurs proposent plusieurs pistes permettant "d'améliorer l'adhésion des agriculteurs aux MAE de manière efficiente". C'est-à-dire "d'atteindre des résultats environnementaux voulus à un coût budgétaire optimisé". Il faut dire que les résultats des MAE se révèlent mitigés, à la fois en termes de nombres d'agriculteurs volontaires et d'efficacité environnementale. Ces deux dimensions sont toutefois liées : l'efficacité "est fortement conditionnée par l'ampleur de l'adoption de ces mesures par les agriculteurs à l'échelle géographique pertinente pour l'enjeu environnemental ciblé", soulignent les auteurs, du fait d'effets de seuil et de continuité du service écosystémique. D'où la volonté des pouvoirs publics d'améliorer le taux de contractualisation des agriculteurs à l'échelle géographique pertinente.
Améliorer le caractère incitatif du dispositif
L'une des conditions principales pour améliorer cette adhésion est que le paiement proposé soit "suffisamment incitatif au regard des engagements demandés aux agriculteurs et proportionnel au service environnemental rendu". La raison la plus fréquemment avancée pour expliquer le manque d'attrait des MAE est en effet l'insuffisance des paiements.
L'étude propose des approches alternatives à "l'approche guichet" utilisée aujourd'hui, qui consiste en des paiements fixes auxquels les agriculteurs accèdent s'ils respectent un certain nombre de critères. L'une de ces approches alternatives est le travail sur des données technico-économiques tenant compte de la variabilité des situations des exploitations. Une autre est celle des enchères combinant des indices techniques et financiers, bien qu'un test non concluant ait été mené par l'agence de l'eau Artois-Picardie en vue d'améliorer la qualité de l'eau. Enfin, une troisième approche "peu coûteuse et efficace" est la négociation de gré à gré.
Afin d'améliorer l'incitation, le rapport préconise aussi de soutenir par des politiques d'accompagnement les investissements rendus nécessaires par un changement important des pratiques (type abandon de la monoculture ou non-exploitation de zones humides). Il propose également de travailler sur les freins plutôt que de mettre en place un dispositif tenant compte simplement des pertes de recettes. Pour cela, il suggère de mobiliser les programmes de développement rural (PDR). "C'est alors l'articulation entre ces mesures et une éventuelle MAE qui est essentielle pour atteindre le résultat voulu", estiment les auteurs.
Ceux-ci distinguent, d'une part, les mesures nécessairement pérennes qui devraient bénéficier d'un financement illimité dans le temps par les principaux bénéficiaires que sont les collectivités territoriales et l'Etat. Et, d'autre part, les mesures accompagnant la transition vers un nouveau système amené à devenir rentable, qui doivent être financées durant la période contractuelle de 5 ou 7 ans. Au titre des premières, les auteurs citent l'exemple de la fauche sur des terrains de montagne en suggérant une rémunération des agriculteurs par la collectivité, correspondant au risque évité en matière d'avalanche.
Agir sur les facteurs non monétaires
Autre piste proposée par les auteurs ? Travailler sur les facteurs non monétaires qui freinent l'adoption des MAE. "Activer uniquement des leviers relevant de la réglementation ou de l'incitation économique est souvent insuffisant" à engendrer le changement des pratiques agricoles, relève l'étude.
C'est pourquoi les auteurs préconisent d'accompagner les agriculteurs dans le processus de contractualisation puis de mise en œuvre des mesures agro-environnementales. Il s'agit aussi de les impliquer dans le suivi des effets environnementaux recherchés. "Le développement des capteurs pour l'agriculture et des chaînes de traitement de données propres à l'écologie à haut débit sont des opportunités à saisir", illustre le rapport. Enfin, ce dernier suggère de s'appuyer davantage sur l'action collective et les approches "systémiques".
Reste à voir ce que le ministre de l'Agriculture retiendra de ces propositions et des méthodes d'évaluation économique suggérées, qui n'engagent pour l'heure que les auteurs de l'étude.