L'association de collectivités Amorce organisait le 14 février à Paris ses sixièmes rencontres avec les éco-organismes. Parmi les filières de produits faisant l'objet d'une "responsabilité élargie des producteurs" (REP) figure celle des papiers graphiques, dont le nouveau barème suscite de nombreuses critiques des collectivités. Le même jour, l'éco-organisme Ecofolio en charge de cette filière rendait publique une étude montrant que la France avait le coût de collecte et de tri des papiers le plus important d'Europe.
Coûts de gestion les plus élevés d'Europe
Selon l'étude réalisée par le cabinet Bio Intelligence Service à la demande d'Ecofolio, le coût de gestion des papiers graphiques est de 3,45 euros par habitant et par an, alors qu'il est situé dans une fourchette allant de 0,35 à 1,84 euro dans le reste de l'Europe.
Les écarts de coût entre les différents schémas de collecte et de tri en France sont très divers : environ 100 €/t pour une collecte en apport volontaire et en flux dédié, 200 €/t pour une collecte en porte-à-porte et 500 €/t pour une collecte en flux mélangé avec les emballages.
Qu'est-ce qui explique que les coûts soient si élevés en France ? "Le modèle français est onéreux parce qu'il a privilégié un haut niveau de service à l'habitant mais aussi parce que les schémas de collecte et de tri privilégient le mélange des papiers et des emballages", analyse Géraldine Poivert, directrice générale d'Ecofolio, qui estime "urgent" d'améliorer ces schémas "dans une logique d'économie circulaire".
"Plus vous mélangez à la source, plus vous ajoutez ensuite des opérations industrielles de tri qui sont coûteuses, et plus les matières collectées sont abîmées et engendrent donc des recettes moindres en bout de chaîne", explique la directrice de l'éco-organisme, taclant au passage Eco-Emballages et ses préconisations de collecte bi-flux.
Le coût plus élevé n'engendre même pas de meilleures performances de recyclage : seuls 47% des papiers sont recyclés en France, contre 75% en Allemagne.
Besoins de financement importants
Qui dit "coûts de gestion élevés" dit "besoins de financement importants". C'est le rôle d'Ecofolio de prélever les contributions des metteurs sur le marché de papiers et de les redistribuer sous forme d'aides aux collectivités chargées de la collecte et du tri.
L'éco-contribution a augmenté de +23% cette année, passant de 39 à 48 €/tonne mise sur le marché. Mais le secteur du papier est en crise. La consommation de papier baisse et va continuer à baisser. "Il est difficile de bâtir une REP sur un secteur en crise", résume Géraldine Poivert. D'autant que seuls 51% des émetteurs de papiers sont assujettis à l'éco-contribution, 34% étant exonérés et 15% y échappant pour des raisons diverses.
Malgré la hausse de l'éco-contribution en amont, les collectivités territoriales se disent très déçues par le nouveau barème de soutien qui accompagne le réagrément d'Ecofolio pour la période 2013-2016. Le taux de prise en charge de la filière va passer de 15 à 20% des coûts. "Mais le coût reste majoritairement à la charge des contribuables et 17% des collectivités vont connaître une baisse des soutiens", s'indigne Nicolas Garnier d'Amorce, qui rappelle que l'association escomptait un taux de prise en charge de 50%. Au final, la majorité du financement de la REP repose sur la fiscalité locale, ce qu'il juge "incohérent".
Un soutien privilégiant le recyclage
Si elle dit "entendre la déception des collectivités", la directrice d'Ecofolio met toutefois en avant les avantages du nouveau barème : une progression de 20% des sommes allouées à la filière, un soutien privilégiant le recyclage (+23%), un élargissement des soutiens à de nouvelles qualités de papiers triés, une dotation spécifique de 5 M€ minimum destinée aux collectivités ne bénéficiant pas pleinement du nouveau barème et une incitation renforcée à la mise à jour des consignes de tri. La priorité est effectivement donnée aux collectivités qui recyclent "C'est un signal de long terme envoyé aux collectivités", enchérit Baptiste Legay du ministère de l'Ecologie.
"Tous les papiers se trient et se recyclent, pas seulement les journaux et les magazines", rappelle Géraldine Poivert. "Pourtant, l'ancienne consigne prévaut encore sur le territoire", déplore-t-elle. L'éco-organisme met également en avant les mesures d'accompagnement techniques qu'il propose : un diagnostic papier et des centres de ressources thématiques à la disposition des collectivités. Il suggère par ailleurs à ces dernières d'intégrer les papiers de bureaux dans leur gestion des déchets, gisement qui présenterait de nombreux atouts. Mais, pour cela, "il ne faut pas mélanger les papiers de bureaux avec les emballages", insiste la directrice d'Ecofolio.
Une aide au recyclage est également apportée via le système de bonus-malus instauré dans le barème de l'éco-contribution dès 2014 : -10% lorsque le metteur sur le marché utilise des fibres recyclées, + 5% lorsque la fibre est non tracée ou en cas de présence d'éléments perturbateurs du recyclage.
Ces mesures permettront-elles d'atteindre le taux fixé par l'Etat de 60% de recyclage en 2018 ? Rien n'est moins sûr tant que le prix des matières premières secondaires issues du recyclage restera prohibitif. "Le vieux papier doit être plus compétitif que la pâte vierge brésilienne, ce qui n'était pas le cas ces trois dernières années", admet Géraldine Poivert. Pourtant, d'autres pays européens y parviennent… sans éco-organisme. Mais ils réussissent à couvrir des coûts de collecte et de tri largement plus faibles par les recettes tirées de la revente de la pâte recyclée.