La Commission européenne a présenté mercredi 2 décembre le nouveau paquet économie circulaire. Un ensemble de mesures qui visent à "opérer la transition vers une économie plus forte et plus circulaire, dans laquelle les ressources sont utilisées de manière plus durable".
Absence d'objectif sur l'incinération
Le nouveau paquet comprend à la fois des propositions de révision de la législation sur les déchets et un plan d'action fixant le programme de la Commission durant son mandat (2014-2019). La révision de la législation se traduit par quatre propositions de directives portant, respectivement, sur les déchets, les déchets d'emballages, la mise en décharge, et les déchets électriques et électroniques (DEEE).
En matière de recyclage, la Commission fixe à travers ces textes un objectif commun pour l'UE de recycler 65% des déchets municipaux et 75% des déchets d'emballages d'ici 2030. Elle annonce aussi l'adoption de définitions simplifiées et de méthodes de calcul harmonisées des taux de recyclage dans l'ensemble de l'Union. De même que des mesures concrètes pour promouvoir le réemploi et soutenir la transformation des sous-produits d'un secteur en matières premières pour un autre secteur.
Dans un communiqué intitulé "Où est l'ambition pour l'Europe ?", Les Amis de la Terre et Zero Waste France dénoncent la révision à la baisse de ces objectifs : "le taux de recyclage est ainsi ramené à 65% pour 2030 contre 70% pour 2025 dans le précédent paquet", déplorent les ONG.
La Commission annonce par ailleurs un objectif contraignant visant à réduire la mise en décharge à 10% maximum de l'ensemble des déchets, une interdiction de mise en décharge des déchets collectés séparément, ainsi que la promotion d'instruments économiques visant à décourager la mise en décharge. L'objectif de limitation de la mise en décharge était fixé à 5% précédemment, pointent là aussi les ONG.
Ces dernières dénoncent également l'absence d'objectif relatif à l'incinération "laissant ainsi la porte ouverte au développement déraisonné de la fausse solution que constitue la « valorisation énergétique »". Autre "reculade" mise en lumière par Les Amis de la Terre et Zero Waste : "le texte appelle à un généralisation de la collecte séparée des biodéchets de manière moins contraignante que dans la version précédente". Ces dernières saluent toutefois la date d'entrée en vigueur de cette obligation, prévue dès la transposition de la directive alors que le paquet précédent prévoyait sa mise en œuvre en 2025 seulement.
L'éco-conception laissée de côté ?
La Commission souhaite pourtant aller plus loin que la seule question des déchets. C'est l'ambition de son plan d'action pour l'économie circulaire. "Notre planète et notre économie ne survivront pas si nous nous en tenons à la logique du « prendre, fabriquer, utiliser et jeter » (…). L'économie circulaire vise la réduction des déchets et la protection de l'environnement, mais il s'agit également d'une transformation en profondeur du fonctionnement de notre économie", déclare Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, chargé du développement durable. L'exécutif européen ambitionne en effet de créer de nombreux emplois et, dans le même temps, de préserver les ressources, réduire l'incidence de leur utilisation et redonner de la valeur aux déchets.
Bruxelles annonce, pêle-mêle, des mesures pour réduire le gaspillage alimentaire, une révision du règlement relatif aux engrais, une stratégie sur les matières plastiques dans l'économie circulaire, sur les déchets marins, ainsi qu'une série d'actions en matière de réutilisation de l'eau. Le plan prévoit également l'élaboration de normes de qualité applicables aux matières premières secondaires afin de "renforcer la confiance des opérateurs au sein du marché unique".
La Commission met aussi en avant les mesures prévues dans le plan de travail sur l'éco-conception pour la période 2015-2017, afin de promouvoir "la durabilité, la réparabilité et la recyclabilité des produits, en plus de l'efficacité énergétique", de même que "des mesures économiques destinées aux producteurs pour les inciter à mettre sur le marché des produits plus écologiques (…)", citant les emballages, les piles, les équipements électriques et électroniques ou encore les véhicules.
Pourtant, là aussi, Zero Waste dénonce les promesses déçues : "Son absence avait servi d'alibi au retrait du précédent paquet laissant espérer l'adoption d'objectifs concrets. Or, l'éco-conception ne fait l'objet que d'un plan d'action confus dont on doute qu'il permette réellement d'allonger la durée de vie des produits", déplore Delphine Lévi Alvares, responsable du plaidoyer au sein de l'ONG.
Pour Maeva Morin des Amis de la Terre, c'est sur la question des ressources naturelles que la déception est la plus grande : "Alors qu'elle aurait du être centrale, la question des ressources est la grande absente de ce nouveau Paquet", déplore la représentante de l'ONG, qui réclame, si l'on veut réduire notre consommation de ressources naturelles, de la mesurer via quatre indicateurs : eau, terre, carbone et matières premières.
Les eurodéputés sceptiques
Les critiques ne viennent toutefois pas que des associations. Le Parlement européen a accueilli avec prudence les nouvelles propositions de la Commission, jugeant trop modestes les objectifs en matière de recyclage, de réduction du gaspillage alimentaire et de mise en décharge.
Et de rappeler les exigences qu'il avait formulées dans sa résolution de juillet dernier : "des limites strictes à l'incinération des déchets recyclables et biodégradables d'ici 2020, la mise en œuvre progressive d'ici 2030 d'une interdiction de mise en décharge, et l'augmentation des objectifs de recyclage et de préparation en vue du réemploi à au moins 70% des déchets solides municipaux et 80% des déchets d'emballages d'ici 2030".
De quoi alimenter les discussions entre les différentes institutions de l'UE amenées maintenant à se prononcer sur les propositions de directives avancées par la Commission.