Trop ambitieux : Si la commission des affaires européennes du Sénat salue l'"indéniable avancée en faveur de l'économie circulaire" que réalisent les propositions de modification de la législation sur les déchets de la Commission européenne, elle estime en revanche que certains des objectifs affichés sont en décalage avec la réalité du terrain, dans une proposition de résolution européenne .
Adoptée à l'unanimité, le 4 novembre 2014, celle-ci considère notamment que l'objectif d'interdiction de mise en décharge des déchets municipaux à l'horizon 2030 est techniquement impossible à atteindre. Elle argumente son propos à travers l'exemple de l'Allemagne, un des pays cités pour avoir éliminer la mise en décharge des déchets municipaux, dont la réalité s'avère en réalité statistique : ces derniers après un prétraitement sont classés dans la catégorie des déchets industriels.
Par ailleurs, pour la Commission des affaires européennes, les déchets liés à l'assainissement collectif et les déchets de service de collecte municipale devraient être intégrés à la définition des déchets municipaux.
Elle pointe également l'absence de filières de recyclage adaptées. En France, par exemple, les 250 centres de recyclage des matières plastiques ne peuvent pas prendre en charge les barquettes et les films plastiques. Le document rappelle également que les investissements européens (via les Fonds structurels ou la Banque européenne d'investissement) visent la création de décharge ou d'incinérateurs. "Il convient de mettre en place des financements adaptés qui ne passent pas uniquement par les fonds structurels, [notamment en faveur de la filière industrielle du tri et recyclage]" notent les rapporteurs de la proposition de résolution, Michel Delebarre (Soc – Nord) et Claude Kern (UDI-UC – Bas-Rhin).
Un soutien aux filières de valorisation énergétique des déchets ?
En conséquence, la commission des affaires européennes propose que des objectifs différenciés selon les Etats membres soient instaurés. Pour elle, une des solutions passe également par un soutien aux filières de valorisation énergétique des déchets dont les rendements dépassent 60%, pour qu'ils atteignent 70% d'ici 2030.
L'élimination de la mise en décharge implique également que les Etats membres prévoient une collecte séparée pour les biodéchets. "Le projet de la Commission européenne n'est pas sans incidence, pour les collectivités territoriales, soulignent les rapporteurs, la collecte séparée des biodéchets et leur valorisation représenteraient en France un coût d'environ 400 euros par tonne pour les collectivités territoriales".
Ils regrettent également la mise de coté de facto par la Commission européenne de l'utilisation du traitement mécano-biologique (TMB). "Ce faisant, la Commission européenne ne prend pas en compte les réalités du terrain, tant en milieu urbain où une collecte séparée est délicate à mettre en œuvre qu'en milieu rural où il existe déjà une filière de récupération des déchets végétaux", estiment les deux rapporteurs.
Le projet de loi sur la transition énergétique en France s'est également positionné pour éviter le déploiement de nouvelles unités de TMB.
Une taxe sur les produits non recyclables
La commission des affaires européennes du Sénat propose pour inciter les producteurs ou importateurs de biens à choisir des produits écoresponsables, la mise en place d'une taxe sur les produits non recyclables vendus sur le marché européen. Elle souhaiterait également la mise en place d'un objectif d'incorporation de 50% de matières recyclées dans tous les biens mis sur le marché.
"La proposition de directive met en place un mécanisme d'alerte précoce en cas de manquement d'un État, Il est indispensable qu'il demeure un simple système d'alerte et n'autorise pas la Commission européenne à obliger certains États membres à adopter des dispositions, fiscales notamment", estiment toutefois les rapporteurs.
Ils appellent également à la réévaluation des objectifs de la proposition de directive, cinq ans après l'entrée en vigueur de celle-ci et l'harmonisation de ses méthodes de calcul.
La commission des affaires européenne a adressé au gouvernement sa proposition de résolution européenne pour tenter de peser sur les négociations au Conseil.
Ce texte a également été envoyé à la commission du développement durable du Sénat (qui dispose d'un délai d'un mois pour s'en saisir) et sous forme d'avis politique à la Commission européenne.