
Avocat au barreau de Paris - Fondateur du Cabinet Enckell Avocats
Actu-Environnement.com : Est-il fréquent qu'une juridiction ordonne la démolition d'éoliennes ?
Carl Enckell : C'est très rare. A ma connaissance, le seul précédent est une démolition ordonnée par le même tribunal dans la commune de Névian (Aude). En réalité, seuls les permis de construire délivrés avant la loi portant engagement national pour le logement (ENL) de juillet 2006 peuvent faire l'objet d'une remise en cause à tout moment.
AE : Pourquoi les plaignants n'ont-ils pas attaqué à l'origine le permis de construire ?
CE : Avant 2004, la construction de parcs éoliens ne nécessitait ni étude d'impact ni enquête publique. La concertation était donc très réduite et on peut envisager que les riverains n'aient pas été informés de la construction.
AE : La décision du tribunal sera-t-elle suivie d'effet ?
CE : L'opérateur a fait appel du jugement et l'appel est suspensif. Aucune démolition ne pourra donc être effective avant la décision de la cour d'appel qui pourrait intervenir d'ici six à douze mois.
AE : Une transaction est-elle envisageable ?
CE : Elle est possible mais, pour l'intérêt du droit, il vaudrait mieux que l'affaire aille en appel. A défaut, cela crée des précédents comme dans l'affaire de Névian où l'on n'a retenu que la décision du TGI ordonnant la démolition.
AE : Qu'est-ce qui a changé avec la loi ENL ?
CE : Il est nécessaire d'obtenir l'annulation préalable du permis de construire devant la juridiction administrative et d'attendre que la décision soit devenue définitive. C'est-à-dire attendre le cas échéant la décision de la cour administrative d'appel. Ensuite, le riverain dispose de deux ans pour demander la démolition au juge judiciaire.
AE : L'annulation du permis de construire par le juge administratif pour une simple faute de procédure permet-elle d'obtenir la démolition d'un parc éolien ?
Non, il faut que la méconnaissance d'une règle d'urbanisme ait été retenue ou qu'il ait été établi, dans le cas particulier des travaux non conformes au permis de construire, qu'ils ne soient pas régularisables. Le parcours est donc très balisé et les risques de démolition extrêmement réduits. On peut même dire que ces risques sont inexistants en ce qui concerne les parcs éoliens réalisés conformément à des permis de construire octroyés depuis le 16 juillet 2006, si les formalités d'affichage ont été complètes et qu'ils sont purgés du recours des tiers.
AE : Le projet de permis unique discuté actuellement au Parlement peut-il encore changer la donne en la matière ?
CE : Oui, dans la mesure où le permis unique serait construit autour de la procédure d'autorisation ICPE et non autour de celle du permis de construire. Les éoliennes sortiraient alors du champ des autorisations d'urbanisme, ce qui rendrait encore plus difficile leur démolition.