Le retard apporté à l'exploitation des éoliennes « (…) retarde la mise en service d'une installation utile à la lutte contre la pollution et contre le réchauffement climatique ». Telle est l'une des motivations de l'ordonnance (1) rendue le 19 janvier 2021 par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy au profit d'un opérateur éolien.
L'exploitant avait porté à la connaissance du préfet une modification qu'il envisageait d'apporter dans les matériaux constituant les mâts des éoliennes d'un parc pour lequel il avait déjà reçu une autorisation préfectorale. La modification consistait à installer des mâts hybrides en bois et acier, au lieu des mâts tout en bois initialement prévus. Le préfet a considéré qu'il s'agissait d'une modification substantielle nécessitant le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation environnementale en raison de son impact paysager.
« Installation utile à la lutte contre le changement climatique »
L'exploitant a demandé au juge des référés de la cour administrative d'appel la suspension de l'arrêté préfectoral. Ce qu'il a d'abord refusé arguant d'un défaut d'urgence, la société étant à ses yeux responsable du retard du projet résultant de son changement de stratégie technologique. Mais le Conseil d'État a annulé cette première ordonnance en octobre 2020 et renvoyé l'affaire au juge des référés. Celui-ci aurait dû « rechercher concrètement si les effets de l'acte litigieux étaient de nature à caractériser une urgence », a estimé la Haute juridiction.
Une urgence que le juge lorrain reconnaît cette fois. Pour des raisons économiques d'abord. La société risque de perdre le bénéfice de l'obligation d'achat, à un tarif particulièrement favorable, de l'électricité produite. Mais aussi pour des raisons environnementales. C'est à ce niveau que le juge invoque la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique. Ce qui fait l'intérêt de cette ordonnance, rendue, qui plus est, sur renvoi du Conseil d'État.
Faible impact des mâts en bois sur le paysage
Cette décision est également intéressante par rapport à l'appréciation par le juge de l'impact paysager des matériaux utilisés dans les mâts des éoliennes. La modification du projet, consistant à doter les éoliennes de mâts composés à la fois de bois et d'acier « n'aurait qu'un très faible impact sur le paysage », estime le juge. Et ce, alors que les services instructeurs avaient au contraire considéré que le caractère substantiel de la modification était lié au risque d'incohérence entre les mâts hybrides et ceux en acier traditionnels déjà construits sur le site.
Ce point est à l'origine du doute sérieux pesant sur la légalité de la décision, deuxième condition après celle de l'urgence pour permettre la suspension. Le préfet a en effet pu commettre une erreur d'interprétation en jugeant substantielle la modification demandée. « L'opérateur avait démontré que la différence d'aspect des nouvelles éoliennes ne serait en réalité qu'à peine perceptible, puisque la base des machines sera, depuis la plupart des points de vue, masquée par la végétation et le relief du paysage », fait valoir Lou Deldique. Et de rappeler les conclusions du rapporteur public du Conseil d'État dans sa décision portant sur l'affaire : « L'appréciation de l'inspection, comme de celle des autres administrations consultées, se fonde uniquement sur le manque de cohérence qui résulterait de la coexistence d'éoliennes dont la base du mât serait différente. Il n'est pas évident de valider une telle position (…) ».
En outre, explique l'avocate, le recours au bois présente de multiples avantages : appel à un savoir-faire national, division drastique des émissions de CO2, etc.. « L'éolien industriel traditionnel, qui constitue déjà par définition une énergie renouvelable, en étant adossée à la filière bois ferait en plus de ses aérogénérateurs des puits carbone ! », se félicite Me Deldique.