Le Conseil général de l'environnement et du développement durable vient de publier, le 5 avril 2013, son rapport relatif au parc national du Mercantour, et au projet de charte en cours. Commandé par la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, en septembre 2012, il fait état d'une application difficile de la réforme des parcs nationaux du 14 avril 2006 liée à un contexte de tensions locales entre l'établissement public du parc national et certaines collectivités locales.
"La multiplication des conflits sur le territoire au cours des derniers mois risque de compromettre cette phase d'adhésion et donc la bonne application de la réforme", alertait la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, dans sa lettre d'appui au directeur du Parc national du Mercantour en septembre 2012. Constat fait d'une "radicalisation des positions entre les populations locales et les agents de terrain du parc", la mission du Conseil général devait permettre "d'analyser le positionnement des acteurs de territoire, de mesurer l'importance des difficultés actuelles et de faire des propositions pour permettre aux acteurs locaux de renouer le dialogue". Outre la mise en œuvre de la charte à partir de 2013, dont l'adhésion demeure un choix libre pour les communes, la ministre espère "une meilleure acceptation locale de l'établissement public du parc du Mercantour".
Avis partagé des communes
Le rapport semble confirmer les appréhensions de la ministre, le parc faisant "l'objet d'une acceptation qui localement peut demeurer ambiguë et fragile". Les élus craignent que la charte puisse restreindre les marges de manœuvre des collectivités locales et compromettre les projets de développement. Un sentiment de dépossession des territoires aurait été nettement exprimé par certaines d'entre elles. Les maires regrettent que le parc ait restreint leurs pouvoirs en matière de police (circulation, stationnement, animaux errants) ou d'autorisation d'urbanisme, alors que la loi ne prévoit rien de tel, rappelle l'étude. Dans les communes où s'expriment les plus fortes réserves à l'égard de l'adhésion à la charte, la question du statut de l'aire d'adhésion constitue le point de blocage principal. "Non seulement l'utilité de l'aire d'adhésion est mal perçue, mais la crainte d'un glissement progressif vers une logique de cœur se manifeste", est-il précisé.
D'après le rapport, cette situation appelle "des mesures rapides de la part de la direction de l'établissement public". Une action spécifique d'explication et de sensibilisation à l'intention de certaines communes, en complément du dispositif général d'information déjà proposé aux maires, pourrait ainsi être envisagée. Par exemple, en mettant à l'étude un document méthodologique récapitulant et expliquant les réglementations relevant de la compétence du parc et leurs incidences sur les pouvoirs réglementaires du maire en zone cœur.
Dans les prochaines réunions des conseils municipaux, le rapport recommande de prévoir un "intervenant extérieur, choisi pour ses compétences en matière de communication publique pour conduire les débats de manière neutre et équitable", et de concentrer ceux-ci sur les interrogations et les craintes déjà formulées par les communes, et non pas sur l'utilité et les objectifs de la charte.
Des tensions entre les acteurs
Ces mesures faciliteraient le dialogue entre les communes et l'établissement public du parc national. Les événements survenus pendant l'été 2012, dont "le retentissement a pris une ampleur inhabituelle", pèsent fortement sur les intentions de certaines communes d'adhérer à la charte, en confortant leur perception défavorable des relations avec l'établissement public du parc national, souligne le Conseil général.
Ces évènements ont finalement ranimé des rancoeurs datant de la création du parc ou de la réapparition du loup en 1992, souligne le rapport. L'état d'exaspération des bergers face à l'accroissement important des attaques de loups en 2011 et 2012 s'est fait ressentir, analyse-t-il, estimant que l'accroissement de la tension a atteint un "degré préoccupant". La chambre d'agriculture aurait toutefois rappelé le volontarisme avec lequel l'établissement public du parc national s'est engagé dans un partenariat actif avec la profession. Sur ce point, l'étude plaide en faveur d'une concertation spécifique avec les chambres d'agriculture sur la situation économique et sociale des éleveurs d'ovins, et l'intégration du département des Alpes-Maritimes dans le groupe national loup.
La police de l'environnement, un facteur clé
Autre facteur explicatif des tensions passées ou présentes entre l'établissement public et les autres acteurs du parc, la police de l'environnement qui serait encore mal acceptée, alors qu'elle constitue "un facteur clé d'une meilleure acceptation locale du parc et de la charte", estime le Conseil général. "Des évolutions sont donc indispensables dans l'organisation et les méthodes en matière de police de l'environnement", avec un suivi plus précis des activités sur le terrain, explique le rapport. Celui-ci propose d'organiser dès 2013 "des formations sur le sens, les finalités et la méthodologie" de cette police.
D'autres mesures, telles que des "ajustements dans l'organisation et le management de l'établissement public, à concrétiser au premier trimestre 2013", sont mises en avant par le Conseil général. Outre le renforcement du rôle des chefs de secteur et l'articulation de ses attributions avec celles des chargés de développement, la mise en place d'une instance de suivi des activités par secteur pourrait être envisagée. De même que la représentation au conseil d'administration d'au moins un maire de chaque vallée. Le CGEDD rappelle enfin l'indispensable soutien des préfets.
Un atout incontestable pour l'image
"Les incertitudes quant à l'avenir et les difficultés auxquelles est actuellement confronté le parc du Mercantour ont d'autres causes qui semblent ne pas lui être spécifiques", conclut le rapport, précisant que les tensions évoquées auraient "une origine principalement locale". "Le ministère de l'Ecologie pourrait utilement affirmer certaines orientations, de façon à faciliter les débats", poursuit-il.
Si le parc national du Mercantour n'est pas le seul à rencontrer des difficultés dans la mise en œuvre de la réforme de 2006, il ne serait pas fondamentalement contesté dans son principe, affirme le Conseil général. Le parc serait généralement apprécié pour l'image qu'il donne de ses territoires. Il aurait ainsi été considéré par la quasi totalité des interlocuteurs de la mission comme un "atout incontestable pour l'image, en France et à l''étranger, des deux départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Alpes-Maritimes et pour les communes du parc", notamment quant à son impact touristique d'une "retombée appréciable". Une large majorité des maires et des autres élus estime qu'il y aura toujours à l'avenir plus d'avantages que d'inconvénients à être partie prenante du parc du Mercantour.
Les communes doivent choisir d'adhérer à la charte au début de l'année 2013, rappelle le rapport. Lors de la phase de consultation institutionnelle, 50% des avis exprimés étaient positifs, indiquant un pré-positionnement globalement favorable.