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Actu-Environnement

Les parcs nationaux sont-ils menacés ?

Les parcs nationaux protègent depuis les années 60 les sites les plus remarquables de notre territoire national. Mais plusieurs indices montrent qu'ils traversent une crise majeure.

Décryptage  |  Biodiversité  |    |  L. Radisson

Les signaux d'alerte révélateurs d'une crise des parcs nationaux se font de plus en plus nombreux. Parmi les derniers épisodes en date, la grève des personnels des parcs le 15 novembre dernier, le refus des communes de Tarentaise de signer la future charte du Parc de la Vanoise, la demande de Parcs nationaux de France adressée à la ministre de l'Ecologie afin que soit menée à bien la réforme de 2006 ou encore la conférence de presse du 12 décembre dernier de huit ONG dénonçant les menaces pesant sur ces zones de protection.

Des communes qui craignent un gel de leur territoire

Quelles sont les causes de la grogne ? Tout se passe comme si la réforme législative de 2006 dont l'ambition était de "mieux adapter les parcs aux enjeux d'aujourd'hui" avait au contraire fait ressurgir les antagonismes entre, d'un côté, les partisans d'une stricte protection de ces espaces naturels exceptionnels et, de l'autre, ceux qui militent pour un développement des territoires concernés.

Que prévoit cette loi ? En premier lieu, la création d'une charte dans la zone d'adhésion du parc, qui remplace l'ancienne zone périphérique. Charte à laquelle les communes peuvent adhérer librement. La réforme législative organise également une meilleure association des collectivités à la gouvernance du parc. L'objectif était de parvenir à "une meilleure appropriation des parcs par leur territoire" suite à l'échec relatif des zones périphériques, explique l'ONG Mountain Wilderness, qui rappelle que le risque de "PNR (1) -isation" des parcs nationaux avait été pointé par les associations.

"La mise en œuvre de cette réforme s'avère difficile et déstabilise l'outil parc", estime France Nature Environnement (FNE), qui dénonce des chartes "amoindries par des communes qui craignent un gel de leur territoire".

"L'espace d'expression offert par la loi a pu ça et là conduire à raviver les vieux démons connus lors de la création de chacun des parcs, et faire naître de nouvelles inquiétudes quant à la présence plus marquée des parcs nationaux dans la future aire d'adhésion", confirme l'établissement public "Parcs nationaux de France".

Les dix parcs nationaux français

La France compte dix parcs nationaux sur son territoire, dont trois en outre-mer. Il s'agit des parcs des Cévennes, des Ecrins, du Mercantour, des Pyrénées occidentales, de la Vanoise, de Port-Cros, de la Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion et des Calanques. La création de deux autres parcs est à l'étude : un parc forestier de plaine entre Champagne et Bourgogne, et un parc national de zone humide dont la localisation n'est pas arrêtée.
L'exemple emblématique de la Vanoise

La Vanoise, plus ancien parc national français, entouré par la plus grande concentration de stations de sports d'hiver au monde, est emblématique. Malgré cinq années de concertation, aucune commune n'a émis d'avis favorable sur le projet de charte, que Mountain Wilderness estime pourtant "pas bien ambitieux sur les questions d'aménagement et de domaine skiable".

Il faut dire que les enjeux économiques sont considérables. "En deux générations, la région, autrefois pauvre et caractérisée par un exode rural massif, s'est considérablement enrichie, au point d'être aujourd'hui parmi les plus prospères à l'échelle nationale", rappelle Isabelle Mauz, présidente du conseil scientifique du Parc de la Vanoise.

"Nous avons déjà trop de contraintes, il faut arrêter d'entraver le développement économique des stations", dénonce le maire de Tignes, Olivier Zaragoza, qui rappelle au passage que 5.000 salariés vivent du tourisme dans sa commune. Sur la même longueur d'ondes, Gilbert Blanc-Tailleur, maire de Courchevel, estime que "ce n'est pas au parc de décider du développement des stations. Il y a des élus pour le faire".

Pourtant, même sur le plan économique, la durabilité du modèle de développement actuel n'est pas assuré. "Les stations ne sont pas à l'abri de l'éclatement d'une bulle immobilière et la réussite économique repose pour une bonne part sur l'attractivité de paysages qu'elle réduit constamment", analyse Isabelle Mauz. Le bilan social se révèle "moins satisfaisant" encore : pratique de la montagne fermée à une part croissante de la population, ségrégation sociale… Quant au bilan environnemental, Isabelle Mauz le qualifie de "plus sombre" : détérioration des paysages, bruit, réduction des terres agricoles, tensions sur la ressource en eau, modification des réseaux hydrologiques due à la fabrication de neige de culture, destruction des zones humides, nuisances subies par la faune et la flore…

Les cœurs de parcs aussi menacés

Mais l'affaiblissement des zones périphériques mettrait aussi en péril le cœur même des parcs. Ainsi, pour les huit ONG organisatrices de la conférence de presse du 12 décembre, "déconnecté du territoire, voire cerné par un développement industriel du tourisme", le cœur du Parc de la Vanoise se trouverait directement menacé.

Et il ne s'agirait pas d'un cas isolé. Que ce soit lors de l'actualisation en 2008 des décrets des sept parcs nationaux existants ou lors de la création des nouveaux parcs, FNE a constaté "un amoindrissement de la protection des zones cœurs" du fait d'assouplissements de la réglementation en matière de survol, de cueillette, de chasse, ou de sports de nature, et du fait des possibilités données aux conseils d'administration de délivrer des autorisations ou des dérogations à des demandes d'activités.

"Aberration institutionnelle"

Le renforcement de la présence des collectivités territoriales au sein des conseils d'administration des parcs est également dénoncé par les associations de protection de l'environnement. La loi de 2006 a "mis les parcs nationaux dans la main des élus locaux", analyse Philippe Yolka, Professeur de droit public à Grenoble, créant ainsi des "parcs nationaux locaux", "sorte d'aberration institutionnelle, qui voit des établissements publics de l'Etat à caractère administratif placés sous la coupe de représentants des collectivités territoriales".

"Le strapontin laissé aux associations de protection de la nature dans les conseils d'administration des parcs, ne permet pas de sortir d'approches trop catégorielles au détriment de l'intérêt général des chartes et d'une vision territoriale qui peine à être commune et cohérente avec la zone cœur", dénonce Bruno Genty, président de FNE. Le meilleur exemple en est pour l'ONG la récente délibération du Parc des Cévennes qui déclare incompatible la présence du loup avec les activités agropastorales. "Fondamentalement, un parc national ne peut décider de la présence ou non d'une espèce sur son territoire", estime Jean-David Abel, chargé du dossier loup à FNE, même si la fédération d'associations "ne nie pas les questions légitimes que se posent les éleveurs cévenols".

Pour Nicolas Alban, auteur d'une thèse professionnelle intitulée "Les Parcs nationaux à l'épreuve des territoires", relayée sur le site de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), la loi de 2006, comme d'ailleurs la précédente de 1960, "relève d'un pari intenable : concilier un modèle autoritaire et normatif avec une dynamique locale de gestion intégrée du territoire", qui expliquerait le "climat explosif" que connaissent les parcs actuellement.

Moyens humains et financiers en baisse

Pour les ONG, une autre inquiétude vient des réductions de personnel et de l'élargissement des missions, qui leur font craindre une perte de protection des cœurs de parcs. "Comment maintenir les fonctions fondamentales de protection de la zone cœur et les conjuguer à celles nouvelles de développement en accompagnement des collectivités de la zone d'adhésion ?", interroge Serge Urbano, administrateur de FNE en charge des milieux naturels. Une crainte partagée par "Parcs nationaux de France" qui relaie les interrogations de certains agents sur "le devenir de ces parcs « nouvelle formule »", alors que "les moyens humains et financiers sont en baisse". "Le Parc national des Calanques, créé le 18 avril dernier, ne dispose toujours pas de conseil d'administration, de budget de fonctionnement ni de personnel dédié", dénonce aussi Mountain Wilderness.

Un manque de moyens qui n'est pas admis par tous. "Malgré les restrictions financières des dernières années, le budget des parcs nationaux a en effet bondi de 53% entre 2007 et 2010 (75 millions d'euros de budget en 2010) et le nombre des personnels a crû de 18% entre 2008 et 2010 (Commission des finances du Sénat, 2011)", rapporte Nicolas Alban.

Plus d'Etat ou davantage de décentralisation ?

Mais si la réalité de la crise ne semble contestée par personne, les remèdes proposés diffèrent largement selon les protagonistes. "On a beaucoup parlé - crise aidant -, du retour de l'Etat dans l'économie. Pourquoi ne pas y songer aussi en matière d'écologie ?", interroge Philippe Yolka.

Un point de vue diamétralement opposé de celui de Nicolas Alban, pour qui l'"échec du modèle administratif français des parcs nationaux" pourrait être surmonté via "une décentralisation complète du volet réglementaire, seule voie pour redonner de la légitimité et de la pertinence à l'outil". Et celui-ci de s'interroger : "Pourquoi ne pas alors imaginer que les parcs nationaux deviennent un simple label, comme le « patrimoine mondial » de l'Unesco, fondé sur un contrat gagnant-gagnant, qui récompenserait la richesse d'un patrimoine autant que sa gestion par les acteurs locaux ?".

1. Parc naturel régional

Réactions11 réactions à cet article

bonjour , oui pour un LABEL , une IGP grandeur nature , on travaille ensemble sur le territoire et on définit les règles !
voilà , ça c'est positif et mature !

HUBERT52 | 19 décembre 2012 à 15h38 Signaler un contenu inapproprié

Pas d'accord avec Hubert52 ou avec Nicolas Alban... C'est la mort assurée des parcs nationaux et de ce qu'ils protègent. Le classement au patrimoine mondial de l'UNESCO n'a jamais empêché la destruction de ces monuments...
Décentraliser et donner les pouvoirs décisionnaires aux élus locaux, c'est faire disparaître assurément ce qu'il reste de protection de l'environnement au cœur des parcs.
C'est vraiment triste d'en être arrivé là ! Et ça ne me rassure pas sur la capacité de l'espèce humaine à comprendre les enjeux globaux qui l'attendent, par rapport à leurs petite vision micro-économique...

Madras | 20 décembre 2012 à 09h38 Signaler un contenu inapproprié

Message pour Madras
l'espèce humaine est tristement d'abord animale et elle le démontre tous les jours. Les objectifs sont de plus en plus courts termes et chacun pense à son porte monnaie, sa retraite et ses comptes offshore. Le reste n'est que beaux discours pour appater les papillons. Alors la nature, en réalité, qu'est ce qu'on s'en tape ! Tant qu'il n'y a pas d'autorité internationale indépendante avec des moyens adéquats, le bateau fonce dans l'iceberg. On le sait tous mais on ferme les yeux.

arthur duchemin | 20 décembre 2012 à 10h05 Signaler un contenu inapproprié

@ Madras
Je vous approuve tout à fait.

Lorsqu'un maire est élu par des administrés qui vivent dans leur écrasante majorité d'une même industrie, ici le tourisme, je n'appelle pas ça un maire, mais un gérant, un PDG. Qui va défendre les intérêts de son industrie (de ses salariés).
A partir de là, on sait ce que fait le marché et le secteur privé lorsqu'il n'est pas régulé.
Alors le coup de la gestion mature par les territoires, ils sont gentils.
Il faut une gestion rigoureuse et désintéressée, par l’État, de ces zones exceptionnelles.

krakatoe | 20 décembre 2012 à 10h53 Signaler un contenu inapproprié

Donner autorité aux élus locaux en matière de protection de la nature ?
Il suffit de voir le résultat dans les stations de ski alpines, Serre-Chevalier par exemple qui ressemble à une banlieue bétonnée, et tant d'autres, pour comprendre ce qui attend les PN.
Feu H. Tazzieff traitait ces "aménageurs "de "gougnafiers", il avait de bonnes raisons pour le faire.

sirius | 20 décembre 2012 à 11h47 Signaler un contenu inapproprié

Où sont les grandes assos écolos qui disent un autre monde est possible et qu'il faut s'appuyer sur les populations locales. Si vous ne voulez pas de potentats locaux alors il faut s'impliquer dans la politique locale et ainsi avoir des représentants qui réfléchissent de manière plus globales et développent de réelles politiques environnementales sans interdire les territoires à l'homme. C'est facile de vouloir plus d'ong dans les conseils, mais quelle est leur légitimité.
Ce n'est pas à des gens qui pensent tout savoir sur la "nature" de décider de notre avenir et à nous imposer leur vision d'une nature sauvage qui n'existe plus et n'existera plus de la même façon "qu'avant". Avant quoi d’ailleurs, puisque dans les Pyrénées par exemple, les hommes sont présent depuis la dernière glaciation et ont façonner les paysages en favorisant les espèces présentent et protégées aujourd'hui. Aller aujourd’hui dans un parc national c'est suivre des interdictions et consommer mais ce n'est surtout pas de s'éduquer à environnement. Y EN A MARRE

Lolo | 20 décembre 2012 à 13h18 Signaler un contenu inapproprié

Au point où on en est, le mieux c'est carrément de supprimer le concept de parc national.
Si c'est pour y appliquer exactement la même logique que sur le reste du territoire, quelle est donc leur utilité ?
Que les élus locaux fassent ce qu'ils veulent de leur territoire, mais qu'ils ne demandent pas à l'ensemble des contribuables français de financer leurs super projets.
Et qu'ils ne se gargarisent pas d'avoir un territoire remarquable, puisque ce n'est plus le cas depuis un bon moment.
C'est facile de faire ce qu'on veut avec l'argent des autres.
Je serais curieux de voir ce que deviendraient tous ces projets d'aménagement et de bétonnage uniquement avec les moyens du contribuable local, et sans la publicité que représente le pseudo-label de garantie "parc national".

bebeto94 | 20 décembre 2012 à 19h13 Signaler un contenu inapproprié

Je lis dans cet article la réclamation croissante de "développement" des zones protégées notamment à titre de parc national. Comment veut-on "développer" sans conserver leur valeur patrimoniale?
Tout le monde a la bouche pleine du développement durable. Je retiens de la lecture d'un rapport de la Commission Nationale du Développement Durable justement les propos récurrents traitant le fait de laisser les processus naturels se déroule de "non-gestion".
Développer, est-ce forcément implanter des activités humaines, bâtir. La non-intervention ne devrait-elle pas être un choix de gestion à part entière dans des zones protégées?
Nous assistons à une situation où le recul de la pression humaine dans les zones rurales depuis quelques décennies a entraîné le développement démographique d'espèces sauvages, prédatrices ou non. Cela a encore été renforcé par la chute du rideau de fer (voir notamment un documentaire très pertinent de la BBC à ce sujet).
Devons-nous retourner en arrière dans la répression et pouvons-nous le faire? Ne devrions-nous pas plutôt nous y adapter? Car après tout aucune espèce incapable de s'adapter aux processus naturels n'a jamais survécu à long terme au cours de l'évolution...

Simplement biologiste | 20 décembre 2012 à 20h50 Signaler un contenu inapproprié

Il faut impérativement revoir la loi de 2006 et protéger totalement les parcs. Ce n'est pas aux élus locaux de décider du sort de ces rares zones encore relativement protégées. Quand comprendra-t-on enfin qu'un bon équilibre entre nature et humains et biodiversité est extrêmement bénéfique à tous. Comment également peut-on demander à des pays comme l'Equateur de ne pas exploiter ses ressources dans les forêts primaires ou aux africains de ne pas urbaniser des zones de plus en plus réduites où les animaux deviennent consanguins et malades faute d'espaces suffisants avec disparition prochaine des lions eux-mêmes si nous sommes nous-mêmes incapables de respecter nos très rares espaces naturels et laissons des élus mercantiles aux visions coutermistes sans envergure prendres des décisions sur des sujets le plus souvent de haut niveau scientifique sur lesquels ils sont totalement incultes et incompétents.

Scientifique | 22 décembre 2012 à 02h44 Signaler un contenu inapproprié

Dans les stations de sports d'hiver, plus il y a d'immeubles, donc de skieurs, et plus on construit de remontés mécaniques. Inversement plus il y a de remontés mécaniques et plus il faut construire d'immeubles pour faire venir des skieurs et rentabiliser ces remontés.
Il y a saturation de l'offre. Demandez aux agences immobilières ! C’est la récession et le temps que nous nous en sortions (si nous nous en sortons jamais), il n’y aura plus de neige !
Détruisons nos montagnes comme les espagnoles ont détruits leurs côtes. Détruisons la nature pour construire des appartements vides les 9 dixièmes du temps. Il serait plus sérieux d’investir dans l’utile !
Préservons notre nature ! C’est le seul endroit où l’on puisse se ressourcer.

Vonvon | 23 décembre 2012 à 17h20 Signaler un contenu inapproprié

C'est quoi ça, Mountain Wilderness? C'est une association française? Et si oui, en quoi se donner un nom anglais lui donne-t-il plus de crédibilité et de légitimité?
Cela commence à bien faire de voir partout l'invasion de termes anglo-saxons là où des termes français pourraient très bien être utilisés. En ensuite il leur faut expliquer sur leur site ce que veut dire Wilderness!
Sommes-nous donc à ce point mentalement colonisés?

Jihème | 07 février 2013 à 09h03 Signaler un contenu inapproprié

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