Par un arrêt rendu le 8 février dernier, le Conseil d'Etat a annulé l'article 2 du décret portant classement du parc naturel régional (PNR) du massif des Bauges qui adoptait les dispositions de la charte portant sur les carrières. Au-delà de cette annulation, la Haute juridiction se prononce sur la possibilité pour la charte d'un parc de réglementer des activités soumises par ailleurs à une législation particulière.
Deux dispositions de la charte annulées
L'Union des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem) de Rhône-Alpes avait formé un recours visant à faire annuler un article du décret de classement du PNR. Sur quel fondement ? Les spécifications particulières applicables aux carrières contenues dans la charte du parc édicteraient des règles de procédure et de fond opposables aux tiers, qui méconnaîtraient la législation particulière applicable aux carrières.
Le Conseil d'Etat lui donne partiellement raison en annulant deux points figurant dans la charte. Le premier demandait aux exploitants de carrière de fournir "une étude d'impact très détaillée avec l'élaboration d'une étude paysagère et environnementale montrant visuellement l'évolution de la carrière tous les trois ans (…) et indiquant les dispositions techniques nécessaires à une renaturation progressive et coordonnée entre les méthodes d'exploitation et de réaménagement". La charte précisait également que l'étude devait sortir du cadre du périmètre de l'exploitation et disposer "d'une analyse des impacts autour de l'exploitation et en aval de la production (transport, bruit, poussière) notamment sur les communes concernées par le flux de matériau". Elle devait ainsi développer "une série d'indicateurs mesurables permettant d'évaluer l'effet de l'exploitation lors de son suivi régulier".
La deuxième disposition annulée prévoyait que toute demande d'ouverture ou d'extension de carrière devait être accompagnée "d'une étude complète portant sur la logistique d'acheminement des matériaux intégrant les exigences des communes traversées et la capacité des axes empruntés".
La charte ne peut par elle-même imposer des obligations aux tiers
Pourquoi cette annulation ? Ces dispositions imposaient le respect d'obligations de procédure qui s'ajoutaient à celles prévues pour la délivrance des autorisations d'installations classées (ICPE) et par la législation relative aux carrières. Or, affirme le Conseil d'Etat, "la charte d'un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard". Elle ne peut davantage subordonner les demandes d'autorisations d'ICPE "à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur".
La Haute juridiction admet que la charte puisse prendre des mesures précises pour mettre en œuvre les orientations générales de protection, de mise en valeur et de développement du territoire du parc qu'elle détermine, mais ces mesures ne doivent pas méconnaître "les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu'elles concernent". Leur légalité est également subordonnée à leur "compatibilité avec l'objet que le législateur a assigné aux parcs naturels régionaux" et à leur "caractère nécessaire pour la mise en œuvre de la charte".
C'est pourquoi le Conseil d'Etat s'est refusé à annuler d'autres dispositions attaquées de la charte qui, malgré leur degré de précision, n'ont pas pour effet d'imposer par elles-mêmes des obligations aux tiers. C'est le cas des dispositions retenant le principe de compensation du fait d'une atteinte durable et irréversible aux paysages et à l'environnement occasionnée par les carrières. Ou encore de celles fixant la durée maximale d'autorisation des carrières en terrasses alluvionnaires à 15 ans et la quantité maximale autorisée à 100.000 tonnes par an.