"Je veux la fin du diesel à Paris en 2020, et si possible au-delà du périphérique", a déclaré Mme Hidalgo au JDD, alors qu'une récente étude montre que les Parisiens respirent jusqu'à 6 millions de particules fines par litre d'air. Cette annonce est la mesure phare prévue dans le nouveau plan de Paris visant à améliorer la qualité de l'air, dévoilé en mai dernier. Ce plan sera discuté au Conseil de la Ville le 9 février 2015.
Sortie du diesel à l'exception des ménages modestes ?
"J'ai commencé en éradiquant en trois mois les voitures diesel du parc de la Ville", a t-elle précisé. Le plan de Paris prévoit en effet de convertir la flotte des véhicules municipaux au moteur hybride ou électrique à l'horizon 2015. Dans le cadre de son nouveau marché de collecte, la Ville expérimentera notamment, courant 2015, des bennes électriques.
Le plan prévoit aussi le renouvellement du parc de bus de la RATP par le Syndicat des transports franciliens (Stif), afin d'aboutir à un parc non diesel en 2020.
Paris souhaite instaurer une zone à faible émission (Zapa) où l'accès serait limité ou interdit aux véhicules les plus polluants (automobiles, utilitaires, cars de tourisme, poids-lourds et deux-roues motorisés confondus). "Nous travaillons avec l'Etat à des mesures d'interdiction", a indiqué Mme Hidalgo. Elle n'exclut pas une exception pour certains ménages "peu fortunés" possédant un vieux véhicule diesel qu'ils n'utilisent qu'occasionnellement. "Ceux-là pourraient être autorisés à circuler le week-end", a-t-elle indiqué.
Le centre-ville semi-piétons
La Ville mise sur le système d'identification des véhicules en fonction de leurs émissions polluantes (vignettes), prévu courant 2015 par le Gouvernement, pour mettre en place des zones de restriction de circulation, conformément au projet de loi sur la transition énergétique. "Grâce à des pastilles ou des puces, on pourra bientôt identifier le degré de pollution de chaque véhicule. Nous comptons sur la pédagogie et le civisme, mais il y aura aussi des contrôles routiers pour éviter les infractions", a expliqué la maire. Dans ce cadre, elle souhaite utiliser les quatre portiques installés sur le périphérique initialement prévus pour l'écotaxe poids lourds.
La Ville entend limiter la circulation de la rue de Rivoli ou des Champs-Elysées qui ne seraient autorisés qu'aux véhicules à ultra-basse émission. "Cela se fera dans un premier temps à titre expérimental", a précisé Mme Hidalgo. De même, dans les quatre arrondissements du centre," à l'exception des vélos, bus et taxis, seuls auraient le droit d'entrer les voitures des résidents, les véhicules d'urgence ou de livraison".
La Ville poursuivra également l'extension des quartiers et des axes de la capitale limités à 30 km/h (zones 30).
Aides publiques
Paris prévoit des aides incitatives avec l'Etat pour l'achat d'un véhicule non polluant. Le Premier ministre Manuel Valls s'est déclaré favorable à l'élargissement de la prime à la conversion des vieux diesels. Cette prime, de 3.700 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, de 2.500 euros pour un véhicule hybride rechargeable, et de 500 euros pour un véhicule répondant à la norme Euro 6, sera conditionnée à la mise au rebut d'une voiture diesel de plus de 13 ans.
Anne Hidalgo a également annoncé des abonnements au système de location de voitures électriques Autolib' en échange d'une mise au rebut de son diesel. L'offre d'un Pass Navigo d'un an aux Parisiens utilisable dans les transports publics est aussi prévue. "Nous mettrons en place un plan d'installation de bornes de recharge pour les voitures électriques. Une aide financière incitera les copropriétaires à s'équiper en bornes de recharge, mais aussi en garages à vélos", a ajouté la maire. 700 bornes sont en cours de déploiement à Paris tandis qu'une aide à l'achat de deux roues électriques sera mise en place incluant le système de location Vélib'.
La Ville prévoit ainsi de "doubler" les pistes cyclables d'ici 2020 "avec un plan vélo très ambitieux, de 100 millions d'euros", a chiffré Mme Hidalgo. Elle vient de présenter son programme d'investissement de la mandature doté de 10 milliards d'euros, dont 900 millions dédiés aux transports collectifs.
En cas de pic de pollution, Mme Hidalgo veut aller plus loin que la circulation alternée des véhicules et plaide pour "une interdiction totale et systématique de la circulation des véhicules polluants dans Paris", a-t-elle ajouté.
Un "revirement" salué par l'opposition
Yann Wehrling, porte-parole du groupe centriste UDI-Modem au Conseil de Paris, s'est félicité dans un communiqué de l'annonce de "semi-piétonisation de l'hyper centre de Paris". Si "c'est une heureuse initiative", il n'en s'agit pas moins "d'un surprenant revirement", a-t-il indiqué.
Même son de cloche de la part du groupe UMP : "Nous nous félicitons qu'Anne Hidalgo se rallie aujourd'hui à nos propositions et en accompagnerons donc la mise en œuvre" tout en espérant que "ses annonces ne se résument à une opération de communication". "Ses mesures ne seront débattues qu'en février 2015, près d'un an après son élection. Dès mai 2014, nous demandions pourtant en Conseil de Paris la mise en place d'une Zapa, alors refusée par dogmatisme", a souligné le groupe UMP.
Selon un sondage Ifop pour le JDD, l'éradication du diesel en 2020 divise : si les deux tiers des Parisiens la souhaitent, six habitants de la grande couronne sur dix y sont hostiles. "Plus on s'éloigne de Paris, plus on se sent discriminé par les mesures sanctions. Le mot interdiction peut braquer les gens", analyse Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. Les mesures incitatives visant à la mise au rebut des véhicules les plus polluants semblent mieux acceptées : 51% des Parisiens possédant une voiture roulant au diesel sont prêts à s'en séparer en échange d'une réduction sur un Pass Navigo ou d'un abonnement Autolib', contre 41% en grande couronne.
Pour Denez L'Hostis, président de la fédération d'associations France Nature Environnement : "Il faut favoriser les transports doux notamment aux portes du Grand Paris, par un métro automatique qui décourage clairement l'usage de la voiture individuelle. Face au cocktail de pollutions, il y a un cocktail de solutions !".
Didier Bollecker, président de l'Automobile Club Association (ACA) estime de son côté que "la généralisation progressive du filtre à particules (FAP) au parc diesel règlerait la question des particules en peu d'années et à des coûts inférieurs". Il appelle les collectivités locales "à mettre en œuvre des prêts à taux zéro permettant aux ménages modestes de remplacer plus facilement leurs véhicules anciens".