Les eurodéputés plaident pour de nouvelles règles européennes contraignantes sur le devoir de vigilance des multinationales et des PME cotées en matière de droits de l'homme et de respect de l'environnement.
Le 10 mars, en session plénière, le Parlement européen a adopté une résolution en faveur d'une nouvelle législation européenne « contraignante » sur le devoir de vigilance des entreprises opérant au sein du marché intérieur de l'UE. Ce texte a été approuvé à une large majorité par 504 voix pour, 79 contre et 112 abstentions. Le Parlement « ouvre la voie à une nouvelle loi européenne exigeant que les entreprises respectent les normes en matière de droits de l'homme et d'environnement dans leurs chaînes de valeur », soulignent les eurodéputés. La Commission européenne prévoit de présenter en juin un projet de directive à ce sujet.
Une nouvelle directive pour responsabiliser les entreprises
Le texte voté par les députés vise à s'assurer du respect des droits humains et de l'environnement dans les chaînes de valeur des grandes entreprises européennes, c'est-à-dire, dans toutes leurs activités, y compris celles de leurs sous-traitants à l'étranger. Et, ce en établissant leur responsabilité juridique en droit européen.
Pour créer des « conditions équitables », le futur cadre législatif sur le devoir de vigilance « devrait être large et s'appliquer à toutes les grandes entreprises régies par la législation européenne ou établies dans l'UE, notamment celles qui fournissent des services financiers », préconise le Parlement. De même, les PME cotées en bourse et celles à haut risque devraient « être couvertes, et bénéficier d'une aide technique pour se conformer aux exigences ». La résolution prévoit des sanctions pour non-conformité aux règles et un soutien juridique pour « les victimes d'entreprises dans les pays tiers ».
Les nouvelles règles donneront aux victimes un droit légal de soutien et de demande de réparation et garantiront l'équité.
Lara Wolters, eurodéputée et rapporteure du texte
Cette nouvelle législation permettra d'établir
« la norme en matière de conduite responsable des affaires en Europe et au-delà », a souligné l'eurodéputée Lara Wolters (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), rapporteure du texte.
« Nous refusons d'accepter que la déforestation ou le travail forcé fassent partie des chaînes d'approvisionnement mondiales (…). Les nouvelles règles donneront aux victimes un droit légal de soutien et de demande de réparation, et garantiront l'équité, des conditions de concurrence équitables et la clarté juridique pour toutes les entreprises, les travailleurs et les consommateurs », a ajouté la députée.
Un vote salué par les ONG
Dans un communiqué, les organisations, syndicats et ONG (dont Sherpa et Notre Affaire à tous), qui avaient défendu la loi française sur le devoir de vigilance de 2017, se félicitent du vote des eurodéputés. Le texte vise à tenir les entreprises européennes responsables des violations qu'elles causent - ou contribuent à causer - à travers leurs relations d'affaires. « Les entreprises doivent ainsi cartographier l'ensemble de leurs activités ainsi que celles de leurs filiales et sous-traitants et adopter toutes les politiques et mesures proportionnées en vue de faire cesser, de prévenir ou d'atténuer les atteintes qu'elles auraient identifiées », saluent les organisations.
Le texte incite les États membres « à garantir qu'ils disposent d'un régime de responsabilité civile en vertu duquel les entreprises peuvent être tenues légalement responsables et appelées à verser des compensations pour réparer les préjudices causés dans leur chaîne de valeur », ajoutent-elles.
Établir un régime de responsabilité civile « clair »
Les organisations appellent toutefois la Commission à renforcer des dispositions dans son projet de directive. Elles insistent sur la nécessité « d'améliorer l'accès à la justice et aux voies de recours pour les personnes et les communautés affectées pour garantir le succès de la future législation, avec notamment un renversement de la charge de la preuve et un accès facilité aux informations et aux preuves ». Elles demandent ainsi à la Commission d'établir un régime de responsabilité civile « clair, précis et qui corresponde à la réalité des chaînes de valeurs complexes des multinationales ».
Les organisations appellent aussi le gouvernement français à défendre des mesures « ambitieuses » pour la future directive, « en s'inspirant des forces et en palliant les défaillances de la loi française ». Par ailleurs, les organisations demandent aux décideurs européens de s'engager « de manière résolue dans les discussions onusiennes concernant un traité sur les multinationales et les droits humains ».
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Note Consulter la résolution adoptée par le Parlement européenne sur le projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises Plus d'infos
Note ActionAid France, Les Amis de la Terre France, Amnesty International, CCFD Terre Solidaire, Collectif Ethique sur l'Etiquette, Notre Affaire à Tous, Ligue des droits de l'homme, Oxfam et Sherpa.Article publié le 12 mars 2021