Par une décision rendue le 13 juillet, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a annulé une disposition de l'article L. 512-5 du code de l'environnement relative à l'élaboration des arrêtés ministériels fixant les règles générales applicables aux installations classées (ICPE) relevant du régime de l'autorisation.
Question prioritaire de constitutionnalité soulevée par FNE
La QPC avait été soulevée France Nature Environnement (FNE) à l'appui d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2011 relatif au recyclage en technique routière des mâchefers d'incinération des déchets non dangereux.
La disposition contestée prévoit que les projets de règles et prescriptions techniques applicables aux ICPE soumises à autorisation "font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques".
La fédération d'associations de protection de l'environnement estimait que ces dispositions portaient atteinte au droit à la participation du public garanti par l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle.
Abrogation avec effet différé de la disposition contestée
Le Conseil constitutionnel lui donne raison, comme il l'a déjà fait en octobre dernier en censurant deux dispositions du code de l'environnement portant sur l'élaboration des décrets modifiant la nomenclature des installations classées et sur celle des arrêtés fixant les prescriptions générales applicables aux ICPE relevant du régime de l'enregistrement.
Les sages de la rue de Montpensier estiment que les arrêtés ministériels fixant les prescriptions techniques applicables aux installations autorisées "constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement". A ce titre, le public a le droit de participer à leur élaboration conformément à l'article 7 de la Charte de l'environnement. Or, ni l'article L. 512-2 du code de l'environnement, ni aucune autre disposition législative "n'assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause".
Le Conseil constitutionnel abroge donc la disposition contestée, mais avec effet différé au 1er janvier 2013. "L'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait pour seul effet de faire disparaître les dispositions permettant l'information du public sans satisfaire aux exigences du principe de participation de ce dernier", relève en effet la décision.
Les arrêtés ministériels fragilisés à compter du 1er janvier 2013
Quelles sont les conséquences de cette abrogation ? Le Conseil constitutionnel laisse au législateur jusqu'à la fin de l'année pour adopter une nouvelle disposition législative organisant une procédure de participation du public conforme aux exigences de la Charte de l'environnement. C'est cette même échéance qui avait été prévue par les sages dans leur décision d'octobre 2011.
"Concrètement, cela veut dire que le ministère de l'Ecologie doit se retrousser les manches et va devoir lancer des travaux sur la notion de participation", a réagi Raymond Léost, responsable du réseau juridique de FNE, selon des propos rapportés par l'AFP. "La participation du public, prévue par la Charte de l'environnement adoptée en 2004, signifie trois choses : informer, recueillir les avis du public et restituer la façon dont ils sont pris en compte, a-t-il souligné, voyant dans la décision du Conseil constitutionnel "une fessée pour le ministère".
"Un changement de circonstances de droit interviendra à compter du 1er janvier 2013, relève de son côté Carl Enckell, avocat de plusieurs sociétés intervenantes à l'instance, pour qui "il est vraisemblable que les associations de protection de l'environnement puissent alors invoquer la disparition des bases légales des textes réglementaires déjà adoptés pour demander leur abrogation pour l'avenir".
Les arrêtés ministériels pris sur le fondement de la disposition abrogée seraient donc fragilisés à compter du 1er janvier 2013 : l'arrêté du 18 novembre 2011 sur la valorisation des mâchefers, à l'origine du recours de FNE, mais aussi potentiellement des textes ayant une portée beaucoup plus large et, en premier, lieu "l'arrêté intégré" qui fixe les règles applicables aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des ICPE soumises à autorisation…