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Actu-Environnement

Pêche à la thonaille : la France envisage la possibilité d'un recours

Après une ''mise en demeure'' en décembre 2003 puis un ''avis motivé'' en juillet 2005, la Commission européenne vient de décider d'ouvrir une procédure d'infraction contre la France pour ne pas avoir interdit la pêche à la thonaille. Le Ministère de l'agriculture et de la pêche avait pris acte avec regret de la décision de la Commission, selon un communiqué du 27 juin. D'après les experts communautaires, la thonaille, utilisée pour pêcher le thon en Méditerranée, se rattache à la catégorie des filets maillants dérivants interdits depuis le 1er janvier 2002 notamment en raison de leur impact sur l'environnement marin et du grand nombre de captures accessoires, mammifères et oiseaux de mer, découlant de leur utilisation. La France et les pêcheurs contestent ce jugement des experts. Le Ministre de l'Agriculture Michel Barnier a indiqué dans un communiqué le 2 juillet qu'il envisage dès à présent d'examiner la possibilité d'un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes contre le règlement du Conseil (européen) qui interdit l'utilisation de la thonaille en Méditerranée.
France Nature Environnement, fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement, a demandé hier dans un communiqué que la France respecte scrupuleusement ses engagements européens en matière d'environnement. France Nature Environnement a rappelé qu'à sa demande, le Conseil d'Etat avait, par arrêt du 10 juillet 2005, annulé l'arrêté du 1er août 2003 du ministre de l'agriculture, portant création d'un permis de pêche spécial pour la pêche à la thonaille. L'action en justice projetée par le Ministre de l'Agriculture serait par ailleurs contraire à l'engagement du Gouvernement de ne pas prendre de décision pouvant porter atteinte à la sincérité des négociations préalables au Grenelle de l'environnement. Une telle action serait singulièrement inopportune à la veille de la Présidence Française de l'Union européenne, a ajouté la FNE.

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La thonaille n'est pas un filet maillant dérivant

Les filets maillants dérivants ("gilldriftnets ou driftnets") ont été clairement définis par les Nations Unies dans la résolution 44/225 adoptée à l'unanimité par son assemblée générale le 22 décembre 1989. "Une méthode de pêche avec un filet ou une combinaison de filets faits pour tenir en position plus ou moins verticale grâce à des flotteurs et à des lests, dans l'intention de mailler le poisson en dérivant dans la surface ou dans l'eau". Une définition plus récente (juin 2007) mais très analogue a été donnée par l'Union européenne qui considére comme filet maillant dérivant "tout filet maillant maintenu à la surface de la mer ou à une certaine distance en dessous de celle-ci, grâce à des dispositifs flottants, qui dérive librement avec le courant ou avec le bateau auquel il est attaché" . L'Europe a donc supprimé le critère de verticalité, lequel comme on le verra ci-dessous, ne peut s'appliquer à la thonaille. Ces engins (dont un type répandu est la "spadara" utilisée pour l'espadon en même temps que d'autres espèces pélagiques) sont utilisés dans tous les océans du monde bien que peu sélectifs et accusés de gaspiller la ressource. Leur utilisation est souvent prohibée ou bien soumise à des limitations très strictes (Californie, Maroc, Espagne). Au contraire, la thonaille n'est utilisée que dans des aires parfaitement circonscrites en Méditerranée (golfe du Lion, bras de mer corso-ligure) à l'écart des grands courants qui la parcourent, et elle cible le thon rouge avec une grande sélectivité. La pêcherie est soumise à des conditions strictes d'environnement, notamment des conditions dynamiques caractérisées par une mer calme et stratifiée, avec une thermocline bien marquée à faible distance de la surface, la saison la plus favorable étant l'été, où ces conditions sont fréquemment réunies entre les coups de vent. L'étude des thonailles dans l'eau montre qu'au lieu d'être tendues verticalement, sur plusieurs dizaines de mètres de haut comme les spadaras, les nappes forment un creux quelques mètres sous la surface pour cibler le thon rouge au cours de ces déplacements rapides dans la strate supérieure de la couche de mélange. Le thon s'emmèle tout seul, emporté par son élan au moment où il fonce sur ses proies. Ses cibles sont des poissons et des invertébrés nectoplanctoniques (anchois, crevettes euphausiacées, céphalopodes nageurs) qui remontent en surface la nuit, au-dessus de la thermocline, à la faveur de l'obscurité totale pour se nourrir de phytoplancton. La phase active d'une opération de la pêche ne dure quelques dizaines de minutes, alors que poser le filet puis le relever est une travail de plusieurs heures, renouvelé chaque nuit de pêche. La thonaille est un engin très léger d'utilisation délicate qui ne peut être mis en oeuvre au-delà de force 3 ou 4, sous peine de s'enrouler sur lui-même en longues pelotes. Dans les conditions optimales d'utilisation (avec un rendement de l'ordre de 1 à 2 thons rouges pour 100 m de thonaille calée), le filet se déplace spontanément le long d'une trajectoire courbe de quelques kilomètres de diamètre, à une vitesse giratoire atteignant couramment 1 nœud (environ 50 cm/s). Bien que la mer soit idéalement très calme, les vitesses des thonailles sont dix fois plus rapides que celles des filets maillants dérivants (sur ces lieux de pêche, la tension superficielle horizontale provoquée par un vent de force 4 au large engendre un courant de dérive inférieur à 5 cm/s). La comparaison de ces vitesses impose comme une évidence que le mécanisme à l'origine des mouvements des thonailles est complètement différent de la dérive qui n'intervient que de façon accidentelle : il ont été identifiés comme des phénomènes pendulaires qui sont appelés oscillations d'inertie et sont entretenus par la rotation terrestre. Leur période (dite de Coriolis) est voisine de 18 heures en Méditerranée nord-ouest). Elle correspond à la durée d'une révolution et est égale à la demi-période de Foucault à la latitude du lieu de pêche. En théorie, si les conditions sont idéales chaque élément du filet revient au bout de 18 h au point où il a été immergé. En pratique, le filet reste dans l'eau un maximum de 12 h et ce maximum ne concerne que son extrémité. L'observation en mer ne permet donc pas la mise en évidence du phénomène de façon directe et évidente. Une autre difficulté tient au fait que les trajectoires des thonailles sont, comme les oscillations d'inertie, déformées par le relief dynamique de la mer avec des étirements perpendiculaires aux isobares de surface. On s'explique ainsi que l'étude du comportement cinétique des thonailles, due à J. Gonella, a été particulièrement délicate et que plusieurs années de travaux ont été nécessaires au Centre d'Océanologie de Marseille avant de parvenir à une conclusion appuyée sur des preuves robustes; Ces conclusions ont été déposées dans un rapport de 438 pages (septembre 2007) destiné au Conseil régional PACA qui a soutenu cette étude. Les spécialistes se sont fondés sur un échantillon de plus de 350 nuitées de pêche suivies par des observateurs embarqués, dans certaines cas à l'aide de GPS enregistreurs posés sur les filets. Ils sont ainsi parvenus à modéliser les déplacements périodiques des thonailles et à les prédire en fonction des conditions initiales, alors que les dérives sont des phénomènes apériodiques et aléatoires. Se fondant principalement sur un argumentaire scientifique, La République française conteste l'identification de la thonaille comme un filet maillant dérivant. Après avoir clôturé la pêcherie pour respecter la décision du Conseil européen, le gouvernement français a déposé un recours devant la Cour de Justice des Communautés Européennes. La décision de la Cour sera rendue publique début 2009 et concernera aussi le recours en manquement introduit en 2007 par la Commission européenne contre la République française. Aucune pêcherie européenne n'avait jusqu'ici provoqué un débat scientifique et juridique comparable à cette pêcherie artisanale dont l'origine remonte de façon certaine au moyen âge et peut-être à l'antiquité ligure, un métier auquel les pêcheurs méditerranéens sont particulièrement attachés. Quant aux scientifiques, ils s'interrogent sur la question de savoir pourquoi les aires maritimes où se manifestent les oscillations d'inertie constituent selon toute apparence des zones de concentration planctonique qui attirent la nuit les anchois et le krill remontant des couches profondes. Ces conditions attirent la faune prédatrice pélagique, en particulier le thon rouge, très abondant en Méditerranée, et les rorquals communs, autres carnassiers voraces, dont ils sont les compétiteurs trophiques directs.

Les défenseurs de l'environnement, qui se refèrent à des notions scientifiques qu'ils maîtrisent parfois assez mal, devraient méditer cet exemple d'un artisanat millénaire, fondée sur une connaissance intuitive de phénomènes dynamiques complexes, dont l'étude ne peut être abordée
que par le truchement de méthodes mathématiques assez sophistiquées. Le harcèlement scandaleux des artisans pêcheurs et des chercheurs du Centre d'Océanologie de Marseille par des associations écologiques a compromis et retardé le déroulement de ces études au point que les experts du C.N.R.S. et de l'Université de la Méditerranée ont dû en 2004 renoncer aux suivis en mer et que le Conseil d'État était intervenu en 2005 pour interdire la pêcherie.

Anonyme | 21 novembre 2008 à 09h15 Signaler un contenu inapproprié

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