L'Anses vient de rendre son avis sur les dangers présentés par quatre substituts au perchloroéthylène dans le nettoyage à sec. Elle avait été saisie par la Direction générale de la prévention des risques du ministère de l'Ecologie (DGPR) en mars dernier. L'expertise de l'agence était attendue car ses résultats conditionnent le bannissement plus ou moins rapide du perchloéthylène, qui doit résulter de la révision de l'arrêté du 31 août 2009 applicable aux pressings.
"Le perchloroéthylène, composé organique très volatil, fait (…) l'objet de nombreuses interrogations concernant ses propriétés de danger et est en particulier considéré comme susceptible de provoquer le cancer après exposition par inhalation", rappelle l'Anses. Le Circ a classé cette substance comme cancérogène probable en 1995 et a confirmé le mois dernier cette classification. Sa toxicité pour la reproduction est également suspectée.
Mais, comme le souligne Laurent Michel, Directeur général de la prévention et des risques, encore faut-il veiller à ce que "les produits de substitution ne soient pas pires que le perchloroéthylène". L'Anses a donc été saisie afin d'approfondir la connaissance de la composition des produits de substitution identifiés dans une étude de l'Ineris datant de mai 2011, à savoir les hydrocarbures en C9-C13, les produits à base de D5, le Rynex-3, et le Solvon K4. Et, sur cette base, d'indiquer les propriétés de danger de ces produits.
Pas de produit particulier en substitution du perchlo
"Les propriétés de danger identifiées et les incertitudes liées à l'absence de données essentielles ne permettent pas dans l'état actuel des connaissances de proposer un produit particulier en substitution du perchloroéthylène dans les installations de nettoyage à sec", conclut l'Anses à l'issue de ses travaux. Conclusions qui ne vont pas faciliter la prise de décision de la DGPR.
Des incertitudes liées aux manques de données toxicologiques et écotoxicologiques ont été relevées pour tous les produits, mais plus particulièrement pour le Solvon K4, relève l'avis. "Les données manquantes sont également importantes en ce qui concerne le Rynex 3", ajoute l'Anses. La substance D5 est considérée comme très persistante et très bioaccumulable (vPvB). Pour les hydrocarbures, et plus généralement pour les solvants organiques, une exposition répétée induit une neurotoxicité chez l'homme. "Une caractérisation plus précise des effets des alcanes C9-C13 effectivement utilisés comme alternatives au perchloroéthylène dans les installations de nettoyage à sec est nécessaire", en déduit l'Agence.
"Une autre limite de l'expertise réalisée réside dans la composition des produits retrouvés sur le marché", ajoutent les auteurs de l'avis. Ainsi, les préparations commerciales de DPGtBE constituant le Rynex-3 étant des mélanges en proportion variable, la toxicité de ce dernier varie d'un lot à l'autre.
Dans le but d'obtenir des données complémentaires sur les propriétés de danger des substituts, "une voie possible consisterait à inscrire les substances concernées au plan glissant d'évaluation des substances dans le cadre du règlement REACh (CoRAP)", suggère l'Anses. Mais, compte tenu des contraintes associées à cette procédure, les résultats pourraient ne pas être disponibles avant plusieurs années…
Prendre en compte d'autres paramètres
De plus, au-delà des propriétés de danger, l'Anses attire l'attention sur la nécessité de prendre en compte d'autres paramètres dans une démarche de substitution : conditions d'usage des produits, impact des procédés de substitution en termes d'ergonomie, exposition des travailleurs et des riverains. "Les risques pour la santé humaine et l'environnement sont à analyser au regard des performances en terme de nettoyage, des coûts des équipements, des coûts d'exploitation et des mesures organisationnelles notamment", ajoute l'avis qui donne pour exemple une étude de novembre 2010 réalisée par des représentants de plusieurs fédérations professionnelles, de l'INRS, des Carsat et de l'agence de l'eau Seine-Normandie.
Un rapport du Toxics Use Reduction Institute (TURI) rattaché à l'Université du Massachussets présente toutefois les substituts étudiés par l'Anses comme "des alternatives techniquement et économiquement acceptables", même s'il souligne également les limites associées au manque de données toxicologiques.
L'Anses souligne enfin que d'autres procédés de substitution, comme le nettoyage à l'eau avec utilisation de produits lessiviels, existent sur le marché. Le site consacré à la substitution des CMR en recense également. "De nouvelles alternatives issues d'une enquête de terrain seront publiées dans les prochains mois sur ce site, par le biais d'une collaboration entre la Cnamts et l'Anses", précise cette dernière.
Quoi qu'il en soit, certaines propriétés des substituts devront faire l'objet d'une attention toute particulière, indique l'avis : volatilité et inflammabilité dans les conditions usuelles de mise en œuvre, et disponibilité d'un dossier toxicologique très complet.