"Quels que soient les avis défavorables, nous sommes tenus juridiquement de maintenir le droit au permis minier "Limonade", a souligné Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, lors de son audition devant la commission développement durable de l'Assemblée nationale, mercredi 20 février, ajoutant : "L'important risque de contentieux serait malvenu en période de disette budgétaire". Accordé par le précédent gouvernement, ce permis minier autorise la société Rexma à exploiter l'or présent dans le secteur de la crique Limonade en Guyane, à 3 kilomètres du bourg de Saül.
Dans la continuité de l'arrêté signé le 2 mai dernier, l'attribution du titre minier était publiée au Journal officiel, le 11 décembre 2012.
Le problème ? Les 120 hectares concernés par le permis se situent en zone de libre adhésion du Parc national amazonien de Guyane. En aval, le bassin de la Crique Limonade se retrouve en zone cœur du parc. Depuis le 1er janvier 2012 le Schéma Départemental d'Orientation Minière (Sdom) classe l'ensemble de la zone comme étant interdite aux activités minières.
Une autorisation de cinq ans non renouvelable
La demande de l'exploitant étant antérieure, le schéma prévoit - dans ce cas - une autorisation transitoire de cinq ans, non renouvelable.
Ce permis a été accordé sans prendre en compte l'avis des acteurs locaux. Différents services de l'Etat (Direction régionale de l'environnement, Direction de l'Agriculture et de la Forêt, Office national des forêts), le préfet, les élus locaux ainsi que le Parc national s'étaient en effet prononcés contre ce projet.
Le conseil municipal de Saül avait également interdit toute exploitation minière dans un rayon de 10 km autour du bourg. Dans une logique de partage des activités économiques sur son territoire, le maire de Saül a en effet développé un projet d'écotourisme dans la zone à proximité de la commune.
Lutter contre les orpailleurs illégaux
Lundi 11 février 2013, Arnaud Montebourg a reçu les différents protagonistes (élus locaux, associations, représentants de la société Rexma). Les arguments avancés en faveur de l'exploitation de la société Rexma pointent que l'activité permettrait la création d'une soixantaine d'emplois et dissuaderait les orpailleurs illégaux de s'installer.
"Les exploitants légaux n'évitent pas les illégaux, au contraire, une fois le permis achevé, le territoire déforesté et aménagé en conséquence sera plus facilement accessible, assureAnne-Gaëlle Verdier, coordinatrice Outre-Mer au WWF France. Il serait plus efficace de renforcer les moyens de lutte contre l'orpaillage illégal et développer une coopération en ce sens avec le Brésil et Surinam".
Ce point avait également été soulevé lors d'une communication sur la mission effectuée en Guyane de la commission développement durable de l'Assemblée le 16 janvier 2012. "La Guyane est aujourd'hui pillée par des orpailleurs et des pêcheurs d'origine, notamment, brésilienne, avait alors dénoncé Catherine Quéré, député socialiste membre de la mission. Nous avons eu le sentiment que le Brésil fermait les yeux sur ces exactions - même chose, dans une moindre mesure, pour le Surinam".
La biodiversité du lieu et la présence de forêt primaire rendent impossible une réhabilitation totale du site. "Même si Rexma travaille à circuit fermé et donc réduit ses impacts, l'exploitation alluvionnaire de l'or entraîne nécessairement un brassage des terres qui restent en suspension et asphyxient les écosystèmes aquatiques", déplore Anne-Gaëlle Verdier.
Le permis entre en conflit avec le Sdage de Guyane qui prévoit de garantir la continuité hydrologique ainsi que de ne pas dégrader les cours d'eau en très bon état écologique.
Vers une plus grande protection ?
"Dans toutes les demandes de titres miniers, il y a beaucoup de procédures et peu de protection : notre objectif avec Delphine Batho est de trouver un meilleur équilibre", a assuré Arnaud Montebourg, le 20 février.
Pour faire évoluer les démarches, le gouvernement souhaite tout d'abord mieux connaître les ressources potentielles du sous-sol et élaborer un schéma national de valorisation des sous-sols. Le BRGM pourrait être missionné dans cet objectif. Il envisage également de distinguer l'exploitation et l'exploration et d'établir deux régimes juridiques. "Notre connaissance des sous-sols doit être détachée d'un intérêt lucratif", a t-il affirmé.
Le gouvernement propose d'associer une instance indépendante pour évaluer l'intérêt du projet, proposer des améliorations, partager les informations avec le public. Le ministre a également détaillé l'échéancier de la réforme du code minier : elle sera présentée en Conseil des ministres au mois de juin pour une adoption à l'automne.
" À l'occasion de la réforme du code minier, nous soulignons également l'intérêt d'une démarche qui concilie économie et écologie, qui permette d'associer populations et élus locaux", a pointé Guillaume Chevrollier lors de la communication sur la mission effectuée en Guyane, le 16 janvier 2012.