Les chercheurs de l'Institut national de l'Environnement Industriel et des risques (Ineris) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont développé un nouveau test biologique permettant de mettre en évidence le potentiel œstrogénique d'une substance donnée, c'est-à-dire si elle est capable de mimer l'action des œstrogènes.
Leurs travaux se basent sur le gène cyp19a1b qui code pour une enzyme, l'aromatase, qui catalyse la synthèse des œstrogènes. L'expression de ce "gène de l'aromatase" est régulée par les œstrogènes et y est très sensible. Ainsi, même de faibles doses d'un perturbateur endocrinien (PE) mimant les œstrogènes peuvent avoir de forts impacts sur l'organisme exposé.
Un test rapide et sensible
Le test est réalisé sur des embryons de poisson zèbre, translucides, et transgéniques qui expriment un marqueur fluorescent facilement mesurable. Une exposition du poisson de quatre jours à une substance testée suffit à déterminer son potentiel PE ou non. Dès lors que le "gène de l'aromatase" est transcrit, des cellules du cerveau deviennent fluorescentes. Les chercheurs peuvent de cette façon visualiser et quantifier l'activation de l'expression du "gène de l'aromatase" dans le cerveau sans sacrifier l'animal.
Un test révélateur de nouveaux composés perturbateurs
Les chercheurs ont réalisé leur test avec 45 composés suspectés de perturber le fonctionnement hormonal et qui peuvent être présents dans les eaux de surface, les effluents industriels ou les sédiments. Vingt-et-un d'entre eux ont induit une fluorescence et sont donc des substances PE œstrogéniques. Certains sont de vrais œstrogènes ou des œstrogènes synthétiques mimétiques (détergents, BPA..) mais d'autres sont des composés pro-œstrogéniques nécessitant d'être métabolisés par l'organisme pour induire un effet œstrogénique. Par exemple, les androgènes, qui sont des précurseurs d'œstrogènes, sont naturellement transformés en œstrogènes dans l'organisme, ce qui leur confère une activité œstrogénique. Les chercheurs ont pu constater que leur test biologique révèle l'activité indirecte PE de ces composés, ce qui était jusque-là impossible avec les tests in vitro. Ils ont pu découvrir ainsi que les progestatifs de synthèse que l'on trouve dans certains milieux et pour lesquels on n'avait pas mis en évidence de potentiel œstrogénique, sont également des composés pro-œstrogéniques.
Ce test répond à une véritable problématique environnementale et de santé humaine et à un nouvel enjeu de mise en place de tests biologiques permettant de cribler les activités perturbatrices du système endocrinien d'une substance. Reste à faire connaître que le test soit utilisable pour l'évaluation des substances chimiques dans le cadre de Reach relatif à l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des produits chimiques, c'est-à-dire avant commercialisation d'une substance. L'institut voit en lui d'autres applications potentielles, par exemple comme "test milieu" pour déterminer la présence de substances PE d'échantillons de terrain en complément des analyses chimiques actuelles.