L'Académie de médecine a adopté le 8 novembre un rapport sur les liens entre cancers et perturbateurs endocriniens (PEs). Selon elle, "la contribution de l'ensemble des PEs à une partie de l'augmentation sélective de l'incidence des cancers hormono dépendants du sein et de la prostate est possible voire probable sans qu'on puisse chiffrer l'importance de cette contribution". La démonstration d'une relation causale est difficile, voire impossible du fait de la large exposition de la population aux perturbateurs endocriniens et de l'effet cocktail de nombreux produits disséminés dans l'environnement.
Cependant, "les résultats des études convergentes sur les plastiques et agents plastifiants, associés à leurs autres effets délétères sur la santé, également très étudiés par ailleurs (reproduction, diabète type 2, obésité, toxicité neuro-endocrinienne et comportementale) indiquent que nous sommes, pour le bisphénol A (BPA) et les phtalates, dans une période transitoire d'incertitude relative, et nous autorisent à appliquer dès maintenant des mesures raisonnables de précaution", estime l'Académie de médecine.
Informer, conseiller, limiter
Cela passe par une meilleure information du public "sans l'angoisser" via l'étiquetage des produits contenant des perturbateurs endocriniens et la diffusion de conseils d'utilisation aux personnes les plus à risque (femmes enceintes, jeunes enfants, professionnels exposés dans le cadre de leur activité ou personnes déjà touchées par un cancer du sein ou de la prostate). "Par exemple : interdire de chauffer directement les aliments dans les emballages plastiques (fours à micro ondes et collectivités cantines, cliniques…), de stocker longtemps et à température élevée les eaux minérales dans les bouteilles plastiques libérant des phtalates ; ne pas recycler les emballages contenant BPA ou phtalates lors d'un tri sélectif (Eco-emballage) ; conseiller aux caissières manipulant des tickets de caisse thermiques de porter des gants, surtout si elles sont enceintes ; diminuer quand cela est possible l'utilisation des emballages plastiques contenant BPA ou phtalates qui exposent les enfants, polluent l'environnement et augmentent le volume des déchets".
L'Académie recommande également le remplacement progressif des bouteilles plastiques contenant BPA ou phtalates par des bouteilles en verre recyclables qui "ont démontré leur innocuité pour la santé" ou encore l'interdiction des sachets et jouets en plastique contenant ces substances pour les jeunes enfants.
Elle préconise également une modification des doses journalières admises (DJA).
Une interdiction totale est trop précoce
Néanmoins, elle juge qu' "on ne peut interdire dans l'immédiat et globalement tout produit plastique susceptible de libérer BPA ou phtalates. Même si on se limite pour le BPA aux plastiques des emballages alimentaires et des résines dentaires, les plus préoccupants au plan sanitaire, cela nous paraît irréaliste en l'absence de produits de remplacement ayant fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité". Le 12 octobre dernier, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi interdisant l'utilisation du bisphénol A (BPA) dans tous les contenants alimentaires dès 2014, et 2013 pour ceux destinés aux nourrissons. au plus tard le 31 octobre 2012, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) doit remettre un rapport au Parlement sur l'innocuité des substituts au BPA.
"Ces délais nous paraissent courts, car malgré douze ans d'études intensives, on ne comprend pas encore le mécanisme des effets du BPA à faibles doses et il est difficile de définir le moment où on disposera des produits fiables. Cela apparaît plus difficile pour les résines époxy couvrant la face interne des boites de conserve que pour les polycarbonates". L'Académie invite cependant les industriels à travailler dès maintenant sur des produits de substitution du BPA et des phtalates et recommande plus généralement d'accroitre la recherche fondamentale et les études épidémiologiques sur le sujet.