Les perturbateurs endocriniens (PE), soupçonnés d'être la cause de nombreuses pathologies allant de l'autisme à la baisse de fertilité, sont présents dans de multiples produits, dont les pesticides et les biocides. Dans le cadre des règlements encadrant ces deux catégories de substances, la Commission européenne met peu à peu en place des outils permettant d'évaluer leurs propriétés perturbatrices de façon harmonisée.
A sa demande, les agences européennes en charge de la sécurité alimentaire (Efsa) et des produits chimiques (Echa) ont publié le 7 juin la première version des lignes directrices (1) destinées à appliquer de façon normalisée les critères relatifs aux perturbateurs endocriniens. "Dans le système de l'UE, l'Echa est responsable de l'évaluation des biocides tandis que l'Efsa évalue la sécurité des substances actives utilisées dans les pesticides", rappellent en effet les agences.
Le guide s'adresse à la fois aux industriels, qui souhaitent mettre sur le marché des substances, et aux évaluateurs. Il doit être utilisé dès maintenant pour l'évaluation des biocides. En revanche, concernant les pesticides, "il sera appliqué pour l'évaluation des substances pour lesquelles une décision est prévue à partir du 10 novembre 2018", précise l'Efsa. Les deux agences préviennent toutefois que seuls les règlements ont une valeur juridique, l'utilisation des informations contenues dans le guide restant sous la seule responsabilité des utilisateurs.
"Le guide néglige le principe de précaution"
La publication de ces lignes directrices fait suite à la parution de deux textes de la Commission européenne. Cette dernière a publié en novembre 2017 le règlement fixant les critères d'identification pour les produits biocides. Les critères applicables aux pesticides ont, quant à eux, fait l'objet d'un deuxième règlement publié en avril dernier.
La définition des perturbateurs endocriniens qui résulte de ces deux textes est en fait la même, à quelques nuances près. Les règlements distinguent tous deux les effets pour l'homme, d'un côté, pour les organismes non cibles, de l'autre. Mais, entre les deux, les définitions sont là aussi très proches. Pour l'homme, une substance est considérée comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien si :
- elle présente un effet indésirable chez un organisme intact ou ses descendants, à savoir un changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance, le développement, la reproduction ou la durée de vie d'un organisme, d'un système ou d'une (sous-)population qui se traduit par l'altération d'une capacité fonctionnelle ou d'une capacité à compenser un stress supplémentaire ou par l'augmentation de la sensibilité à d'autres influences,
- elle a un mode d'action endocrinien, c'est-à-dire qu'elle altère la ou les fonctions du système endocrinien,
- l'effet indésirable est une conséquence du mode d'action endocrinien.
Outre le retard dans leur adoption, ces définitions ont fait l'objet de critiques de la part des associations en pointe sur la question des pesticides. "Le niveau de preuve reste extrêmement élevé (…) [et] l'industrie pourra donc bien souvent arguer que ces modes d'action ne sont pas connus pour ne pas voir la substance interdite !", avait ainsi réagi Générations futures au moment du vote du texte sur les pesticides.
"Le document semble être « venu du futur » car il suppose un très haut niveau de compréhension de la fonction du système endocrinien et de la façon dont les substances causent la perturbation endocrinienne, ce que nous n'avons pas actuellement", avait réagi Pesticide Action Network (PAN) au moment de l'ouverture de la consultation publique sur le projet de guide en décembre dernier. "Le guide néglige complètement le fait que le droit européen est basé sur le principe de précaution, nous n'avons pas besoin de comprendre le mode d'action complet par lequel un produit chimique cause une effet indésirable, pour limiter les expositions humaines et environnementales", expliquait Hans Muilerman, chargé de mission produits chimiques au sein de l'ONG.
"Tous les commentaires ont été pris en compte par le groupe de rédaction lors de la finalisation du document", tente aujourd'hui de rassurer l'Efsa.