Le faisceau d'indices mettant en cause les perturbateurs endocriniens dans l'augmentation importante des maladies liées au système hormonal est significatif. Le rapport du sénateur Gilbert Barbier, approuvé le 12 juillet par l'Office parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologies (OPECST), préconise de passer à l'action.
Augmentation significative des maladies liées au système hormonal
Les inquiétudes relatives aux perturbateurs endocriniens proviennent de l'augmentation importante, et non encore expliquée, de maladies liées au système hormonal, comme certains cancers ou des problèmes de fertilité.
"En France, le taux d'incidence de tous les cancers a augmenté de 35 et 43 % respectivement chez les hommes et les femmes depuis 1980", indique le rapport, reprenant des chiffres de l'Inserm.
Chez l'homme, les cancers de la prostate ont été multipliés par quatre depuis 1975. Le cancer du testicule est en augmentation de 2,5% par an depuis 1980, selon des chiffres de l'INVS. Chez la femme, le cancer du sein a vu son incidence doubler depuis 1980.
En matière de fertilité, les chercheurs s'inquiètent d'une possible combinaison d'une baisse de moitié du nombre de spermatozoïdes et d'une augmentation des malformations génitales masculines.
Un lien de causalité crédible
"Les données scientifiques disponibles rendent crédible un lien de causalité entre ces maladies et l'action de substances perturbant le système endocrinien", indique le rapport.
L'impact avéré de certaines de ces substances (DDT, PCB, peintures à bas de TBT) sur les animaux sauvages, l'analogie avec des produits comme le Distilbène ou la chlordécone, et plusieurs publications académiques viennent conforter la probabilité de ce lien.
"L'impact de la pollution des milieux aquatiques à la sortie des stations d'épuration, dans certaines rivières ou estuaires est réellement préoccupant, des pourcentages importants de poissons pouvant être victimes d'intersexualité", souligne notamment le rapport. Certaines sources de pollution, comme les hôpitaux, sont insuffisamment traitées. Les médicaments étant d'ailleurs, selon le rapport, "les seules substances chimiques à ne pas être réellement soumises à une évaluation de leurs conséquences environnementales".
Plusieurs découvertes en laboratoire ont par ailleurs mis en évidence les propriétés de perturbation endocrinienne de substances comme le Bisphénol A ou les phtalates chez les rongeurs.
Quand la dose ne fait plus le poison
Ce faisceau de résultats scientifiques remet en cause les fondements de la toxicologie moderne établis par le savant suisse Paracelse, selon qui "seule la dose fait qu'une chose n'est pas un poison". Toute la réglementation des produits chimiques pour protéger travailleurs et grand public, définissant une dose d'exposition sans effet tout au long de la vie ou dose journalière acceptable (DJA), est actuellement fondée sur ce principe.
En fait, même si les incertitudes restent nombreuses, des effets sont constatés à faible dose, "le perturbateur agissant comme une clef dans une serrure", indique le rapport. La réponse peut ne pas être linéaire : forte à faible dose, faible à forte dose. Le mélange de plusieurs substances peut entraîner des effets de synergie ou de potentialisation.
En outre, les organismes peuvent être nettement plus sensibles à des périodes précises de leur vie, intra-utérine notamment. "Ce n'est alors plus la dose qui fait le poison mais le moment", souligne le rapport. Enfin, des effets transgénérationnels ont été démontrés : des maladies induites par une exposition fœtale se déclencheraient plus tard chez l'enfant ou l'adulte.
Etiqueter les produits à risque, retirer les phtalates à chaîne courte
Alors que faire face à ce constat ? Le sénateur Gilbert Barbier préconise de fonder l'action sur trois piliers : savoir, prévenir, agir.
Il s'agit tout d'abord de renforcer l'effort de recherche et d'améliorer sa coordination. La Commission européenne a demandé un rapport scientifique au Professeur Kortenkamp, qui devrait être disponible à l'automne 2011. En France, l'Anses a été saisie par le Gouvernement pour remettre également un rapport sur la question. Une véritable priorité doit être accordée "à l'adoption de tests reconnus internationalement pour identifier les perturbateurs endocriniens", insiste le rapport.
La prévention passe par la limitation de l'usage des substances incriminées, la prise en compte de leur rôle de perturbateurs endocriniens potentiel et la réduction de leurs rejets dans l'environnement. "A cet égard, la bonne application des plans PCB et Echophyto 2018 est importante", souligne le rapporteur, qui insiste aussi sur la réelle prise en compte des résidus médicamenteux dans l'eau.
Afin de réduire l'exposition périnatale, le sénateur Barbier propose d'informer les consommateurs et d'apposer un pictogramme similaire à celui présent sur les bouteilles d'alcool pour indiquer sans ambiguïté aux femmes enceintes ou allaitantes un risque élevé de perturbation endocrinienne.
Pour finir, le rapport préconise des mesures d'interdiction dans le cadre de la réglementation en vigueur. Dans cette logique, Gilbert Barbier demande " l'accélération du retrait des phtalates à chaîne courte dans les applications médicales à destination des femmes enceintes et jeunes enfants".