Oui, l'agriculture biologique utilise des pesticides, mais leur quantité et leur toxicité sont très loin d'atteindre celles des produits sur lesquels se base l'agriculture conventionnelle. C'est le constat, chiffres à l'appui, que l'association Générations futures dresse dans un rapport (1) publié ce mardi 30 mai. « Nous avons eu la volonté d'apporter une réponse factuelle aux nombreuses campagnes de doute ciblant l'agriculture biologique », déclare son porte-parole, François Veillerette, à une semaine de la diffusion, par ailleurs, dans l'émission télévisée Cash Investigation d'une enquête en la matière.
Deux substances suspectées d'être CMR
Concrètement, l'association s'est attelée à identifier le nombre de substances, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché en France en 2023, utilisables en agriculture biologique (UAB) – d'origine uniquement animale, végétale ou minérale à la différence des pesticides, chimiques ou synthétiques, pouvant également être autorisés en agriculture conventionnelle – et classé s pour leur toxicité par la réglementation européenne. Elle a ensuite comparé ces données aux quantités vendues (en tonnes) en 2021, année correspondant aux statistiques les plus récentes. L'association s'est appuyée pour cela sur les trois principales bases de données officielles disponibles : l'E-Phy et l'Agritox, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), ainsi que la BNV-D, banque alimentée par les producteurs de pesticides et exploitée par l'État dans le cadre du suivi du plan Écophyto.
En s'attardant sur les niveaux de toxicité des différents produits, l'association souligne qu'environ un tiers des pesticides actuellement autorisés en agriculture conventionnelle sont classés CMR et que la quasi-majorité sont toxiques pour le milieu aquatique. Aucune des substances UAB n'est officiellement classée CMR. Pour le moment, la reprotoxicité est néanmoins suspectée pour deux insecticides : le spinosad (issu d'une toxine sécrétée par la bactérie Saccharopolyspora spinosa), selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l'azadirachtine (extrait d'un arbre indien, le margousier), selon l'Anses. « La procédure d'évaluation européenne [qui officialiserait ce classement ; NDLR] reste extrêmement longue, souligne Pauline Cervan, pharmaco-toxicologue et chargée de mission scientifique chez Générations futures. D'autant que l'examen du caractère perturbateur endocrinien, introduit récemment, retarde actuellement le traitement des dossiers. »
Une dangerosité à la marge
Quant aux deux seules substances UAB suspectées CMR, elles sont, elles aussi, loin d'être prépondérantes. En 2021, treize tonnes de spinosad ont par exemple été vendues sur les quelque 65 000 tonnes totales de produits phytopharmaceutiques achetées cette année-là (dont environ 21 000 en bio et 44 000 en conventionnel). « Le spinosad et l'azadirachtine ne représentent que 0,34 % des ventes d'insecticides en France et 0,06 % des ventes de substances biologiques, tandis que 28 % des substances conventionnelles vendues en France sont déjà classées CMR », indique Pauline Cervan. Autrement dit, conclut-elle, « si la filière bio peut effectivement bénéficier de certaines substances potentiellement dangereuses, elle n'y a recours que très marginalement et les pourcentages de ventes le montrent : ils sont très faibles par rapport à ce qui en est fait en agriculture conventionnel ».