Dans le débat sur les pesticides, l'agriculture est souvent pointée du doigt. Pourtant, ces produits sont utilisés par d'autres catégories d'utilisateurs, et notamment les particuliers. Ces usages sont plutôt méconnus. C'est pourquoi l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a lancé, en 2014, une vaste étude Pesti'Home, « afin de mieux connaître les pratiques et les usages des pesticides des Français à leur domicile, dans les habitations, les jardins ou encore pour traiter les animaux domestiques », indique l'Anses.
Plus de 1 500 ménages ont été interviewés, des inventaires des produits stockés à domicile ont été réalisés, permettant d'identifier 5 400 produits utilisés. « Il s'agit de la première étude d'envergure nationale dans ce domaine. Les résultats obtenus éclairent sur les conditions réelles d'utilisation et de stockage, et permettront de mieux évaluer les expositions des populations aux pesticides », souligne l'agence, qui a publié les résultats de Pesti'home (1) ce lundi 7 octobre.
« Les données recueillies ont d'ores et déjà permis d'orienter les campagnes de mesures dans l'air intérieur et les études d'imprégnation des populations (mesures dans le sang, les cheveux, les urines), et elles contribueront à interpréter leurs résultats », indique l'Anses. D'ici la fin de l'année, l'ensemble des données seront accessibles en open data.
Une utilisation généralisée
Premier enseignement de cette étude : 75 % des ménages suivis ont utilisé au moins une fois un pesticide dans l'année. Ce qui fait dire à l'Anses que « l'utilisation des pesticides à domicile est généralisée »". Les insecticides sont les plus utilisés. Pas moins de 84 % des ménages en ont fait usage dans l'année. « Ce sont principalement des biocides utilisés contre les insectes volants (40 % des ménages) et les insectes rampants (28 %), et des médicaments vétérinaires pour lutter contre les parasites des animaux de compagnie (61 % des ménages ayant un animal domestique). La moitié des utilisateurs d'insecticides en utilisent au moins trois fois par an. »
Enfin, 12 % des ménages utilisent des répulsifs cutanés humains, pour se protéger, notamment, des moustiques. La fréquence d'utilisation est importante : « au moins six utilisations par an pour la moitié des ménages, et plus de 25 fois par an pour un quart des ménages ».
Quant aux familles de substances utilisées, les pyréthrinoïdes (cyperméthrine, tétraméthrine, perméthrine) sont les plus présentes dans les produits, suivies du glyphosate puis du fipronil (interdit en protection des plantes mais autorisé en biocide et en médicament vétérinaire).
À l'aune de ces résultats, l'Anses dresse trois profils types d'utilisateurs.
Les faibles utilisateurs sont des ménages qui habitent dans des logements collectifs, en centre-ville, souvent dans la région Île-de-France.
Les forts utilisateurs possèdent des animaux de compagnie et/ou ont recours aux traitements contre les poux pour l'homme.
Enfin, « les très forts utilisateurs de pesticides ont plusieurs usages de différents types de produits, dans leur jardin, maison, piscine, et pour se protéger eux-mêmes des insectes. »
Un usage majoritaire à l'intérieur, parfois sans précaution
L'utilisation de ces produits se fait davantage à l'intérieur des maisons (67,2 %) qu'à l'extérieur (55,7 %). La plupart du temps, ces produits sont rangés dans la cuisine (33,7 %) ou dans le garage (24,5 %).
De nombreux produits retirés du marché depuis 2014
Depuis la réalisation de cette étude, en 2014, la législation a évolué. Depuis le 1er janvier 2019, la vente aux particuliers de produits phytopharmaceutiques destinés aux usages amateurs est interdite. Seuls les produits de biocontrôle sont autorisés. « De nombreux produits identifiés dans Pesti'home ne sont donc plus disponibles aujourd'hui à la vente pour le grand publi »", note l'Anses. Certains produits biocides ne sont plus disponibles sur le marché. « L'Anses recommande donc qu'une information claire soit diffusée régulièrement aux utilisateurs concernant les produits retirés de la vente, qui doivent être rapportés dans les filières de retraitement des déchets chimiques ».
Autre problématique : l'élimination des déchets. L'étude révèle que « 60 % des ménages jettent leurs produits inutilisés à la poubelle et seulement 31 % les déposent à la déchèterie [ce qu'il convient de faire]. D'autre part, plus d'un quart des ménages avaient dans leur stock au moins un produit de protection des plantes interdit à la vente. »